Et dire que Björk aurait pu ne jamais voir Fourvière. De l’aveu même du
directeur des Nuits de Fourvière Dominique Delorme, sa venue à Lyon est
le fruit d’un labeur de plusieurs années avec ses équipes. Une approche
de longue haleine qui s’est finalisée pour la 19e édition
des Nuits. "Avec Björk, tout s’est décidé autour d’une bière", confiait
Delorme en mars dans une interview sur les ondes de Jazz Radio. Mais
quelques mois plus tard, les 4 500 chanceux ayant réussi à arracher un
ticket pour l’étape lyonnaise de Björk, retenaient leur souffle.
Fragilisée par un nodule, l’Islandaise se voit contrainte d’annuler sa
participation à deux festivals début juin. Son passage à Fourvière est
toutefois maintenu, pour la deuxième et dernière date française de sa
tournée, après les arènes de Nîmes quelques jours auparavant. Seul
aménagement notable : le concert est avancé à 21h pour préserver du
froid l’organe fragile de la chanteuse.
Son arrivée sur scène est précédée par celle de ses choristes. 13 jeunes
filles, adolescentes, jeunes femmes. Quel âge ont-elles réellement ? "On dirait des sirènes", murmure-t-on dans la fosse. Leur entêtante
complainte d’ouverture annonce Cosmogony, premier titre de l’album
Biophilia, dont Björk interprétera huit morceaux. Deux musiciens
rejoignent leur poste. Ils tiennent plus de l’ingénieur du son et du
programmateur informatique. La musique est dématérialisée dans les
machines, les écrans tactiles, les tables de mixage. Seule une batterie électronique
rappelle la matérialité originelle du son, devenu aérien. Au fond de la
scène, trois écrans doublent la performance avec un set quasiment
ininterrompu de VJing. Dans sa robe bleu électrique, perruque rousse,
Björk module, accompagne ce chaos organisé de sa voix si singulière. Le
spectateur est transporté dans une expérience musicale qui bouscule tous
ses sens. Les infrabasses soulèvent le ventre, le chorus berce. Björk
termine l’interprétation de Crystalline, en milieu de concert, dans un
tempo arythmique de drums & bass, virant parfois à la jungle.
Jubilatoire.
Car Björk ne s’écoute pas. Sa musique est une invitation au voyage,
volontaire ou contrainte. L’oreille n’est qu’une porte d’entrée a minima
dans son univers. Ce n’est pas la seule. Le spectateur ne le sait pas,
peut être cela s’est-il joué malgré lui, mais l’Islandaise a déjà
modifié son état de conscience. Il est en éveil. L’expérience est
saisissante. De Hunter à Joga, le son enrobe, pénètre, envoûte. Un
transport musical exacerbé lors de l’interprétation de Nattura, que
Björk dédie à Eyjafjöll, ce massif volcanique islandais dont le panache a
embrumé l’Europe pendant plusieurs mois en 2010. Stromboscope sur la
foule et pluie d’étincelles sur scène. Cette puissance créatrice,
dynosiaque, s’achève dans le dernier morceau joué, Declare Independence. Un passage fracassant pour la fée islandaise, repartie aussi légère
qu’arrivée, et qui aura prêté pour un trop court instant ses folles
ailes au public lyonnais.
Bel hommage dans cet article et justifié..
Signaler RépondreJ'y étais et c'etait magnifique..
Merci à la grande artiste , à ses musiciens et aux techniciens du son et de la lumiere..