Les plus jeunes ne se pressaient pas pour faire des selfies avec lui. Leurs ainés ne l’abordaient pas pour évoquer tel souci dans l’un ou l’autre des arrondissements lyonnais.
Pourtant, dès cette époque, Gérard Collomb était déjà adulé dans les maisons de retraite du 9e, son fief auquel il restera toujours fidèle. Avec la simplicité du modeste conseiller d’opposition qu’il était alors, il a en effet toujours eu à cœur d’aller à la rencontre des habitants, s’intéressant particulièrement aux conditions de vie des ainés. Histoire de leur apporter un peu de chaleur humaine, il n’hésitait pas à venir pousser la chansonnette accompagné au piano et à la guitare par ses enfants Thomas et Anne-Laure.
Reste à comprendre comment le jeune agrégé de lettres classiques du début des années 70 en vient à s’implanter politiquement à Lyon. A l’époque, personne n’aurait misé un kopeck sur les chances de la gauche de s’implanter entre Saône et Rhône ; la droite et le centre dominaient sans partage la vie politique locale. Son destin, il le doit en réalité au patron de la fédération PS du Rhône. Aux municipales de 1977, Roland Bernard qui sera par la suite député, maire d’Oullins puis sénateur, lui conseille de se présenter dans le 9e arrondissement. Ironie de l’histoire, l’homme en question n’est autre que le père de Bruno Bernard qui, presque un demi siècle plus tard, sera le tombeur de Collomb aux élections métropolitaine de 2020.
Mais ne brûlons pas les étapes. En 1977, Collomb n’a pas encore 30 ans quand il fait son entrée au conseil municipal de Lyon ; le poste de maire est occupé par son presque homonyme Francisque Collomb. Il poursuit sur sa lancée en décrochant un siège de député lors de la vague rose de 1981. L’ascension se poursuit. Aux municipales de 1983, le voilà chef de file du PS ; trois ans plus tard il conserve son mandat de parlementaire.
Michel Noir rafle la mise
Las ! Voici venu le temps des vaches maigres et des échecs à répétition. En 1988, François Mitterrand est réélu. Fort du soutien de Pierre Mauroy, Collomb espère décrocher un strapontin ministériel qui lui aurait peut-être permis de sauver son siège de député. Mais c’est sans compter sur l’inimitié du président qui, rancunier, ne lui a jamais pardonné de ne pas avoir fait allégeance lors du congrès d’Epinay.
Collomb est battu aux législatives. Et ce n’est pas fini. L’année suivante, il assiste impuissant au triomphe de Michel Noir qui rafle la mise sur les neuf arrondissements. La gauche est laminée ; Collomb enfile le costume du loser à moustache. Il est contesté au sein de son groupe et songe même un temps à s’exiler politiquement du côté de Saint-Fons où le maire Franck Sérusclat lui fait quelques appels du pied.
Mais là encore, rien ne va. Les socialistes du cru sont vent debout contre ce parachutage. Collomb qui n’a guère d’appétence pour l’Est lyonnais choisit finalement de rester dans la capitale des Gaules. Il devra patienter cinq longues années avant que le ciel se dégage avec les affaires Noir-Botton. Collomb révèle son talent d’opposant au sein du conseil municipal.
En 1995, il s’impose à nouveau pour mener la bataille municipale face à Raymond Barre et Henry Chabert. Il réussit son premier vrai coup de maître en unifiant toute la gauche locale, les socialistes bien sûr, mais aussi les écologistes, les communistes et les radicaux de gauche. Voilà qui préfigure la gauche plurielle qui deux ans plus tard permettra à Lionel Jospin de remporter les législatives.
A Lyon, la stratégie Collomb s’avère payante. Ses listes remportent trois arrondissements. L’écologiste Gilles Buna est élu maire du 1er, Jean-Louis Touraine se retrouve à la tête du 8e. En tant que maire du 9e, Collomb va s’appliquer à transformer radicalement son arrondissement qui attire le siège de plusieurs entreprises. Il ne fait guère mystère de ses ambitions quand il lance une campagne de publicité en affichant un slogan qui fera à l’époque légèrement sourire : "Le 9e bientôt premier". A droite, on commence à s’inquiéter ; surtout quand on constate que Barre semble miser sur Collomb pour contrecarrer les ambitions de son encombrant allié Henry Chabert.
Collomb profite de la guerre à droite
Tout le monde connaît la suite . En 2001, Collomb sait intelligemment profiter de la guerre fratricide entre les Mercier, Millon et Chabert pour réaliser son rêve et s’asseoir dans le fauteuil occupé autrefois par Edouard Herriot. Nombre de projets importants son menés à bien, à commencer par la reconquête des berges du Rhône, le lancement des Velo’v qui fleuriront bientôt dans toute la France et l’aménagement de la Confluence, ce serpent de mer qui revenait régulièrement à la surface depuis des décennies et auquel les Lyonnais avaient fini par ne plus croire.
Quelques échecs parsèment ces années, notamment le bradage du quartier Grolée. Dans l’ensemble, chacun s’accorde toutefois à reconnaître que les années Collomb ont été bénéfiques pour la ville ; principalement ses deux premiers mandats. Ceux qui pensent que "l’erreur" de 2001 sera vite réparée doivent déchanter. En 2008, le maire sortant ne fait qu’une bouchée de Dominique Perben qui promettait quelques semaines plus tôt de le "défoncer".
A l’étranger, Collomb marche sur les pas de Barre. Il voyage beaucoup, rencontre nombre de dirigeants. Il est vrai qu’il a pendant plusieurs années présidé la Fondation Jean Jaurès effectuant plusieurs déplacements, notamment en Amérique centrale. On découvre alors qu’il n’a pas attendu d’être maire pour nouer des relations avec des personnalités de l’opposition qui, tel le brésilien Lula ou le nicaraguayen Daniel Ortega, seront bientôt appelées à jouer un rôle important dans leur pays.
Mal aimé chez les siens
Malgré son talent, ses succès et sa reconnaissance locale, Gérard Collomb est longtemps demeuré mal aimé auprès des instances nationales du PS.
Quand la gauche n’avait aucune chance de gagner la ville de Lyon, la rue de Solférino le laissait volontiers partir à l’abattoir. Les ambitions ont fleuri au début des années 2000 quand certains ont commencé à croire à une possible victoire. Jean-Jack Queyranne, à l’époque ministre du gouvernement Jospin, s’est senti pousser des ailes. Paris pensait pouvoir facilement l’imposer. Collomb ne s’est pas laissé faire, promettant quoi qu’il arrive d’aller jusqu’au bout. Sa détermination a été payante. Les années passent mais rien ne change vraiment.
Il faudra attendre les présidentielles de 2017 pour que Collomb pèse enfin sur le plan national. Il est à juste titre considéré comme l’un des artisans de l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Les larmes qu’il verse publiquement lors de son investiture sont aussi celles de la revanche du "petit provincial" sur les caciques du parti.
L’histoire détaillée et exhaustive de son passage au ministère de l’Intérieur reste à écrire. Il a mouillé la chemise pour tenter d’endiguer le flot de l’immigration. On l’a ainsi vu en Albanie pour convaincre le pays de reprendre ses ressortissants expulsés. On a pu aussi le croiser au Niger pour obtenir des autorités locales qu’elles coupent la route des clandestins venant en Europe via la Lybie. Il est probable que sa mésentente avec Edouard Philippe n’est pas étrangère à sa décision de quitter brutalement la place Beauvau.
Pourtant, contrairement à ce que l’on pense habituellement, il a su apprécier son bref passage à l’Intérieur. Il fallait par exemple l’entendre évoquer ce qu’il appelait "le club des anciens". Il a pris plaisir à poursuivre une tradition qui veut que l’occupant de ce ministère reçoive de temps à autre ses prédécesseurs. En recevant Nicolas Sarkozy, il avait notamment été impressionné par l’excellente image laissée par l’ancien président auprès de tous les fonctionnaire de Beauvau, y compris les plus modestes.
Au final, Collomb aura réussi beaucoup de choses. Dommage qu’il ait raté sa sortie en tentant de décrocher le mandat de trop.
Gérard Angel
"Lyon lui doit beaucoup"
Signaler RépondrePeut-être Lyon mais pas les habitants qu'il a laissé sur le carreau lors de son 3ème mandat, trop préoccupé par le rayonnement international de sa chère ville. Sans compter sa politique pro-tram/anti-métro alors que Barre avait tant fait à ce niveau.
"D'un hôpital pour tous les lyonnais, ce lieu est devenu un repère de nantis."
Signaler RépondreVous espériez qu'il retrouve sa vocation d'hôpital ? Totalement impossible au vu des sommes qu'il aurait fallu engager.
Toujours plaisant de retrouver cette plume qu'est Gerard Angel .
Signaler RépondreQuand on déchiffre d'autres chroniqueurs de LM , l écart est manifeste...abyssal .
Merci Gerard .s
J'ai pas du tout aimé la spéculation sur la moindre friche industrielle, il a transformé l'Hôtel-Dieu avec 500 d'histoire en un vulgaire centre commercial et un hôtel de luxe. D'un hôpital pour tous les lyonnais, ce lieu est devenu un repère de nantis.
Signaler RépondreJe n'ai pas aimé aussi ce qu'il a fait de port Rambaud et la sucrière. L'âme populaire de Lyon s'en est allé avec lui.
De Pradel à Doucet toute les périodes que j'ai connu à Lyon, l'ère Gérard Collomb a été plus éblouissante. Il a fait rayonner la ville en France et à l'international, il a mis notre ville dans la lumière du monde alors que son successeur est en train de l'éteindre.
Signaler RépondreMerci Gégé comme disent les intimes pour tout ce que tu as fait pour Lyon et les lyonnais, toi au moins tu étais un vrai lyonnais de cœur.
pertinents ,bien ecrits et savoureux
Signaler RépondreDans la tristesse du décès de Gérard Collomb, une pointe de sourire de retrouver un autre Gégé, Gérard Angel.
Signaler RépondreLes Potins d'Angèle, grand témoin de l'ère Collomb, nous manquent. Ils auront marqué la vie lyonnaise comme le fit Gérard Collomb avec tant de talent.
Vale
on est tous des numéros comme preuve dieux nous rappellent un jour
Signaler RépondreAngèle parle de la reconquête des Berges du Rhône.
Signaler RépondreA mon sens, il serait temps, plus que temps de remettre l’ouvrage sur le métier…
Et l'emploi fictif de sa première femme a la mairie de Lyon pointée par la chambre régionale des comptes. Certains sont tombés pour moi s que ça. Lui rien. Comme le fait qu'il aot déclaré les yeux dans les yeux devant les élus qu'il ne connaissait pas Alexandre Benalla.
Signaler RépondreQuand GD va partir, on ne pourra dire qu'un mot : adieu
Signaler RépondrePatience, a la prochaine municipale, ils retournons au néant où ils n aurais jamais dû sortir.
Signaler Répondrele meilleur maire de Lyon !!
Signaler RépondreL article de Gérard Angel nous fait part de 45 ans de vie politique.
Signaler RépondreMais en réalité, la vie politique de Gérard Collomb, c était 50 ans et plus !
Il fut en effet membre des Etudiants Socialistes, à l époque de mai 1968, alors que nombre de ses futurs colistiers et adjoints furent ce que l on appelait des " gauchistes "
Et sa première campagne électorale ne date pas de 1977.
Elle a eu lieu pour les législatives de 1973.
Le jeune professeur de 26 ans s était porté volontaire pour affronter Frederic Dugoujon, dans une circonscription regroupant notamment Caluire, Ecully et les Monts d Or.
Ce premier échec electoral date donc 50 ans, et non de 45 !
C’était un brave homme mais il restera 2 tâches très noires sur sa fin de carrière :
Signaler Répondre- la mise en orbite de la mascarade Macron,
- avoir laissé la mairie de Lyon à une imposture islamo-pastèquiste radicalisée.
Après un super parcours, il a raté sa sortie! On ne peut pas refaire l'histoire, d'ailleurs cette dernière retiendra qu'il aura été un excellent Maire et que Lyon lui doit beaucoup !
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