La préemption, un moyen utilisé pour faire taire les ennemis de la mairie de Vénissieux ?

La préemption, un moyen utilisé pour faire taire les ennemis de la mairie de Vénissieux ?
Alexandre Dallery devant le commerce que la mairie veut préempter - LyonMag

La mairie de Vénissieux a décrété en 2016 qu’elle se réserverait le droit de préempter le foncier commercial pour la "sauvegarde du commerce et de l’artisanat" afin d’éviter que certains commerces soient surreprésentés comme les banques, les coiffeurs et les snacks. (article initialement paru dans LyonMag n°188 - Mars 2023).

Aujourd’hui, les kebabs sont de plus en plus nombreux. Et les préemptions sont aussi utilisées pour enquiquiner les élus d’opposition, comme Alexandre Dallery.

Le nom Dallery est connu à Vénissieux. C’est celui de la boulangerie de la place Léon Sublet, installée depuis 15 ans. Alexandre Dallery a fait ses armes au sein de la pâtisserie située juste en face.

C’est Gilles Pittié lui-même qui l’a aidé ensuite à installer son commerce. Il y a 9 ans, Alexandre Dallery rachetait le fonds de commerce de la pâtisserie Gilles Pittié. "J’étais son locataire et c’était acté depuis 15 ans que je puisse racheter ses parts ainsi que les murs qu’ils avaient quand il partirait à la retraite".

Mais voilà, c’est désormais impossible puisque la mairie a demandé à préempter la pâtisserie. C’est donc en ce début d’année qu’Alexandre Dallery a eu la mauvaise surprise d’apprendre que le local allait être préempté par la Métropole de Lyon, sur consigne de la maire Michèle Picard.

Aujourd’hui, l’élu d’opposition se retrouve pris au dépourvu par cette décision qu’il trouve inexplicable. "On ne comprend pas la démarche, on rachète pour pérenniser notre futur puisqu’on voulait aménager différemment et optimiser au maximum nos loyers", éclaircit-il. "Quand je vois qu’il y a des locaux de la mairie qui sont toujours fermés, comme le musée de la Résistance, je veux leur dire de s’occuper déjà de ça, plutôt que d’aller embêter des propriétaires qui veulent investir de manière pérenne dans leur ville".

L’achat des murs lui aurait coûté 600 000 euros. La Métropole a refusé ce tarif et n’en donnera "que" 550 000 à Gilles Pittié, perdant également dans l’histoire.

De plus, le boulanger-pâtissier accueille dans les locaux préemptés une association qui a pour but d’aider un enfant autiste de 20 ans à trouver un emploi. Elle prête gratuitement ses locaux pour qu’il puisse s’exercer et faire des biscuits qui sont ensuite vendus dans ses boutiques.

L’objectif de la démarche est de créer un poste viable pour qu’il puisse ensuite en vivre. La boutique possède également dix employés dont la moitié habite Vénissieux. "Tout ça c’est fini si on arrête", se lamente-t-il.

"La seule option, c'est de partir"

Une nouvelle d’autant plus incompréhensible qu’il était allé voir les services de la mairie avant pour leur expliquer son projet. Une sollicitation insuffisante puisqu’ils ont décidé de ne pas en tenir compte. Alexandre Dallery est clairvoyant sur les réelles raisons de cette décision : "On ne comprend pas pourquoi on est peu à racheter des commerces dans le centre, et qui fonctionnent en plus. La seule raison que je vois, c’est que je suis de l’opposition. Je me suis toujours positionné contre ce qui n’était pas fait de la part de la mairie et ça, je sais que ça ne plaît pas".

Le désespoir dans les yeux, Alexandre Dallery sait qu’il n’est pas procédurier et qu’il n’a pas envie de se battre. Il ne voit aucune option s’offrir à lui car la mairie est totalement fermée à la discussion. "Il y a une décision à prendre tout de suite. La seule option que je vois, c’est de partir. Si on ne veut plus de moi ici, je vais arrêter tout simplement", conclut-il.

"L’action de préemption ne doit pas entrer en contradiction avec des projets privés, qui sont économiquement viables et répondent à des besoins des habitants". La phrase est signée Idir Boumertit, député LFI de la 14e circonscription et membre important de la majorité de Michèle
Picard.

Depuis quelques mois, il y a une cassure entre les deux. Forcément, la NUPES a choisi Idir Boumertit pour être son candidat aux législatives de juin, annihilant les rêves de députation de la communiste. Alors parfois, la voix de l'insoumis s’indépendantise, comme sur le sujet de la préemption.

Si Alexandre Dallery découvre les "joies" de la préemption, Farid Ben Moussa est un précurseur. A tel point qu’il a fondé son groupe d’opposition au conseil municipal et l’a appelé Préemptions Actions Municipales. Lui, c’est au 47 avenue Jean-Jaurès qu’il comptait installer un cabinet médical. Sur le papier, et alors que de plus en plus de communes, y compris dans l’agglomération comme à Grigny, voient leur dernier médecin partir et ne pas être remplacé, on pouvait imaginer que le projet était utile à la population. Mais pas aux yeux de la mairie qui s’est lancée dans la même croisade, avec l’appui financier des écologistes de la Métropole.

Jusqu'à présent, la justice a été du côté de l'élu d'opposition. Si tout le monde était logé à la même enseigne, Farid Ben Moussa l’aurait probablement moins mauvaise. Mais il voit dans le même temps l’adjoint aux Finances Bayrem Braiki ouvrir avec sa femme, à quelques encablures de là, un fleuriste-sushi rue Paul-Bert. Oui, un fleuriste qui vend des sushis. Qui a évidemment eu droit à un article dans le journal Expressions.

Quand la mairie s'acharne

Laisser entendre que seuls les opposants à la maire seraient préemptés serait mentir. La Métropole agit aussi contre des petits entrepreneurs. Parfois jusqu’à l’acharnement.

Bernard Au Appavou est un restaurateur tranquille, installé au 7 rue Gambetta. Il loue depuis 2018 et avait récemment signé un acte de vente pour racheter les murs de son Beb’s Asian Food, qui sert des spécialités vietnamiennes. L’opération de 250 000 euros a capoté puisque la
Métropole de Lyon a souhait. préempter le local sous prétexte que la majorité communiste veut "redynamiser" le centre-ville. Sauf qu’aucun projet n’est dans les cartons de Michèle Picard et ça, le tribunal administratif l’a bien noté.

Doutant "sérieusement" de la "légalité de l’arrêté" de la Métropole, le juge des référés avait donné raison à Bernard Au Appavou en novembre dernier. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais la collectivité n’accepte pas les défaites. Et elle traîne un restaurateur de 31 ans souhaitant acheter ses murs devant le Conseil d’Etat.

Une troisième procédure judiciaire qui représente la moitié d’une goutte d’eau pour la puissante et milliardaire Métropole de Lyon, mais qui va obliger Bernard Au Appavou à dépenser de nouveau des milliers d’euros en frais de justice. Avec la crainte, au bout, de devoir quoi qu’il arrive fermer son restaurant. Car les taux d’intérêt d’hier ne seront pas ceux de demain, et la transaction imaginée l’an dernier sera peut-être obsolète au terme de la procédure.

Interrogée, la Métropole s’est réfugiée derrière un discours huilé : "Des linéaires commerciaux ont été précisément identifiés, conjointement par la Ville et la Métropole, pour une action systématique de maîtrise foncière dans le but de mettre en oeuvre une programmation commerciale dynamique et complémentaire".

La collectivité collabore ainsi avec "une vingtaine de communes au travers soit de procédure de préemption au travers de son droit de préemption urbain, soit par des actions en gré à gré auprès de propriétaires".

Sauf que ça se passe mieux ailleurs. A Décines, c’est uniquement si le projet est jugé néfaste pour l’image du centre-ville. A Saint-Priest, la mairie a récemment cédé à un locataire un bien préempté à un tarif 10 % moins cher que l’avis du Domaine. Une stratégie bien différente de celle du duo NUPES Métropole-Vénissieux.

A.A.

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Regor le 01/03/2023 à 08:50

Et oui mais VENISSIEUX c’est 60% t’abstention et logements sociaux.

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