Les faits se sont déroulés à l’époque de la justice expéditive et des crimes motivés par l’argent. Le 13 août 1889, un cantonnier empruntant la route départementale qui relie Millery à Vernaison, est alerté par une odeur pestilentielle.
En contrebas du lieu-dit La Tour de Millery, il fait la macabre découverte d’un corps emballé dans un sac en toile cirée. Une petite clef est retrouvée à proximité.
Le cadavre subit une première autopsie à la faculté de médecine de Lyon. L’analyse est sans appel : cet homme recroquevillé sur lui-même et ligoté par sept mètres de corde, a été étranglé. Sa mort remonterait à plusieurs semaines, ce qui explique les difficultés pour l’identifier. Impossible de relier cette personne à une disparition lyonnaise !
L’enquête s’accélère deux jours plus tard par une découverte qui donna son nom à l’affaire : une malle sanglante. Elle a été retrouvée par un chasseur d’escargots au bord d’une route de Saint-Genis-Laval. La serrure et l’odeur du bagage coïncident avec les trouvailles précédentes.
C’est grâce à l’étiquette, encore accrochée à la malle, que les enquêteurs vont identifier un trajet en train entre Paris et Lyon le 27 juillet 1888 ou 1889, le dernier chiffre étant à moitié effacé. En consultant les registres de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, les enquêteurs confirmeront finalement l’année 1889.
C’est avec cette fenêtre temporelle et géographique beaucoup plus restreinte que l’affaire va être transférée au chef de la sûreté de Paris, le commissaire Marie-François Goron. Le lien est rapidement établi avec la mystérieuse disparition d’un huissier de la capitale : Toussaint-Augustin Gouffé. Trois mois après la découverte du corps à Millery, une nouvelle autopsie est requise pour identifier la dépouille.
Le père fondateur des Experts sur le coup
Cette fois-ci, c’est à un illustre médecin légiste qu’il revient d’ausculter le corps conservé dans le formol : Alexandre Lacassagne, l’un des fondateurs de la police scientifique et de l’anthropologie criminelle. Après huit jours de procédure, la comparaison entre les cicatrices connues du quadragénaire et d’un échantillon de ses cheveux, lève le doute sur l’identité du corps : il s’agit bien de l’huissier parisien.
Les enquêteurs poursuivent leurs recherches jusqu’à retrouver les propriétaires de la malle : Michel Eyraud et Gabrielle Bompard. Ils recoupent cette information avec celle de témoins qui auraient vu un dénommé Eyraud déjeuner avec Gouffé, en payant sa note en livres sterling peu avant la disparition. Les policiers ont tenté de joindre les amants, en vain. Ils ont quitté Paris le 27 juillet, date à laquelle la malle a pris le train jusqu’à la gare de Lyon-Perrache. Les deux accusés s’en sont débarrassés avant de prendre la fuite pour les États-Unis.
Ce n’est qu’en 1890 que Gabrielle Bompard quitte Eyraud et rentre en France pour nier l’assassinat, puis finalement tout raconter dans le moindre détail. Toussaint-Augustin Gouffé n’était pas une victime du hasard.
Les amants connaissaient l’huissier puisqu’ils fréquentaient le même café parisien. Gouffé ne manquait aucune occasion de se vanter sur sa fortune et se livrait à de nombreuses conquêtes féminines. Alors pour pouvoir vivre leur idylle amoureuse, Gabrielle Bompard et Michel Eyraud ont établi un plan pour pallier leurs problèmes d’argent. Gabrielle Bompard, âgée de 21 ans au moment des faits, a usé de ses charmes pour ramener Toussaint-Augustin Gouffé dans un appartement que les amants avaient loué sous un faux nom.
Le 26 juillet 1889, Gabrielle Bompard prétexte un jeu érotique pour enrouler autour du cou de l’huissier la ceinture de sa robe de chambre. Celle-ci était en vérité reliée à un mécanisme de poulies accrochées au plafond. Gouffé a été projeté en l’air, étranglé par son propre poids. Comme il se débattait, Eyraud est sorti de la pénombre, a pris le relais à mains nues, strangulant l’huissier jusqu’à son dernier souffle.
Après coup, les amants crient victoire trop vite en faisant l’amour à proximité du cadavre. Ils dépouillent plus tard leur victime qui s’était rendue les mains vides à l’appartement. Les meurtriers retrouvent tout de même la clef de l’étude de Gouffé, l’une des plus réputées de Paris. Après avoir placé le corps dans un sac de toile et jeté celui-ci dans une malle au fond renforcé par un serrurier, Michel Eyraud s’est rendu dans l’étude de Gouffé. Le quadragénaire est reparti bredouille après avoir fouillé le bureau, alors qu’une enveloppe de 14 000 francs était mise en évidence.
Il est temps pour les meurtriers de fuir. La malle est expédiée dans un train pour Lyon, tandis que les amants font le même trajet, mais en calèche. Ils récupèrent le bagage à la gare de Perrache pour l’abandonner plus tard au sud de Lyon, avant de déposer le corps un peu plus loin, à la Tour de Millery. Les accusés se sont enfuis aux États-Unis où ils vivent d’escroqueries pendant quelques mois.
Sur le point de reproduire l’assassinat de Gouffé sur un Français ayant fait fortune au Japon, Gabrielle Bompard se désiste. Elle retourne en France et dénonce Eyraud, dont la cavale a pris fin en juin 1890 après son interpellation à la Havane, à Cuba. Le procès a eu lieu en décembre de la même année.
Après quatre jours de délibérations, le verdict est rendu : Michel Eyraud est reconnu coupable et condamné à mort. Il est exécuté un mois et demi plus tard, le 3 février 1891. Gabrielle Bompard, qui a plaidé l’hypnose, une pratique très démocratisée à l’époque, bénéficie d’une peine plus souple, avec 20 ans de travaux forcés. Elle sera libérée en 1905 et travaillera comme ouvreuse dans un cinéma, avant de mourir en 1920 dans l’anonymat.
C’est ainsi que s’est achevée l’affaire Gouffé. Après l’efficacité redoutable des enquêteurs et la poursuite à l’international des accusés, "la malle sanglante de Millery" a transcendé les codes de l’enquête du 19e siècle. Sa forte couverture médiatique par le Petit Parisien, le Petit Journal ou encore le Progrès de Lyon, a permis de conserver les détails de l’investigation jusqu’à la guillotine.
N.S.
En parlant d’abruti,je pense que t’as pas compris l’ironie de mon commentaire :1-1
Signaler RépondreHahaha Calahann qui veut bien revoir l’Histoire de France mais celle qui l’arrange, 40 par exemple il l’occulte quand les socialistes collaboraient activement avec les fachos, pourtant vos potes étaient antisémites et ne se cachaient pas derrière la Palestine ou «l’anti sionisme » l’extrême-gauche stalinienne qui en plus donne des leçons d’humanisme d’antiracisme et plus hilarant de liberté, mais la liberté conforme a leurs dogmes violents, racistes, et islamiste, on a jamais vue l’extrême-gauche fracasser des islamistes mais fracasser des catholiques ça ne gêne pas leurs convictions.
Signaler RépondreNormal aussi, à l'époque il n'y avait pas d'abrutis comme toi pour constater les faits . Revois l'histoire de France du XIX ème siècle !
Signaler RépondreC’est pas normal…à l’époque y’avait pas de migrants !!!mdrrr!!
Signaler RépondreLyon, la ville des grandes affaires criminelles... On voit bien dans le cas de la malle sanglante, que l'efficacité de la police n'est jamais acquise.
Signaler Répondrecausette prends ton seau et va au puit… (btw vapeurs d’alcool ou de drogue pour dire des bêtises pareils)?
Signaler RépondreComme quoi, les pauvres filles embarquées par des mecs tordus, ça existe depuis la nuit des temps.
Signaler RépondreCette histoire que je ne connaissais pas est passionnante car elle diffère de ce que l'on connaît d'ordinaire : des paumés aux plans foireux qui les mènent à l'échafaud. Là, on a un plan alambiqué mais ciselé, et une chute liée à une rupture, une prise de conscience.
Plutôt que de nous resservir les mêmes soupes ou de traiter de faits divers trop récents comme l'affaire Daval, les chaînes françaises seraient mieux avisées de nous narrer cette histoire.
Raconter et écrire je pense que cela nous vous èchappe pas: Deux choses bien distinctes.
Signaler RépondreOn veut davantage d’articles comme cuilà sur l'histoire de Lyon, c'est trop bon mon frère !
Signaler RépondreC’est d’une violence 😱 vous trouvez normal votre commentaire, le fait d’être derrière un écran fait baisser toutes vos barrières psychiques et vous trouvez ça sain ? Nombre de mes commentaires passe a la trappe, jamais au grand grand jamais je ne me permettrais des commentaires violents, bien sûr je râle, mais je garde les mêmes principes qu’une discussion réelle, ni insultes ni violences. Monde de dingue où la frustration rend les gens (adultes en plus) violents, insultants, menaçants. Je crois même que vous n’en n’êtes même pas conscient et c’est ce qui est désolant et grave.
Signaler RépondreQuelle histoire ! Tres bon article
Signaler Répondrejolie phrasé tres bon article !
Signaler RépondreOn devrait y mettre LM ,dans la malle sanglante ,tellement la censure est omniprésente !Un nouveau nom ;LA PRAVDA
Signaler RépondreUne peine plus légère pour madame que monsieur... C'est le privilège masculin ?
Signaler Répondrechristophe hondelatte la raconte beaucoup mieux.
Signaler RépondreArticle très bien écrit ! Merci!
Signaler RépondreIntéressant ce fait, pas trop connu.
Signaler RépondreMaintenant c'est dans les congélateurs que l'on retrouve les gens ;-)
Plaider l’hypnose, la racaille n'a pas encore essayé cette voie je pense...
Très bon article.
Signaler RépondreMerci pour l’article, je ne connaissais absolument pas cette histoire. Horrible mais très bien raconté, j’ai toujours tenté de comprendre ce qui se passe dans la tête de ceux que je qualifie de monstres, l’argent n’est pas la seule motivation il pouvaient se contenter de voler le faire chanter que sais-je encore, mais là tendre un guet-apens, assassiner avoir des rapports à côté du cadavre c.est d.une perversité épouvantable.
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