Kimelfeld : le président vaudou

C’est David Kimelfeld qui répond à la proposition de Gérard Collomb de partager le prochain mandat à la tête de la Métropole de Lyon de 2020 à 2026 en deux demi-mandats. Gérard Collomb redeviendrait le chef de 2020 à 2023 puis ça serait David Kimelfeld de 2023 à 2026. Mais le président actuel de la Métropole, sèchement, a refusé la solution : "on ne peut pas demander aux gens de voter pour un demi-bulletin Collomb et un demi-bulletin Kimelfeld".

A vous et moi, une phrase comme ça ne parle pas vraiment. Mais pour Gérard Collomb c’est terrible. Ça veut dire que David Kimelfeld se sent si puissant qu’il peut venir le défier sur son propre terrain.

Car cette expression de "demi-bulletin" fait référence à la toute première fois dans l’histoire de l’humanité où a été décrit un électeur avec un bulletin de vote. Ça se passe à Rome, en 50 avant Jésus-Christ, dans les dernières années de la République qu’Auguste va transformer en Empire. C’est Varron, un magistrat romain devenu écrivain (car la politique devient une activité trop dangereuse à cette époque) qui raconte l’histoire de deux électeurs qui vont aller voter pour élire un magistrat. Et ces deux premiers électeurs de l’Histoire disent : "allons voter avec le demi-bulletin de notre candidat" (en latin : candidati tabella dimidiata).

Aujourd’hui, bien sûr, plus personne ne connait cette phrase, à part quelques historiens de l’Antiquité qui, dans le secret de leurs cabinets poussiéreux, cherchent à déchiffrer les mystères du vote (ou de son absence) de la République romaine. Mais Gérard Collomb fait partie de ces initiés qui connaissent ce texte, car avant d’être Maire de la Ville de Lyon et candidat à la Métropole, il a été latiniste. Bien sûr, même Collomb ne comprend pas pourquoi Varron parle de "demi-bulletin". Mais que Kimelfeld sorte cette référence, ça lui parle.

Relecture

Et si moi je peux vous raconter cette histoire, c’est qu’il y a exactement un an j’ai écrit un édito un peu ironique sur le lancement, par Gérard Collomb, de son association "Prendre un temps d’avance". Il y a le texte là, mais je résume car c’est l’été, on n’a pas toute la vie avant la rentrée. Le 7 juillet 2018, je suis entré par erreur dans le hall de l’hôtel Charlemagne (Perrache) où se tenait la première réunion de cette association destinée à préparer la candidature 2020 à la Métropole de celui qui était encore Ministre de l’Intérieur : Gérard Collomb. J’ai pris une ou deux photos, je me suis fait un peu jeter, je suis sorti, et là je suis tombé sur un oiseau mort.

Ça m’a donné l’idée d’écrire sur le fait que les Romains de l’Antiquité n’auraient pas aimés le présage d’un oiseau mort, et comme Gérard Collomb est agrégé de latin, je pensais qu’il allait comprendre qu’il valait mieux ne pas insister avec son association. Ils comprennent ce genre de chose, NORMALEMENT, les latinistes.

Mais je pense qu’il n’a pas écouté. Résultat, 15 jours plus tard éclatait l’affaire Benalla (révélé par Arianne Chemin du Monde) dont on connait les conséquences pour Gérard Collomb, obligé de témoigner devant la commission de l’Assemblée nationale, ce qui a précipité sa démission et son retour à Lyon.

Mais là où je faisais le malin, pensant avoir vu avant tout le monde ce que les Dieux tramaient dans le dos des pauvres mortels que sont les hommes politiques lyonnais, je n’avais en fait rien vu.

Maintenant je vois. Je vois que ce jour-là de juillet 2018, alors qu’à l’époque personne ne savait que David Kimelfeld allait s’opposer à Gérard Collomb pour l’empêcher de reprendre la Métropole, il était là pour le vaudou. J’ai une photo de lui parlant avec un autre politique lyonnais, mais à l’époque je l’ai prise un peu comme ça. Je n’avais pas compris que David Kimelfeld était là pour voir, occuper le terrain.

Ce jeudi 11 juillet est sorti le Paris-Match (avec la divine Nabilla en couverture) avec un article de Hacquemand qui fait le point sur la lutte entre Collomb et Kimelfeld. Jean-Yves Sécheresse, adjoint au Maire de Lyon pronostique la défaite de Kimelfeld : "personne ne connait Kimelfeld, il finira sur le bitume".

Je vous joins la photo prise le 7 juillet 2018. C’est Kimelfeld qui parle avec Sécheresse.

A sa place, je ferai quand même attention au type que personne ne connait.

Romain Meltz

@lemediapol