Lyon Mag : Qu’est ce qui a changé entre sa campagne, son début de mandat et aujourd’hui dans le comportement de Barack Obama en tant que président?
Olivier Richomme : On est plus du tout dans la même phase, notamment au niveau de l’enthousiasme et des espoirs qu’il suscitait. Dorénavant, on est passé dans la phase plus politique des choses, avec des dossiers parfois un peu récalcitrants. Le système institutionnel aux Etats-Unis fait qu’Obama n’a pas tous les pouvoirs. C’est un bilan un petit peu mitigé. Des dossiers sont en attente, ou en négociation, et prennent plus de temps que prévu. En fait, je pense qu’on va voir du changement majeur. Au début de sa présidence, Barack Obama, avec la crise économique, pensait qu’il avait la possibilité de prendre à bras le corps plusieurs dossiers à la fois et d’avoir une approche globale. Cela était d’ailleurs très novateur. Mais il est forcé de revenir à une approche plus pragmatique, de traiter dossier par dossier. Il joue en ce moment très gros avec la réforme de l’assurance-maladie. Je pense que dans le futur, on va voir quelqu’un qui revient à une pratique beaucoup plus consensuelle et beaucoup plus pragmatique de la politique.
Cela peut-il expliquer sa baisse de popularité?
La baisse de popularité est relative. Il était extrêmement haut donc il ne pouvais que baisser. Maintenant, s’il baisse chez les Républicains, personne ne sera très surpris. Chez les démocrates, le taux de popularité reste assez haut. Ce qui nous intéresse le plus c’est de savoir ce qu’il se passe du côté des indépendants. Il y a un contingent de plus en plus important de personnes qui ne veulent pas s’affilier à un seul parti et qui disent être «indépendants». C’est chez ce type de personne qu’on voit que sa popularité a tendance à baisser. Il faut suivre cela de très près car ce sont ces indépendants qui feront les élections suivantes.
Vous pensez que l’effet Obama, un an après, s’est déjà estompé?
Oui et non. Effectivement, il y a des choses qui se sont estompées, mais on voit quand même qu’il véhicule des valeurs encore importantes pour beaucoup de gens. Voyez ce prix Nobel de la Paix pour peu de choses de faites finalement. C‘est plus pour l’encouragement. On voit à travers cet exemple qu’il suscite encore beaucoup d’espoir, notamment en Europe ou dans certaines parties de l’Amérique. Maintenant, je crois que les Américains sont beaucoup plus lucides que nous. Ils sont tous les jours confrontés aux réalités des négociations politiques. Je crois que la politique a pris le dessus aux Etats-Unis. Dans le reste du monde, je crois que les symboles qu’il véhicule ont encore une signification particulière.
En France, on est encore sous cet effet d’ «Obamania»?
Je ne sais pas si le terme d’ «Obamania» est vraiment utile. Mais effectivement, il existe encore des restes. Tout simplement parce que l’on est pas dans le même rythme qu’aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, il y a des négociations politiques, des choses qui évoluent beaucoup plus vite. Nous avons, nous, un petit peu plus de recul. Donc les choses sont plus lentes à nous parvenir. Mais je pense qu’Obama a encore une aura à l’étranger dont il jouira lorsqu’il en aura besoin. Et il véhicule des symboles à un moment où notre système politique manque d’étincelles. En France, le nom d’Obama signifie encore quelque chose.
Vous parliez d’attente des européens par rapport à Obama. Y a-t’il encore l’image des Etats-Unis de George W. Bush derrière Obama?
Oui. Son prix Nobel était aussi une réaction, suite aux deux mandats de Bush, de la communauté internationale. C’est le contraste qui faisait que les espoirs étaient si haut. Et ce contraste fait que l’on est pas encore déçu par Barack Obama. On sait très bien qu’un certain nombre de dossiers ont été récupérés en l’état, et qu’il ne l’a pas choisi. Je pense, par exemple, que l’histoire ne jugera pas Obama sur la question de la guerre en Irak et du conflit israëlo-palestinien, où personne ne s’attend à des miracles. Par contre, il joue très gros sur la situation en Afghanistan. Il a exprimé clairement que c’était une guerre juste, une guerre qu’il fallait faire. Alors un Prix Nobel de la paix qui en même temps renvoit des troupes en Afghanistan, cela peut paraître paradoxal. Il joue très gros, au niveau de la situation internationale, et l’histoire jugera peut être le passage d’Obama sur la situation en Afghanistan et au Pakistan.
Obama est un très bon communiquant. Pensez-vous qu’il va encore pouvoir tenir encore trois ans sur ce même rythme de communication, notamment auprès du très grand public?
Aux Etats-Unis, on est dans la communication directe un peu tout le temps. Obama pense que c’est son arme la plus décisive. Je pense qu’on le verrait moins communiquer s’il avait moins besoin de faire preuve de pédagogie vis à vis du public américain. Si ces réformes passaient un peu plus facilement, peut être qu’il communiquerait un peu moins. Mais je crois que l’on est parti pour trois ans de communication effrénée à un rythme médiatique qui s’accélère tous les ans. La crise économique ne lui a pas pour autant donné carte blanche sur les réformes, et il est obligé de faire preuve de beaucoup de pédagogie. Donc il s’exprime énormément. Je ne vois pas ce rythme se ralentir dans les trois ans qui restent.
Obama pense déjà à un deuxième mandat ou c’est encore trop tôt?
Évidemment. La première chose à laquelle un homme politique pense est de se faire élire. La deuxième chose à laquelle un homme politique pense, c’est de se faire ré-élire. C’est la même chose dans tous les pays. Je vais même vous dire qu’Obama pense mettre son parti, le parti démocrate, pour dominer la vie politique américaine pendant dix, vingt ou trente ans. Le Graal est d’obtenir un «réalignement» politique et de voir le parti démocrate régner pendant des années, comme l’avait fait Roosevelt. Donc il pense à ré-élection bien sur, mais aussi déjà à placer, par exemple, un vice-président proche de lui lors du deuxième mandat. Aussi, voir son parti tenir la majorité dans les deux chambres pendant plusieurs décennies, tous les politiciens en rêvent. Obama est avant tout un animal politique.
Propos recueillis par Gwénaël Windestrin