Commercialiser une voiture électrique en 2009, c’est bien réaliste ?
Hervé Arnaud et Jean-Yves Castellon : Absolument. On travaille sur ce projet depuis sept ans et nous avons exposé un prototype au mondial de l’automobile à Paris, en septembre dernier. Notre voiture roule parfaitement et elle est en cours de test pour être homologuée au niveau européen d’ici février 2009. Bref, ce véhicule est très sérieux et nous discutons avec une douzaine de constructeurs automobiles pour en fabriquer 10 000 exemplaires par an. Les négociations sont déjà très avancées, et si tout va bien, les premiers exemplaires seront sur le marché en septembre 2009.
Mais fabriquer une voiture, ça exige du temps et des moyens !
Normalement oui, parce qu’il faut concevoir et fabriquer toutes les pièces mécaniques. Mais pour ce modèle, la plupart des pièces détachées existent déjà. Il suffit de les acheter et d’assembler le modèle en usine. Quant au moteur électrique, il est fabriqué par une entreprise allemande.
Votre compétence en automobile ?
Nous ne sommes pas des ingénieurs, mais gestionnaire de patrimoine et policier à la Brigade de répression du banditisme de Lyon. Du coup, on a fait appel à une entreprise toulousaine, Boxer Design, pour dessiner le véhicule alors que plusieurs amis nous ont aidés à concevoir l’électronique de bord. En tout, une dizaine de personnes ont travaillé sur le projet. Et nous avons investi nos économies personnelles pour mettre au point cette voiture, car aucun constructeur automobile ne nous a pris au sérieux.
Les caractéristiques du véhicule ?
C’est une voiture électrique qui peut rouler jusqu’à 95 km/h. Donc, elle peut circuler en ville, sur le périphérique et sur les routes limitées à 110 km/h. Elle a une autonomie de 160 km. Avec ses 3 mètres de long et son 1,5 m de large, elle est un peu plus grande qu’une Smart et peut embarquer deux personnes. Il y a aussi deux coffres, un à l’avant et un à l’arrière, de 60 et 120 litres. Bref, largement de quoi mettre quelques bagages.
Et pour la motorisation ?
C’est un moteur électrique de 12,5 kwatts. Et comme la voiture ne pèse que 385 kilos, au démarrage, elle accélère aussi vite qu’une moto. Pour la conduire, il suffit d’avoir le permis B1, qui permet de conduire des petits véhicules à moteur.
Mais une voiture électrique, ce n’est pas pratique à recharger !
C’est vrai que pour l’instant, à part dans son garage, il n’y a pas d’autre solution, car aucune station-service ne vend de l’électricité. Mais ça va changer. Pendant le mondial de l’automobile, nous avons rencontré plusieurs élus locaux qui sont prêts à financer ces installations. Et puis, il y a déjà des bornes à Lyon, dans tous les parkings de Lyon Parc Auto. On en trouve aussi dans les pays scandinaves, car c’est très simple à installer.
Ça prend combien de temps de charger les batteries ?
Ça varie de 30 minutes à six heures selon la puissance de la borne électrique. Quand on y réfléchit, une demi-heure, ce n’est pas si long. Si les centres commerciaux ou les supermarchés équipaient leur parking de bornes, on pourrait recharger sa voiture le temps de faire ses courses. En outre, pour rouler, il n’y a pas besoin de recharger les batteries à 100%. Enfin, on réfléchit à d’autres solutions, notamment des batteries de réserve qu’on pourrait avoir dans sa voiture et qu’on brancherait sur le moteur en remplacement des autres.
Combien va coûter la C-Zen ?
12 500 euros, auxquels il faut rajouter la location des batteries, c’est-à-dire 60 à 100 euros par mois. En effet, les batteries de moteur électrique coûtent encore très cher à l’achat, donc c’est plus rentable de les louer. Mais 100 euros par mois, quand on voit le prix de l’essence, ce n’est pas si cher. Et puis, comme l’Ademe subventionne l’achat d’une voiture électrique, au final, le prix d’une C-Zen atteint 10 500 euros environ. Enfin, elle ne coûte presque rien à l’entretien : 45 centimes d’euros pour rouler 100 km.
Et à ce prix-là, la C-Zen est bien équipée ?
Oui, il y aura plusieurs équipements de série : GPS, caméra arrière de vision nocturne en remplacement du rétroviseur intérieur, harnais de sécurité comme dans les voitures de course, éthylomètre intégré, démarrage de la voiture par empreinte biométrique, autoradio, lecteur MP3 et CD... La vitesse et la pression des pneus s’affichent directement sur le pare-brise, comme sur les avions de chasse.
Qui pourrait acheter cette voiture ?
Quand on a lancé le projet, on voulait concevoir un modèle pour les adolescents en leur proposant quelque chose d’attrayant et de plus sûr qu’un scooter. Mais quand on est allés au mondial de l’automobile, on s’est aperçus que des tas de gens s’intéressaient à la C-Zen : des loueurs de voiture, des entreprises et les collectivités locales, qui sont prêts à acheter la version utilitaire, la C-Top. Sans oublier des citadins qui ont envie d’une voiture facile à garer, peu coûteuse et qui ne pollue pas. Bref, un véhicule qu’on utiliserait pour aller faire ses courses et circuler dans les grandes agglomérations. Il y a un énorme marché pour la C-Zen, et lors du mondial, nous avons recueilli 5 000 options d’achat. Car cette voiture va révolutionner le transport urbain en offrant une alternative crédible à la voiture essence et aux transports en commun.
Propos recueillis par Emmanuel Derville
e.derville@lyonmag.com