Pourtant, avant d'être l'enfant un peu maudit de la Presqu'île lyonnaise, Perrache fut le nom d'un ingénieur ambitieux et de sa soeur, artiste-peintre dont il ne reste aujourd'hui plus qu'une toile gardée précieusement au Musée d'Histoire de Lyon. Un duo qui avait imaginé pouvoir agrandir Lyon, non pas en grignotant des communes voisines mais en domptant le confluent du Rhône et la Saône.
Car lorsque Antoine-Michel et Marie-Anne Perrache grandissent au milieu du XVIIIe siècle, la Presqu'île lyonnaise s'arrête au niveau de l'actuel quartier d'Ainay. Au-delà vers le Sud, ce sont les broteaux, ces fameuses zones marécageuses, une plaine alluviale dont on ne peut rien faire. Or, la ville se voit contrainte dans son expansion par l'étroitesse de ses frontières.
L'ingénieur de 40 ans a alors l'idée de reporter le confluent pour assainir près de deux kilomètres de terrains. Antoine-Michel Perrache imagine, en s'inspirant de travaux réalisés avant lui, une digue qui partirait d'Antonin-Poncet et tirerait, tout droit, jusqu'à La Mulatière, avec la particularité de rajouter un soubassement de pierres de taille capables de résister aux courants du Rhône.
Ralenti dans ses ardeurs par le Consulat, il fonde la Compagnie Perrache qui parviendra finalement à convaincre ce dernier, ainsi que le roi Louis XV, de lui donner le feu vert en 1771. En seulement cinq ans, la digue alors appelée chaussée est construite. Avec même une petite touche écologiste pour l'époque : une rangée de peupliers d'Italie est plantée tout le long de l'infrastructure.
Sauf qu'Antoine-Michel Perrache s'est considérablement endetté auprès de banquiers génois, à hauteur d'1,5 milliard de livres, pour parvenir à cet exploit. Il meurt subitement en 1779. Et la suite du projet va prendre l'eau. A commencer par le pont de la Mulatière, construit en 1780 et qui s'effondre dans le Rhône en 1783.
C'est alors qu'entre en scène Marie-Anne Perrache. La soeur du défunt prend sa suite à la tête de la Compagnie Perrache pour piloter la partie la plus importante de l'opération : la conquête des broteaux. Sauf que les dettes sont telles qu'elle abandonne en 1782, se départant de ses droits en échange de son amnistie. C'est le comte de Laurencin qui lui succède, mais les crues de 1783 et leurs conséquences le ruinent et l'obligent à céder les terrains de Perrache à la couronne.
Mais le soutien nécessaire des notables s'amenuise, car dans le même temps, Jean-Antoine Morand s'est lancé dans un projet similaire, sur la rive gauche du Rhône. L'ingénieur se mue en rival des Perrache en souhaitant lui aussi assainir les marécages de l'actuel 6e arrondissement, et donc des futurs Brotteaux, en commençant par faire construire un pont au niveau des Terreaux (à l'emplacement de l'actuel pont Morand ndlr).
Le reste de la conquête de l'actuelle Perrache se fera donc sans eux. Le sud de l'actuel cours de Verdun s'est longtemps contenté de proposer une gare d'eau avant que la révolution industrielle n'oblige les préfets à se réemparer de l'opportunité d'étendre Lyon vers le sud.
Merci de ces précisions historiques toujours passionnantes.
Signaler RépondreMerci beaucoup pour ces précisions. J adore l histoire
Signaler Répondretout cela pour construire un quartier glauque rempli de prostituées ...
Signaler RépondreVoilà qui pourrait intéresser la société d"'histoire de Lyon pour une future conférence. IL vous suffit de vous signaler à elle aux archives municipales de Lyon.
Signaler RépondreArticle très intéressant:l urbanisme an service du peuple qui travaille !
Signaler RépondreExact 👍
Signaler RépondreJe travaille une thèse sur le personnage d'Antoine Michel Perrache que je pense aboutir prochainement. Il y a tellement de choses à apprendre sur cet artiste sculpteur qui devient urbaniste pour la simple volonté de pouvoir rendre service à sa ville en créant l'entrée Sud de Lyon mais aussi en engageant ses partenaires dans la construction de nouvelles maisons. Rivalité avec Morand... pas sûr ! En tout cas beaucoup plus tempéré qu'on a pu l'écrire. Enfin n'oublions jamais que cette construction est une entreprise privée avant tout puisque le Consulat n'a jamais financé les travaux et c'est finalement très tardivement (ap 1783) que l'Etat (Louis XVI en l'occurrence) participe au financement pour sauver le pont de la Mulatiere et faire avancer le remblaiement du quartier.
Signaler Répondrevous avez raison c'est a partir de cette date, puis amplifié avec la clique a mitrand qu'on a commencé a remplacer les specialistes des grands corps de l'etat par les branleurs issus de sciences pot qui savent tout sur tout et dont l'arrogance n'a d'egale que l'incompetence
Signaler RépondreMerci pour ce moment d'histoire Lyonnaise !
Signaler RépondreTrès intéressant cet article.
Signaler Répondrele buste de Perrache est dans l’entrée de la mairie du 2e
Signaler Répondreplus précisément, le confluent était à l’époque au sud des remparts d’Ainay, dont la forme un peu courbe se retrouve dans le tracé de l’actuelle rue Bourgelat
Signaler RépondreIl n'est pas utile de remonter si loin, le changement a commencé dans les années 70 avec Giscard.
Signaler RépondreUne erreur objective : la limite méridionale du bâti lyonnais ne se situait pas vers l'actuelle place Antonin Poncet, mais sur le tracé approximatif de la rue des Remparts d'Ainay, qui n'était pas rectiligne comme aujourd'hui, mais qui suivait le tracé des fortifications.
Signaler RépondreUne affirmation plus que contestable : le projet Morand était tout différent du projet Perrache, et le rôle de sa supposée concurrence n'est pas établi. Mieux aurait valu souligner que le succès du quartier Saint-Clair autour de la rue Royale et celui des immeubles de Rigod de Terrebasse, place de la Charité, avaient déjà largement répondu à la demande de logements de luxe.
L'histoire est un métier, même si, à l'exemple de la cuisine, de la politique ou de la cuisine, tout un chacun peut tenter sa chance, à ses risques et périls.
C'est très regrettable, que ces honorables Lyonnais sont devenus des illustres inconnus.
Signaler RépondreComme le montre votre carte, la Presqu'ile se terminait alors non pas près de l'actuelLE Place Antonin Poncet, (l'Hospice de la Charité existait déjà, à la place de la Poste), mais un peu au sud de l'abbaye d'Ainay, vers les actuelles place Ampère et Mairie du 2ème.
Signaler RépondreCependant les constructions continues ne dépassaient pas le côté sud de la rue Sainte Hélène.
Sinon, je doute fortement que l'endettement de M.A. Perrache se soit compté en milliard de livres
(en 1788, les dépenses de l'ETAT s'élèvent à 622 millions de livres, ses recettes à 504 millions : on a peine à croire qu'un particulier ait pu contracter une dette triple du budget de l'Etat)
Un quai Perrache mais pas de buste ou de statue. De même pour le fondateur de Lugdunum en-43 : Lucius Munatius Plancus et le 2° empereur né à Lyon, Caracalla, Aucun des 3 ne sont peints sur la fresque des Lyonnais Lyon 1°
Signaler RépondreJ'aurais aimé vivre a cette époque, l'époque de la vraie France authentique
Signaler RépondreToujours les financiers qui mettent le b..... dans les grands projets initiés par des gens talentueux...
Signaler RépondreMaintenant on a aussi les écolos et lfi qui en rajoutent ;-)