L'irrésistible ascension de Louis Thannberger

Dans quelques semaines, Louis Thannberger va fêter sa 200e introduction en Bourse. De Majorette à Infogrames, un parcours exceptionnel. Dix ans après avoir quitté la Lyonnaise de banque, cet ancien guichetier a aujourd'hui fait fortune en entraînant des PME de la région sur le second et le nouveau marché. Ses principaux atouts : un extraordinaire talent commercial et un sens exceptionnel de la communication. Personnage controversé, Thann est parfois détesté pour son culot, sa grande gueule et son côté mégalo. Mais tout le monde reconnaît qu'il a joué un rôle essentiel pour ouvrir le capital des petites et moyennes entreprises au public. Une enquête portrait qui retrace cette irrésistible ascension au cœur de l'establishment financier.

"Je  peux  faire  de  vous  des milliardaires !"
Louis  Thannberger  commence à parler. Voix grave, geste large, regard appuyé... Pendant une heure, il va tenir la salle. Bronzé, carrure de rugbyman, élégant et charmeur. Une bête de scène. Face à lui une quarantaine de Pmistes lyonnais réunis par un syndicat patronal. On est le 11 février 1999. Une journée ordinaire pour Thann qui est venu faire son numéro. Un numéro aujourd'hui bien rodé. "La Bourse, c'est simple comme bonjour, c'est fait pour les paysans !" proclame ce grand copain de Bernard Tapie, pour ajouter sur un ton légèrement provocateur : "Il y a un moment pour  bosser  et  un  moment  pour encaisser !"
Toujours cette voix de crooner, ces formules choc et cet extraordinaire savoir-faire : clins d'œil, sourire complice... Une fois de plus, il va être applaudi par un  public  médusé.  "Un  vrai  pro"
murmure un journaliste économique qui pourtant déteste le personnage. Même les plus sceptiques saluent la performance  de  celui  que  tout  le monde surnomme "Thann".
Ce soir-là, le numéro 1 français de l'introduction en Bourse se sent chez lui, ici  à  Lyon,  une  ville  où  il  a  passé
22 ans avant de "monter" à Paris pour installer sa "boutique" sur les Champs-Elysées. A 62 ans, Thannberger est riche. Souvent beaucoup plus riche que ses clients patrons. Tous les journaux économiques sont d'accord. Thann pèse 150 millions de F minimum. Une réussite spectaculaire pour cet ancien guichetier de banque qui vient d'annoncer sa 200e introduction.  "Je suis l'inventeur du second marché et le père du nouveau marché" proclame  désormais  l'artiste.  Toujours aussi modeste.
Mais aujourd'hui, l'exploit est salué par tous. Y compris au sommet de l'Etat par Jacques Chirac lui-même qui l'a reçu à l'Elysée début février avec une centaine de chefs d'entreprise qu'il a introduits en Bourse. Encore un joli coup médiatique pour Thann qui, comme d'habitude en rajoute :  "J'en ai mis du temps, mais j'y suis arrivé !" Mais  d'où  vient  ce  personnage incroyable, tellement incroyable que parfois on se demande s'il ne débarque pas d'une autre planète ?
 "C'est un vrai self-made-man", raconte un financier lyonnais en précisant: "Il a commencé comme grouillot à la Banque populaire d'Alsace où il était chargé de porter les chèques d'une agence à l'autre."
{{{Guichetier en Alsace}}}
Né le 25 mars 1937 à Saint-Louis dans le Haut-Rhin, Louis Thannberger est  issu d'une modeste famille d'agriculteurs. Pour ce petit Alsacien, les débuts seront difficiles. Pas question de faire des études. D'ailleurs, il n'est pas doué pour ça. Trop instable, trop indiscipliné. A 17 ans, il se met au travail. Embauché à Saint-Louis à la BNP, il est d'abord garçon de courses, puis guichetier. Un apprentissage qui va durer six ans. Thann se marie en 1961 avec une Alsacienne qui lui donnera deux enfants : Rémy et Jean. La même année, il entre à la Banque populaire du Haut-Rhin à Mulhouse. Et il franchit un premier cap en devenant chef de  service.  Neuf  ans  plus  tard,  il débarque à Lyon où il devient fondé de pouvoir à la société Lyonnaise de banque. Deuxième étape importante pour ce jeune cadre pas tout à fait comme les autres.
"La première fois que je l'ai vu, j'ai compris et je me suis marré" se souvient un des ses collègues. Compris que Thannberger était "un sacré phénomène".
Quand il atterrit à la "Lyonnaise", le futur  patron  d'Europe  Finance  et Industrie a 33 ans. Il travaille à la gestion de patrimoine. Mais c'est déjà un passionné de Bourse. Michel Angé, aujourd'hui directeur général de cette banque raconte : "C'était un garçon très dynamique, il avait une force de conviction incroyable pour faire avancer ses idées".
Un ancien agent de change ajoute. "Il détonnait  complètement  dans  ce milieu bancaire. Il n'était pas discret, ni prudent... Il parlait fort, gesticulait, rigolait... Pas du tout le "style lyonnais". Et pourtant, cet Alsacien va rapidement réussir à se faire adopter. Le déclic, ce sera d'abord sa rencontre avec Gilles Brac de la Perrière, le président de la Lyonnaise de banque qui va tomber sous le charme. Pourtant,  "Brac", ce n'est pas le genre rigolo.
Inspecteur des finances, ancien directeur financier de Rhône-Poulenc, ce bourgeois lyonnais est l'auteur d'un certain nombre de rapports qui font autorité dans les milieux financiers, notamment sur les fonds propres. Mais c'est aussi un pionnier de  l'introduction  en  Bourse  des  entreprises  moyennes. L'idée de Brac est simple : pour se développer, les entreprises moyennes sont obligées d'emprunter et parfois de s'endetter lourdement. Mieux vaut ouvrir leur capital en les introduisant en Bourse, ce qui leur permettra de réunir de l'argent sans peser sur leur rentabilité. Le patron de la Lyonnaise va devenir le maître à penser de Thannberger qui comprend tout de suite qu'il tient là une carte maîtresse.
Et rapidement Thann va avoir l'occasion de démontrer l'ampleur de son  talent. Là encore, le déclic c'est une rencontre. Mais cette fois, il s'agit d'un industriel : Emile Véron, Pdg de Majorette, entreprise spécialisée dans la fabrication de voitures miniatures. Un patron vedette, star des années 70, qui a mis en œuvre dans son entreprise une politique sociale d'avant-garde en offrant notamment des actions à tous ses salariés.
{{{Le gourou de la Bourse lyonnaise}}}
Quand il décide de s'introduire en Bourse le 7 décembre 1977 sur le marché  au  comptant,  Véron  s'adresse directement à Thannberger qui a déjà participé  à  quelques  introductions réussies comme celles d'Ecco et de Seb.
Pourquoi ce choix de Thannberger ? Parce que Véron s'est heurté au scepticisme de plusieurs banques. Chaque fois, on explique au Pdg de Majorette que son entreprise, qui réalise alors 70 millions de chiffre d'affaires, n'a "pas la taille pour entrer en Bourse".
Thannberger est enthousiaste. Soutenu par son patron, il pilote cette introduction à risque. Et c'est un véritable succès qui se transforme en formidable événement médiatique.
"Majorette, ça a été le premier coup d'éclat de Thannberger à une époque où les entreprises ne s'intéressaient pas à la Bourse. Et c'est ce qui lui a permis de se faire connaître" explique Alain Tholo

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