« Pour tout vous dire, je ne suis pas un grand amateur de ce genre de
cérémonie. » Que l’adjoint municipal Gilles Vesco se rassure, la Ville
de Lyon a décidé, cette année, de dynamiser la commémoration de la
libération de Lyon.
Grace au concours des associations Jeepman 38 et du Jeep Club de Lyon,
le traditionnel dépôt de gerbe au pied du veilleur de pierre à Bellecour
a été suivi d’un défilé de véhicules d’époque depuis la place jusqu’à
l’Hôtel de Ville.
Sur les casques des libérateurs américains d’un jour, des paquets de
cigarettes. Dans leurs poches, les fameuses gommes à mâcher, distribuées
ça et là à mesure du trajet effectué par le cortège.
Place de la Comédie (2e) samedi matin, on pouvait voir une dizaine de Jeep
alignées, une traction avant aux fières croix de Lorraine sur ses
portières. Des petits drapeaux français et américains sont distribués
par les organisateurs. Dans les enceintes grésillent le Chant des
Partisans, hymne de la résistance rédigé par Maurice Druon et Joseph
Kessel et Lili Marlène, chanson d’amour de 1915 devenu dès 1941 un chant
de guerre pour les Allemands. Dans sa jeep, Francis Beaucamps, le
président-fondateur du comité du souvenir apprécie.
Des familles, des enfants montent dans les véhicules, se mêlent à ces
soldats américains et français d’une matinée. On croise même un soldat
Russe.
Le souvenir, quand il se base sur des éléments tangibles et dans la
transmissions orale intergénérationnelle, prend décidément plus de
corps.
A l’Hôtel de Ville, l’heure est aux discours. Au pupitre, Guy Dufeu, Président de la Section du Rhône de l'Association Nationale des Médaillés de la Résistance Française. Il rappelle qu’il y a soixante-sept ans, le 3 septembre 1944, Lyon se libérait de l’occupation allemande grâce au concours de la 1ère DFL, l’action intérieure des FFI.
Appuyant particulièrement sur l’action in-situ de ces derniers pour préparer l’arrivée de la 1ère armée française dirigée par la Gal Diégo Brosset, il évoque « un essaim de guêpe multipliant ses piqures », reprenant la comparaison faite à l’époque par le Gal Allemand Blaskowitz. « De l’autel des ancêtres, ne conservons pas les cendres, conservons la flamme », termine celui qui avait 20 ans en 1944.
Des accents gaulliens dans le ton, le sénateur-maire Gérard Collomb cite Bergson pour inviter l’auditoire « à projeter dans l’avenir ce qui a été perçu dans le passé. »
C’est en effet la combinaison de la crise économique et financière des années 30, mutée en crise sociale, qui a propulsé les nazis par les urnes au Reichstag. « Leçon qui résonne d’un écho singulier en ces temps où, sous les coups de boutoirs de la crise financière les gouvernements semblent chaque jour un peu plus incapables de sortir notre continent des difficultés, incapables de surmonter un chômage qui dans bien des pays, et en particulier dans le notre, menace de déstructurer la société », met en parallèle le maire de Lyon. Sur l’estrade, le Garde des Sceaux Michel Mercier, la secrétaire d’Etat à la Santé Nora Berra et le député du Rhône Michel Havard comprennent que le discours du maire de Lyon est passé du cérémonial au politique.
Avant de remettre aux sept récipiendaires du jour la médaille de la Ville de Lyon, l’édile emprunte à Alberto Spinelli, pionnier du mouvement fédéraliste européen, son exhortation finale à construire l’Europe politique : « si l’Etat national était la seule forme d’organisation politique pour les Européens (...) nous n’aurions qu’à constater que nous sommes arrivés à la fin de la civilisation européenne, nous résigner et attendre que notre destin s’accomplisse. »