Savoir prendre le temps. C’est en quelque sorte le message qu’ont fait passer les intervenants du débat sur l’avenir des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph. Car on ne démolit des bâtiments situés en plein cœur de Lyon, datant du XIX siècle et chargés d’Histoire. Mais on ne peut pas les laisser en état non plus. "Les responsables de la ville de Lyon ne se seraient même pas posés la question si les prisons auraient été construites au XVII ou XVIII siècle", s’exclame un spectateur présent dans l’amphithéâtre de l’école, implanté dans le 1er arrondissement. Comment concilier alors la rénovation de la Capitale des Gaules et une urbanisation exponentielle ? L’exemple de la Charles Street Jail, une prison désaffectée de Boston aux Etats-Unis est éloquent : une chaîne d’hôtel de luxe a racheté une partie du patrimoine pour en faire un endroit huppé et original à la fois. De manière plus conventionnelle, la prison de Coulommiers est devenue une bibliothèque municipale, les ateliers "104" à Paris, anciennement occupés par les pompes funèbres, sont devenus le temple des artistes et Le Fort de Bard, dans la Vallée d’Aoste, est devenu le Musée des Alpes.
L’intervention d’Yves Dauge a également été très appréciée. Le président de l’Association des biens français du patrimoine mondial s’est interrogé sur le montage économique et politique à mettre en place pour la rénovation des prisons de Lyon. Pour ce conseiller auprès du directeur du Centre du patrimoine mondial de l'UNESCO, le projet de reconversion peut être une vraie réussite.
Lyon Mag.com : Comment voyez-vous le futur des prisons de Lyon ?
Yves Dauge : Je vois une belle opportunité pour que la reconversion des prisons Saint-Joseph et Saint-Paul soit le résultat d’un projet politique, une alliance entre l’Etat et la Ville de Lyon. Cette ambition doit s’inscrire dans l’histoire de la ville, dans la réflexion sur le projet urbain car les prisons sont en connexion avec le quartier mais aussi avec l’agglomération entière. Mais c’est une démarche qui va demander du temps car il faut définir la bonne programmation.
Qu’est-ce que vous imaginez à la place des cellules d’aujourd’hui ?
Le projet est l’affaire de tous. Il faut donc des équipements publics, des équipements de quartier, des écoles de formations, des locaux mis à la disposition de créateurs. Il peut y avoir des entreprises aussi, avec un pôle de loisirs et d’activités. Pourquoi pas un hôtel aussi ! A Boston, aux Etats-Unis, une ancienne maison d’arrêt a été reconvertie en partie en hôtel de luxe. On doit penser aussi à y installer des habitations, du logement social ou du logement privé. Mais il faut que ce soit l’objet d’une grande concertation, qui laisse la place à une partie reconvertie, et à une partie en héritage. Imaginez, si c’est un privé qui rachète tout : il ne va peut-être rien garder et il va ensuite aller voir l’Etat et lui dire "Ecoutez, j’ai besoin de vous pour faire ça ou ça..." Il faut plutôt que la puissance publique se tourne vers le secteur privé et non l’inverse.
La grande question est aussi de savoir s’il faut toucher au bâtiment. Vous avez travaillé avec François Mitterand sur les grands projets qu’il a mené à Paris. Quel est votre avis ?
Dans mon esprit, on part sur l’idée qu’il faut garder la structure principale. Mais il y a peut-être des choses qu’il faut détruire, d’autres qu’il faut bouger, d’autres encore qu’il serait bon de développer. Il y a toute une approche physique à traiter, qui permettra d’établir un cahier des charges pour ensuite donner lieu à un concours.
Quel est l’échéancier idéal pour les prisons de Lyon ?
Déjà, il faut prendre son temps. Donnons-nous cette année pour lancer le processus de réflexion, et je pense que dans le courant de 2010, on peut avoir un programme et une équation économique qui tiennent debout. Les travaux pourront alors commencer en 2011. Pour que tout arrive à terme, ce sont des choses qui se jouent sur un ou deux mandats politiques. Pour moi, la fin des travaux doit s’étaler entre 2015 et 2020. Il ne faut pas se précipiter. L’Etat a des idées et il faut lui faire confiance. A Lyon comme à Paris, il a des gens qui ont de l’ambition. Il faut qu’ils se rassemblent et qu’ils inventent ensemble un bon programme.
Gwenaël Windrestin