"Ça me fait chaud au cœur de tous les revoir. Les médecins et le personnel soignant sont à jamais dans mon cœur", s'est ému Denis Chatelier. L'homme de 54 ans parle aujourd'hui en agitant les mains, comme si de rien n'était. Pourtant, il y a 20 ans, il a subi une opération de 17 heures, nécessitant 18 chirurgiens et une cinquantaine de spécialistes du monde entier.
Après avoir été amputé de ses deux mains, Denis Chatelier accepte en 2000 de devenir le premier patient à bénéficier d'une double greffe des mains. C'est le professeur Jean-Michel Dubernard qui a imaginé une telle opération, avant de constituer l'équipe chirurgicale qui devait s'en occuper. "On fait ça pour les patients, il faut qu'ils puissent retrouver une qualité de vie normale", confie-t-il. Mais cette lourde opération n'est que le point de départ d'un combat que devront mener patient et médecins.
La rééducation dure en moyenne trois ans. Il faut réapprendre à se servir des mains et attendre que les nerfs sensitifs se reconstruisent. Un travail de longue haleine, qui, selon les estimations, permettra de retrouver une mobilité normale entre 34 et 91 %. "Au bout d'un moment, 'les mains' deviennent 'ses mains'", assure le docteur Seulin, psychiatre. Car les patients doivent également se prêter à un suivi psychologique, avant et après l'opération. "Il faut être capable d'encaisser, il est très important d'être attentif aux patients", affirme le médecin. Des patients qui devront s'acquitter à vie d'un traitement immunodépresseur pour réduire les possibilités de rejet.
Sept opérations similaires à HEH
Depuis 20 ans, six autres personnes ont subi le même type d'intervention à Lyon, faisant de l'hôpital Edouard Herriot un centre d'expertise d'envergure internationale. Toutes ces opérations permettent au centre hospitalier d'être également un des pôles principaux de la recherche clinique à ce sujet. Aujourd'hui, le principal frein de la généralisation de cette pratique reste le manque de donneurs. Le professeur Badet, membre de l'équipe, n'hésite d'ailleurs pas à lancer un "appel à la générosité".