Pourquoi vous avez décidé de partir en Asie ?
Lionel Toutainrosec : D’abord parce que nous adorons voyager pour découvrir de nouveaux pays, de nouvelles cultures, rencontrer des gens... Mais pour vraiment s’imprégner d’un pays étranger, il faut passer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Comme on l’a déjà fait en Amérique du Sud. Cette fois, on avait envie de découvrir l’Asie. Et à 28 ans, c’était l’occasion ou jamais de partir pendant six mois : on n’a pas d’enfants, on travaille depuis trois ans...
Comment votre employeur a réagi ?
J’ai notamment rencontré le patron de Jump France, Michel Hébert, pour lui expliquer mon projet. Et il m’a soutenu dans ma démarche, car quand on fait un métier de créatif, c’est toujours positif de s’ouvrir l’esprit. Pour ramener des idées, des concepts... D’autant plus que Michel Hébert milite justement pour le métissage ! J’ai donc pris six mois de congés sans solde. Et je profite du voyage pour rencontrer les équipes de TBWA dans les pays qu’on traverse. Quant à ma femme Gwenaelle qui travaille pour une ONG, ça n’a pas non plus posé de problème de partir pendant six mois.
Ce genre de voyage demande des préparatifs particuliers ?
Comme on a une mentalité de routards, on a pris le strict nécessaire. Un sac à dos de 17 kg pour moi, 14 kg pour ma femme. Avec surtout tous les médicaments nécessaires, car quand on tombe malade au fin fond du Laos, il vaut mieux avoir de quoi se soigner ! On a également obtenu les visas nécessaires, sauf pour la Chine. Et à part le billet d’avion Paris-Bangkok, on n’avait rien réservé à l’avance. Par contre, notre planning était très serré. Du 6 février au 3 août, on a prévu de faire la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam, le Laos, Myanmar, c’est-à-dire l’ancienne Birmanie... Mais aussi l’Inde, le Sri Lanka, le Népal et enfin la Chine.
Votre budget ?
6 000 euros à deux. Et comme on s’est mariés juste avant, on en a profité pour se faire financer notre voyage par notre famille et nos amis ! Pour le moment, on a respecté notre budget, même si la vie en Chine, qui est notre dernière étape, coûte beaucoup plus cher que dans les autres pays asiatiques que nous avons traversés.
Ce que vous retenez de votre voyage ?
C’est une extraordinaire aventure humaine, que nous allons mettre longtemps à digérer. Car on ne ressort pas indemne d’un tel voyage. Quand on voit la misère dans ces pays, ça permet de relativiser nos petits problèmes quotidiens à Lyon. Car franchement, on a beaucoup de chance de pouvoir manger normalement, dormir dans un lit, se soigner...
Votre plus beau souvenir ?
Les paysages du Ladakh, à la frontière de l’Inde et du Népal. En particulier la Nubra Valley, qu’on a traversée en moto. Avec ses montagnes à plus de 5 000 m d’altitude, ses torrents provoqués par la fonte des neiges, ses glissements de terrain, son désert de sable qui est le plus haut du monde... Bref, c’est époustouflant.
Des rencontres qui vous ont marqués ?
A Myanmar, on a discuté avec un moine bouddhiste de 20 ans, qui est étudiant dans une école monastique. Il était simple, digne, chaleureux... Et on sentait chez lui une vraie envie de témoigner de ce qu’il vit, de la population qui souffre de l’isolement imposé par le régime militaire depuis 50 ans... D’ailleurs, tous les gens que nous avons rencontrés à Myanmar étaient très accueillants.
Vous n’avez jamais rencontré de problèmes ?
Si, on a bien cru qu’on allait mourir en se rendant au Ladakh. Car le chauffeur du bus, qui roulait sur des routes à plus de 4 000 m d’altitude, s’endormait au volant ! Alors qu’au moindre écart, c’était la chute dans le précipice... C’est ma femme qui a poussé un cri pour le réveiller ! Du coup, pendant 18 heures, on s’est relayés pour le maintenir éveillé.
Et vous n’avez jamais été agressés ?
Non, on s’est toujours sentis en sécurité. On fait confiance à notre bon sens pour éviter les personnes qu’on ne sent pas. Par contre, on a connu quelques problèmes administratifs avec la Chine pour obtenir un visa. A cause des Jeux olympiques et des problèmes au Tibet, il a fallu remplir des tas de paperasses, apporter une caution bancaire de 3 000 euros...
Des déceptions ?
Franchement non, car on n’a jamais idéalisé notre voyage. Et puis avant de partir, on a évité de se gaver de guides, de photos... Pour garder notre curiosité intacte. Et avec tout ce qu’on a vu depuis février, on est rassasiés !
Votre pays préféré ?
On a aimé tous les pays qu’on a traversés. Mais on dirait le Laos pour la beauté de ses paysages, son côté sauvage, nature, pas encore pollué par le tourisme. Et Myanmar pour la gentillesse de ses habitants.
Vous appréhendez votre retour à Lyon ?
Pas du tout, car contrairement à d’autres routards que nous avons rencontrés, on savait que notre périple avait une fin. On en a donc profité à fond, mais après six mois de voyage, il faut également reconnaître qu’on est épuisés. Physiquement d’abord, puisque j’ai perdu 7 kg et Gwenaelle, 4 kg. Mais aussi moralement, car on n’est jamais restés plus de trois jours au même endroit, il fallait donc gérer la logistique en permanence. Et puis on a vu des scènes de vie très dures, en particulier en Inde, qui reste vraiment un pays unique au monde, un peu hors du temps.
Votre premier réflexe en arrivant à Lyon début août ?
Manger un bon steak saignant chez Carré Saône car la cuisine française nous a manqué !
Propos recueillis par Thomas Nardone
Voir le blog de ces deux routards lyonnais