Une association d'ouvriers républicains, les Voraces, va se révolter à plusieurs reprises entre février 1848, au moment où la monarchie de Louis-Philippe est renversée et juin 1849, après le conflit entre les républicains qui ont pris le pouvoir à Rome et le gouvernement républicain français. Ce qui va renforcer la réputation de Lyon d'être une ville dangereuse mais aussi provoquer des changements importants dans l'administration de cette ville et dans l'urbanisme.
Comment et pourquoi la révolte des Voraces débute ? Parce que la révolution de 1848 à Paris va être très suivie à Lyon. Mais la ville va aussi subir de plein fouet la grave crise économique qui touche le pays à la suite des mauvaises récoltes de 1846 et 1847.
Le contexte politique à l'époque ? Un contexte de contestation. François Guizot, chef du gouvernement du roi Louis-Philippe, est un royaliste très conservateur. D'où son surnom, "la borne".
Il refuse notamment la réforme du cens qui soumet le droit de vote au paiement de 200 francs d'impôt par an et de 500 francs pour pouvoir être élu. Ce qui, par exemple, ne permet pas à la plupart des avocats et des médecins de voter. A partir de l'été 1847, des banquets s'organisent où on lève des toasts au roi mais aussi à la réforme du cens. Et après un ou deux verres, les gens n'hésitent pas à réclamer la démission de Guizot.
La contestation se propage alors à Lyon. Un grand banquet a lieu aux Brotteaux le 23 novembre 1847, organisé par des royalistes réformateurs comme Démophile Laforest et Joseph Alcock, un ancien député du Rhône. Ce qui marque le réveil de Lyon qui était une ville calme depuis la révolte des Canuts de 1834.
Guizot fait interdire un banquet républicain qui devait avoir lieu à Paris le 22 février 1848. Ce qui va entraîner des manifestations. Le 22 février, le roi le contraint à démissionner et des manifestants sont tués. Le peuple dresse des barricades et l'armée intervient. Mais les insurgés résistent. Et le 25 février, la République est proclamée officiellement à Paris. Les bourgeois modérés et les républicains prennent le pouvoir former un gouvernement provisoire.
Grâce au télégraphe, on apprend le même jour à Lyon que la République est proclamée. Le peuple converge alors de toutes parts vers la place des Terreaux. Les Voraces qui descendent de la Croix-Rousse font partie des manifestants les plus déterminés.
Il s'agit d'une association qui compte un millier de canuts vivant à la Croix-Rousse et qui est apparue vers 1846 pour obtenir une République sociale. Pourquoi ce nom de Voraces ? Parce qu'ils avaient la réputation de toujours exiger des négociants un tarif plus élevé.
Lyon bat pavillon rouge
Le préfet Achille Chaper est rapidement débordé par les Voraces, par ailleurs renforcés par l'appui des ouvriers lyonnais qui subissent depuis deux ans la crise économique, le chômage et la hausse du prix du pain. Comme le gouvernement a été renversé à Paris, l'armée à Lyon ne reçoit plus d'ordre et décide de pactiser avec les révoltés. Les Voraces en profitent pour piller l'arsenal et les forts où ils s'emparent d'armes qui serviront à l'envahissement de l'Hôtel de Ville.
Une fois dans la mairie, ils remplacent le drapeau tricolore par le drapeau rouge. La République est à son tour proclamée à Lyon le 25 février au soir. Deux morts "seulement" sont à déplorer.
Les Voraces sont favorables à une République sociale où les richesses seraient mieux partagées entre riches et pauvres. Mais ils sont également anti-cléricaux, car ils considèrent que l'Eglise est au service de la monarchie.
De plus, les Voraces, inspirés par les idées de socialistes utopiques comme Fourier, rêvent de vivre dans un phalanstère, une communauté où le mariage serait aboli, les enfants élevés en commun, la propriété privée supprimée... L'objectif est donc de transformer la Croix-Rousse en phalanstère.
Démophile Laforest est nommé maire de Lyon après la révolte de février 1848. Populaire, il avait participé aux banquets républicains qui avaient précédé le soulèvement. Aux yeux des bourgeois lyonnais, il était l'homme idéal pour apaiser les esprits.
De leur côté, les Voraces vont s'en prendre à l'Eglise, de manière indirecte. Entre le 25 et le 28 février, ils cassent les métiers des ateliers créés par les congrégations religieuses où des femmes et des enfants mal payés fabriquent de la soie, notamment aux Chartreux de la Croix-Rousse, à Vaise, aux Terreaux et à Oullins. Les Voraces n'acceptent pas ces ateliers qui leur font une concurrence qu'ils estiment déloyale. Les raids se font sans mort ni vol, ce qui confirme que les Voraces ne sont pas des pillards.
Le 28 février, Emmanuel Arago arrive à Lyon. Nommé commissaire de la République par le nouveau gouvernement, il est donc préfet. Il réussit à convaincre les habitants de replacer le drapeau tricolore sur l'Hôtel de Ville, marquant par ricochet le retour de l'ordre.
Conscientes du danger que représentent les Voraces, les autorités vont agir rapidement. En mars 1848, le maire Démophile Laforest pousse une centaine de Voraces à encadrer une armée de 1500 Savoyards dans le cadre d'une croisade dont l'objectif est de créer une République à Chambéry en Savoie, une région qui n'est plus française depuis 1815.
Cela permet d'éloigner les Voraces de Lyon, mais aussi de calmer les ardeurs des Lyonnais qui accusent les Savoyards, toujours plus nombreux dans la capitale, de leur prendre leur travail.
Mais le plan ne se déroule pas comme prévu. Car Chambéry est rapidement libérée, le roi du royaume de Piémont-Sardaigne Charles Albert faisant évacuer son armée face à la menace des Voraces, pour mieux contre-attaquer avec l'appui de paysans savoyards.
A Lyon, le nouveau préfet Martin Bernard est favorable aux Voraces. Ce qui leur permet de mener des actions symboliques. Le 9 avril 1848, ils commémorent l'anniversaire du soulèvement des canuts de 1834 en se rendant sur les lieux des combats à Vaise et aux Cordeliers. Ils inaugurent sur la place Perrache, aujourd'hui place Carnot, une statue en papier mâché représentant le peuple souverain qui se libère de chaînes et écrase la monarchie.
La répression dans le sang
Mais progressivement, le gouvernement républicain qui est en place à Paris commence à évoluer.
Au mois de juin 1848, les ateliers nationaux, créés quatre mois plus tôt pour employer les ouvriers chômeurs, sont supprimés. Le pouvoir les trouvait trop chers mais surtout trop dangereux car ils leur permettaient de se réunir et de s'organiser.
Une révolte s'opère en juin à la capitale, et la répression du chef du gouvernement Eugène Cavaignac est terrible, faisant 5000 morts dont l'archevêque de Paris. Cette fois, les Lyonnais ne réagissent pas. L'Eglise a retrouvé son influence et se sert des femmes pour calmer les esprits des hommes. Et le nouveau préfet Mathurin Ambert décide en juillet de désarmer la garde nationale où les Voraces tiennent une place dominante.
Lyon redevient modérée, et vote massivement pour Louis Napoléon Bonaparte en décembre 1848, puis pour des députés républicains sociaux et socialistes modérés en mai 1849.
Les Voraces refont parler d'eux en juin 1849, lorsque le gouvernement français envoie une armée à Rome pour sauver le pape menacé dans sa ville par Garibaldi qui voulait établir une république laïque. Qu'une république française soutienne l'Eglise face au projet d'une république italienne scandalise les Voraces, qui prennent les armes.
Des centaines d'entre eux dressent des barricades Grande rue de la Croix-Rousse. L'armée en garnison à Lyon intervient et les combats feront entre 30 et 100 morts. Sans le peuple à leurs côtés, les Voraces sont matés.
Lyon retrouve son étiquette de ville dangereuse. Après son coup d'Etat en 1851, Louis Napoléon Bonaparte supprime l'année suivante la mairie à Lyon afin de réduire l'autonomie de la cité. Il revient alors au préfet nommé à Paris de diriger la ville. C'est donc à Claude-Marius Vaïsse qu'il revient d'aménager des grandes rues pour éviter la mise en place de barricades et pour faciliter l'intervention de l'armée pour réprimer les révoltes. Les faubourgs comme la Croix-Rousse, souvent à l'origine des soulèvements populaires, sont rattachés administrativement à Lyon.
Une série d'évènements qui aura renforcé le caractère profondément modéré des Lyonnais, qui se méfieront ensuite toujours des extrémismes.
C'étaient des précurseurs du communisme, des utopistes. Depuis, tout ce monde a fait long feu. Aujourd'hui, il n'y aurait plus de révoltes de ce type. Sans doute des rébellions nihilistes, sans projet clair, des pillards tout au plus. Ce qui ne veut pas dire que ça ne serait pas pire pour l'équilibre général de la société. Aux hommes et aux femmes clairvoyants de ce temps, de prendre les mesures qui conviennent pour désamorcer les révoltes avant qu'elles ne se manifestent.
Signaler RépondreLe RSA ou la mort.
Signaler RépondreTypique de la cuisine lyonnaise, la fameuse cervelle de canut qui figure sur le menu du " BISTROT DE LYON" et mise a l'honneur par Paul LACOMBE . Un lien a été faits entre ce mets ( Claqueret) et la révolte des canuts .
Signaler RépondrePour compléter cet article, il faut lire le bouquin de Louis muron, le chant des canuts aux presses de la cité.
Signaler Répondresauf que ceux qui sont dans la rue maintenant ne sont plus des ouvriers .Pour les canuts c'etait "du travail ou la mort" maintenant c'est quoi ?
Signaler RépondreDe Lyon Mag.
Signaler RépondreInstructif.
oui on la bien vue avec les émeutes!!!! voila ce qui nous attends
Signaler RépondreLes "extrêmes" sont toujours manipulés et ne sont pas toujours derrière ceux que l'on pense. De nos jours, la fourberie de certains manipulateurs, se faisant passer pour des démocratiques, libertaires, humanistes etc... se voit si on regarde ou ils veulent nous entrainer.
Signaler RépondreLa révolte grandi de jour en jour le peuple sera dans la rue et demendera le jugement
Signaler RépondreHélas l'extrême droite sera la pour empêcher la révolution car depuis toujours été le rempart du roi et aujourd'hui du système
Le vote ne sert à rien le changement vient de la rue