Mai 1936 : quand Lyon fut paralysée par les grèves

Mai 1936 : quand Lyon fut paralysée par les grèves
Une manifestation à Vénissieux en 1936 - DR Archives Ville de Vénissieux

Les grèves de 1936 ont paralysé la ville entière. Un évènement dont les ouvriers lyonnais sortent renforcés. Tout en créant une envie de revanche très forte chez les patrons lyonnais.

Le contexte économique et politique est à l'origine des grèves de 1936.

A partir de 1932, la France subit les conséquences du krach boursier de Wall Street de 1929. Ce qui entraîne une baisse des salaires et de nombreux licenciements. On passe de 4000 à 400 000 chômeurs de 1928 à 1936.

Et à Lyon, on compte 16 000 chômeurs en 1936, car l'agglomération est composée de communes très industrielles avec des activités de fonderie, de mécanique, de chimie et de textile.

Dès février 1936, c'est l'apparition de premières grèves chez Berliet à Vénissieux et chez Tase, une usine de teinture à Vaulx-en-Velin.

A l'époque, la montée de l'extrême-droite est importante avec les ligues qui manifestent dans les rues en février 1934 à Lyon et à Paris.

En réaction, le Front Populaire se constitue en juillet 1935, et cette coalition des partis de gauche gagne les élections législatives en mai 1936. A Lyon, sur neuf députés élus, trois sont socialistes, deux communistes et deux radicaux. Les ouvriers voient dans cette victoire l'occasion de faire aboutir leurs revendications car ils pensent avoir le soutien du gouvernement en cas de grèves importantes.

La majorité des ouvriers lyonnais n'ont pas de revendications politiques et luttent simplement pour améliorer leurs conditions de travail. Une minorité d'entre eux, communistes et trotskystes, mène un combat en entretenant le grand mythe révolutionnaire qui doit conduire à une société idéale et sans classes.

Du côté des syndicats, on s'organise. D'autant que depuis janvier 1936, la CGT, syndicat socialiste, et la CGTU, syndicat communiste, se sont unifiées.

Et le 1er mai 1936, ce sont plus de 50 000 ouvriers, certains le poing levé, qui partent de la place Carnot pour rejoindre la Bourse du Travail. Les journaux de droite comme le Nouvelliste affirment que les Soviets envahissent Lyon.

Les mouvements sociaux vont ensuite se succéder. Le 2 juin, 150 salariés de la fonderie Rivollier à Monplaisir se mettent en grève suite au licenciement d'un responsable syndical. Dans la foulée, c'est au tour des aciéries de Longwy à Vénissieux et de l'usine de Delle, une compagnie d'électricité à Villeurbanne.

Lyon rapidement paralysée

Parallèlement à ces grèves, les discussions organisées par le gouvernement entre le patronat et les syndicats aboutissent le 8 juin à des accords très favorables aux ouvriers : obtention de 15 jours de congés payés, passage de 48 à 40 heures de travail par semaine, augmentation des salaires de 25% et création de conventions collectives où les syndicats sont reconnus.

Malgré les accords de Matignon, les grèves ne s'arrêtent pas. Au contraire ! Elles s'intensifient car les patrons traînent pour les signer et garantir de meilleures conditions à leurs salariés.

Les usines de la banlieue lyonnaise sont paralysées : l'usine Berliet à Vénissieux, les usines des Frères Lumière à Monplaisir et à Feyzin...

Maurice Vivier-Merle, dirigeant de la CGT à Lyon, est l'un des grands instigateurs du mouvement. Proche de la SFIO et donc de Léon Blum et de plusieurs ministres, il tentera ensuite de calmer le jeu pour ne pas nuire au gouvernement du Front Populaire. Ce sont surtout les ouvriers communistes et les ouvriers non syndiqués qui durcissent les grèves.

Le 16 juin, les cheminots du PLM d'Oullins, la compagnie de chemins de fer, se mettent en grève. Mais aussi les ouvriers de la chimie, les camionneurs, les salariés des abattoirs, des grands magasins, des transports en commun... Le mouvement né en périphérie gagne la ville de Lyon le 22 juin avec les garçons de café qui entrent en grève et refusent de servir les clients place Bellecour.

C'est l'apogée du mouvement, avec plus de 100 000 grévistes dans l'agglomération lyonnaise. Seuls les employés municipaux ne font pas grève, car le maire Edouard Herriot leur a promis une augmentation de salaire.

Il y a finalement assez peu de violences liées à ces grèves. Hormis quelques bagarres, notamment entre des patrons de café et leurs employés, l'ambiance est plutôt calme car pour forcer les dirigeants à signer les accords de Matignon, les ouvriers ne descendent pas dans la rue et occupent les usines. Il y a de plus une véritable dimension festive : on danse dans les entreprises, il y a toujours un ouvrier qui sait jouer de l'accordéon. C'est aussi l'occasion pour certains de faire visiter les lieux à leurs enfants. Il faut dire que juin 1936 fut beau et chaud.

La police, elle, ne bouge pas. Le préfet Emile Bollaert est un partisan du Front Populaire et demande aux autorités de ne pas intervenir. Il tente même d'apaiser les tensions en mettant en place une commission de conciliation chargée d'arbitrer les conflits.

Edouard Herriot appelle à la reprise du travail au nom de l'intérêt général. Mais il se trouve en position délicate, n'étant pas favorable au Front Populaire et ne disposant plus que de deux députés radicaux à Lyon, dont lui.

Les élus de gauche et les syndicalistes sont d'ailleurs nombreux à trouver que le maire de Lyon est un opportuniste car il a participé à des gouvernements de droite en 1925 et 1934. A trop vouloir jouer son rôle de centriste à la recherche perpétuelle du consensus, Herriot s'était coupé des gens qui votent à gauche.

Autre acteur de la vie publique lyonnaise : l'archevêque Louis-Joseph Maurin. Contre la grève, il recommande aux ouvriers et aux patrons d'engager plutôt le dialogue. Les syndicalistes chrétiens de la CFTC suivent ses recommandations et ne font pas grève.

La vengeance de certains patrons

Fin juin, les accords de Matignon sont de plus en plus appliqués dans les entreprises lyonnaises et les grèves prennent progressivement fin. Ce sont les grands patrons qui cèdent les premiers : Berliet, Rhodia... Tandis que dans les petites sociétés du secteur du bâtiment, de l'ameublement, de la boulangerie, les grèves continuent jusqu'en août.

Obligés de payer plus leurs salariés qui travaillent moins, les chefs d'entreprise augmentent les prix de leurs produits. Ce qui réduit les effets des hausses de salaire : le pouvoir d'achat ne bouge pas. Et à Lyon, comme dans le reste de la France, le chômage ne diminue pas car la semaine de 40 heures n'a pas vraiment relancé l'embauche.

Ce ne sera qu'en 1938, lors de la préparation de la guerre, que les usines tourneront enfin à plein régime.

Les syndicats sortent renforcés de cette séquence estivale. La CGT connaît une explosion du nombre d'adhérents. Et à l'automne 1936, de nouvelles grèves éclatent dans les mêmes entreprises comme Berliet. Et encore une fois, le patronat est obligé de céder.

C'est à cette époque que le Parti communiste gagne en influence dans les banlieues lyonnaises. De véritables bastions électoraux naissent, avec des personnalités comme le député Georges Lévy à Villeurbanne.

De nombreux patrons lyonnais se disent traumatisés par cette période durant laquelle ils ne maîtrisaient plus rien, impuissants face à des ouvriers organisés, et délaissés par le pouvoir politique. La conséquence, c'est que beaucoup d'entre eux vont nourrir une rancœur à l'encontre de leurs salariés et de Paris. D'où leur soutien à la politique du gouvernement de Vichy qui remettait en cause les acquis sociaux de 1936.

D'ailleurs, Marius Berliet est le symbole de cet esprit revanchard du patronat. Il recevra le maréchal Pétain lors de la Foire de Lyon en 1941 et n'hésitera pas à fournir des camions à l'armée allemande. Ce qui entraînera l'occupation de son usine en 1945 puis son arrestation.

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10 commentaires
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Bof ou beauf. le 30/07/2024 à 11:06

Obligés de payer plus leurs salariés qui travaillent moins, les chefs d'entreprise augmentent les prix de leurs produits. Ce qui réduit les effets des hausses de salaire : le pouvoir d'achat ne bouge pas. Et à Lyon, comme dans le reste de la France, le chômage ne diminue pas car la semaine de 40 heures n'a pas vraiment relancé l'embauche.

En 2024, les NFP n'ont toujours rien appris de l'histoire.
Et pour ce qui est de la dernière phrase, un petit coucou en passant à Martine Aubry.

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hoho le 29/07/2024 à 12:58
bernard_veillon@orange.fr a écrit le 28/07/2024 à 13h11

Marius BERLIET colabo facho !!!!

Toi tu subis la canicule.A la douche ça calmera ton fantasme

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pie69 le 29/07/2024 à 08:20

Peut-être la seule grève valable ?

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L’éternel recommencement. le 29/07/2024 à 06:50
Allez a écrit le 28/07/2024 à 17h07

Va prendre tes gouttes et rendors toi c est fini maintenant.

Rien n’est finit , l’extrémisme de droite reviens , tout comme les guerres que l’ont croyaient aussi disparue . Le,moyen orient est en guerre, la Russie ne lâchera rien sur l’Ukraine qu’elle finira par prendre er l’Europe va devenir un champs de ruines et de cendres après la,3 e guerre mondiale qui a déjà commencé et dont l’implication avec l’OTAN est irréversible pour que la Russie se défende et nous attaque tôt ou tard .
Se sera un combat de civilisation ou l’occident aura à affronter le reste du monde 🌎.
Toute les plus grandes civilisations se sont éteintes, la nôtre a tous les signes pour s’éteindre à son tour .

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Pfuiiii le 28/07/2024 à 18:22

Il fut un temps...Déjà lointain, où la gauche SERVAIT A QUELQUE CHOSE ! A voir ce que sont devenus CGT et PS aujourd'hui, on peut se dire qu'un mouvement d'une telle ampleur n'est pas prêt d'arriver, tant l'élan est dilué dans les guéguerres intestines et les luttes d'égos fratricides !

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Allez le 28/07/2024 à 17:07
bernard_veillon@orange.fr a écrit le 28/07/2024 à 13h11

Marius BERLIET colabo facho !!!!

Va prendre tes gouttes et rendors toi c est fini maintenant.

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Ex Précisions le 28/07/2024 à 14:58
kleber a écrit le 28/07/2024 à 13h20

vieux principe de l'economie si vous augmentez le poste salaire de 15% vous augmenterez vos prix de 25% car les autres postes (energie, trnsport...) auront pis aussi +20%. sinon vous disparaîtrez

Vous êtes patron je suppose ?
;-)

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bien d'accord ! le 28/07/2024 à 13:44
kleber a écrit le 28/07/2024 à 13h20

vieux principe de l'economie si vous augmentez le poste salaire de 15% vous augmenterez vos prix de 25% car les autres postes (energie, trnsport...) auront pis aussi +20%. sinon vous disparaîtrez

je suis bien d'accord, d'ailleurs on le voit bien, depuis 1936 les salaires augmentent et les profits des entreprises ont disparu, les actionnaires sont tous au RSA !

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kleber le 28/07/2024 à 13:20

vieux principe de l'economie si vous augmentez le poste salaire de 15% vous augmenterez vos prix de 25% car les autres postes (energie, trnsport...) auront pis aussi +20%. sinon vous disparaîtrez

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bernard_veillon@orange.fr le 28/07/2024 à 13:11

Marius BERLIET colabo facho !!!!

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