La crise sanitaire aura au moins eu le mérite d’encourager la vente des produits des agriculteurs directement aux consommateurs. Lyon ne fait bien sûr pas exception à la règle, avec également des cultures originales qui s’invitent au sein-même de la capitale des Gaules. En cette période de Salon de l’Agriculture, zoom sur trois entreprises ayant décidé de faire venir l’agriculture au plus près des Lyonnais.
"Hors Normes" : la startup qui sauve les légumes "moches" du gaspillage à Lyon
Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il advient des légumes "moches", hors-calibres ou biscornus? La réponse est simple : ils sont directement gaspillés, mais toujours à la charge du producteur. Et c’est pour sauver les légumes français et bio, rejetés des enseignes de la grande distribution, que la startup Hors Normes a voulu changer la donne.
Le concept : un panier de fruits et légumes bio à l’apparence "atypique", 40% moins cher que les prix des grandes surfaces. C’est l’initiative de Sven Ripoche, co-fondateur de la startup parisienne Hors Normes. Et depuis le début de l’année, l’entreprise anti-gaspi s’est étendue à la conquête du marché lyonnais.
Derrière une offre d’abonnement à un panier d’aliments sauvés du gaspillage, se cache un véritable réseau de producteurs. Sven Ripoche a tracé pour LyonMag, les coulisses de son concept : "Après la première vague du Covid, on se demandait avec Grégoire Carlier et Claire Laurent (les deux autres co-fondateurs ndlr), comment on pouvait avoir un impact positif sur l’environnement dans un milieu qu’on maîtrise : l’alimentation. Et à la croisée des chemins, nous avons trouvé le gaspillage".
Pour rappel, à l’échelle mondiale, le gaspillage alimentaire représenterait, s’il était un pays à lui tout seul, le troisième plus gros pollueur avec 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, juste derrière la Chine et les États-Unis. Les alternatives anti-gaspi existent déjà, comme l’application Too Good To Go, et du côté des consommateurs, la conscience du gaspillage est plutôt bien ancrée. Cependant, ces solutions sont toutes situées en aval de la distribution, alors que la startup Hors Normes voulait agir en amont : "On bosse en direct avec les agriculteurs, qui nous font signe dès qu’ils ont des soucis de gaspillage", précise Sven Ripoche.
On parle ici de gros volumes : entre 200 kilos et une tonne de produits hors-calibres, ou avec un défaut d’apparence. "Hors Normes va organiser le transport des palettes à un entrepôt, avec l’entreprise Nouvelle Attitude qui permet la réinsertion professionnelle. Dans ce hangar, les paniers sont préparés, puis livrés en point relais chez des fleuristes ou des cavistes entre autres, ou directement chez soi, par des vélo-cargo ou encore des véhicules qui fonctionnent au gaz naturel". Une volonté écologique sur toute la ligne, mais aussi sociale, puisqu’une grande partie du panier revient au producteur : "On se rend compte que ce n’est pas négligeable pour eux s’ils arrivent à sauver 5 à 10% de leur production du gaspillage".
Alors, comment arrivent-ils à un prix jusqu’à 40 % moins cher pour des fruits et légumes bio français ? En premier lieu, la startup obtient un rabais dès l’achat des produits chez les producteurs. Mais, la comparaison des prix entre ceux de la startup et du bio de la grande distribution est amplifiée. Le co-fondateur d’Hors Normes le dit lui-même : "Le bio en France est excessivement cher". Une étude de l’association UFC-que choisir a pris l’exemple des pommes : la marge de distribution de la pomme bio est 149% plus importante que celle de la pomme conventionnelle. Le prix agricole, lui, est 70% plus cher en bio qu’en non bio.
Forcément, face à ces écarts de prix, le panier signé Hors Normes semble très avantageux.
Mais la startup ne compte pas se limiter en termes de produits ou de territoires : prochainement, elle va reprendre son concept pour des produits de l’épicerie. "Ce seront des produits de qualité qu’on va sauver du gaspillage à cause d’une date limite de consommation trop courte", précise le co-président. Et pour cette année, Hors Normes veut étendre sa distribution aux villes attenantes de la capitale des Gaules, notamment Villeurbanne.
Alancienne, des courses en direct des producteurs livrées chez soi
La livraison à domicile de produits frais et locaux, issus de l’agro-écologie et sans intermédiaire supplémentaire entre les producteurs, c’est le pari d’Alancienne.
Paul Charlant, son co-fondateur, a fait naître ce concept d’un constat simple: "Il est difficile de s’approvisionner en produits de qualité quand on habite en ville". Passionné de cuisine, il ramène, pendant ses études d’ingénieur en banlieue parisienne, des produits frais de sa terre natale, la Normandie. Mais, Paul a eu le déclic pendant la fin de son cursus à l’université de Berkeley, en Californie. Là-bas, il rencontre ses futurs associés et découvre ce fameux service de courses qui fonctionnait déjà très bien. "S’ils pouvaient le faire, alors pourquoi pas nous ?"
Dès son retour en France, en 2016, l’affaire est lancée. D’abord à Paris, puis à Lyon et plus récemment dans la région bordelaise, Alancienne a le souci du circuit court pour lier directement les producteurs aux consommateurs. À ce jour, 70% de la surface agricole française est destinée à l’alimentation animale.
Ainsi, l’entreprise s’est donnée la mission "de redonner de la souveraineté alimentaire à nos grandes villes". Fruits, légumes, viandes, œufs, produits laitiers, produits d’épicerie, tout est disponible grâce à un réseau qui ne dépasse pas un périmètre de cent kilomètres au-delà des villes où Alancienne opère.
Ils sont environ 150 agriculteurs de la région lyonnaise à participer à cette démarche qui a évidemment un enjeu écologique : "Les partenaires de l’entreprise sont tous en agriculture biologique ou en transition dans un cercle vertueux pour l’environnement". Certes, l’impact carbone est réduit un maximum, mais sans omettre les problématiques de pollution des sols, de l’eau, de l’air ou encore de la destruction de la biodiversité, des thématiques moins abordées.
Les denrées des producteurs partenaires sont vendues à leurs noms. Et l’intérêt économique pour ces agriculteurs est indéniable : ils récupèrent 60% du prix final des aliments vendus aux clients. "On rebalance complètement la valeur sur l’échelle de production, puisqu’ils gagnent entre 1,5 et 3 fois plus que s’ils vendaient les mêmes produits à la grande distribution". Même si le co-fondateur indique que des agriculteurs s’en sortent très bien seuls, "on propose le maillon manquant pour vendre du volume à un bon prix sans passer par des grossistes ou des centrales d’achat, qui négocient beaucoup plus".
Concernant la livraison, elle est effectuée en scooters électriques, avec des packagings recyclés et recyclables. Pour l’année 2022, Alancienne souhaite développer la consigne de ses récipients en verre et lancer leur propre ferme pour que des agriculteurs puissent développer leurs projets dans la région lyonnaise, à l’image de leur ferme "laboratoire" de 60 hectares déjà établie dans l’Essonne.
Du safran cultivé sur le toit du centre commercial de la Part-Dieu
La Maison d’agriculture urbaine "Bien Élevées" est à l’origine de cette première expérience à Lyon.
Qui aurait cru voir un jour une safranière urbaine sur le toit du plus grand lieu de shopping d’Europe ? C’est le cas, depuis maintenant plusieurs mois, sur deux terrasses de 980 m2 du centre commercial de la Part-Dieu. Il faut bien sûr prendre de la hauteur pour découvrir cette culture cachée à l’abri des regards.
Plus de 45 000 bulbes bio ont été plantés dès le mois de septembre, au-dessus du nouveau cinéma UGC et de la salle d’escalade et d’accrobranche HAPIK. "C’est un endroit qui se prête particulièrement bien à la culture du safran", explique Amélie de François, la responsable des lieux. "C’est une plante qui n’est pas très capricieuse. Elle peut pousser dans des conditions climatiques différentes. Les crocus ont avant tout besoin de soleil, mais pas d’eau", précise- t-elle, écartant par la même occasion la question de la pollution. "Les hydrocarbures et les métaux lourds restent dans l’air, mais au niveau d’un premier étage. On ne retrouve pas ces polluants aux cinquième et sixième étages où nous sommes. Nous faisons, par ailleurs, vérifier notre safran tous les ans".
Pour les particuliers et les professionnels La Maison d’agriculture urbaine "Bien Élevées" porte ce projet insolite, déjà présent depuis 2018 sur huit terrasses parisiennes, notamment au sommet de l’Opéra Bastille. "C’est un projet qui a un impact écologique, qui permet de végétaliser la ville et d’apporter un peu de biodiversité", résume Amela du Bessey, co-fondatrice avec ses trois sœurs de "Bien Élevées". "C’est une plante que l’on ne produit pas assez en France. C’est aussi une culture spectaculaire qui est propice aux ateliers", ajoute-t-elle. De nombreux Lyonnais ont pu justement se prêter au jeu de la récolte des fleurs de crocus sur les toits du centre commercial de la Part-Dieu.
En ce début d’année 2022, le safran recueilli a bien séché et est encore en maturation. "On va bientôt pouvoir commencer à le vendre sous un format brut ou transformé", confirme Amélie de François qui annonce le chiffre de 150 grammes de safran pour cette première récolte lyonnaise.
L’objectif est également de favoriser les circuits courts pour les restaurateurs lyonnais à la recherche de celui que l’on appelle l’or rouge.
La seconde récolte aura bien lieu à l’automne prochain puisque "Bien Élevées" a signé un bail de plusieurs années d’occupation avec la Part-Dieu. La Maison d’agriculture urbaine n’entend pas s’arrêter là dans la culture du safran. "Pour le moment, ça reste sur le centre commercial de la Part-Dieu, mais le but serait vraiment d’étendre le concept à d’autres terrasses à Lyon", assure la gardienne des lieux. Le projet fleurit donc doucement, mais sûrement...
A.D. et N.S.
Parfait pour les bobos
Signaler RépondreIncapable de nourrir la banlieue
Ma pensée du jour :
Signaler RépondreAprès une explosion atomique, les légumes sont un peu moins bio, certaines personnes deviennent même des légumes lorsqu'elles survivent.
Concrètement c’est combien le prix d’un kilo de pommes de terre, de carottes et autres ?, ….. 40% moins cher ne veut rien dire, c’est du bla-bla pour ceux qui ont un petit salaire….
Signaler RépondreC'est bien de parler de "vente", d'"achats", mais les dons aux associations type Restos du Coeur, aucun ne l'envisage ?
Signaler RépondrePour avoir aider un temps aux Restos du Coeur, ce sont déjà pas toutes les enseignes ne veulent donner leurs invendus qui passent de date (jamais compris), alors avec tous les réfugiés qui vont arriver ne serait-il pas normal de faire profiter ces nouveaux types de cultures à ce ceux qui en ont besoin ?... Et gratuitement (là ça va pas plaire aux écolos) ?