À Jean Nallit
De l’humain, au fond, tu as pu connaître le meilleur comme le pire. Alors que tu terminais ton adolescence, tu fus confronté aux sbires du boucher de Lyon, aux pires tortures sans jamais parler. Malgré le refus de ton père de te voir t’engager, lui-même grande victime de la Première Guerre, tu renforçais très tôt les rangs de l’armée des ombres. Tu vécus en effet la capitulation comme une indicible humiliation et rien ne paraissait alors plus normal pour toi de t’engager pour ton pays.
Cette force intérieure qui te caractérisait t’exhorta naturellement à t’engager. Depuis la Compagnie Générale du Gaz où tu travaillais après la fermeture de ton école, tu fis les premières rencontres qui t’amenèrent sur les chemins de la Résistance. En refusant de participer au STO, tu plongeas dans les méandres de la clandestinité. Tu rejoignis alors le réseau Charrette et tu t’impliquas dans la distribution de journaux, de tracts. La qualité de ton action te conduisit très vite à la fabrication de faux papiers pour contribuer à l’évasion de prisonniers de guerre français. Toute ta famille s’y employa : ta maman comme secrétaire, ta sœur en tant qu’agent de liaison.
En lien avec les autres mouvements, vous empêchez des rafles, vous organisez des réunions. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que tu sauras que tu as rencontré, toi le caluirard, Jean Moulin à plusieurs reprises.
En 3 ans, tu aides à la fabrication de 30 000 faux papiers dont on dit alors qu’ils sont si bien faits qu’il est difficile de les différencier des vrais. Grâce à ton action, l’armée des ombres fait son œuvre, fait sauter des trains, participes à plus de 300 évasions de juifs. Un jour de mars 1944 où tu accomplis une mission de livraison d’information à un ami, tu tombes dans une embuscade allemande. On retrouve chez toi des preuves confondantes de ta participation à la Résistance.
Tu connais alors l’indicible calvaire des tortures nazies, de la baignoire, de la cravache dans les caves de la Gestapo à l’école de santé des armées et à Montluc. Tu ne parles pas. Tu ne parles pas et cela sauve les femmes et les hommes de ton réseau. Tes blessures physiques sont si profondes qu’elles mettent six mois à guérir. Après la prison de Royallieu, tu es, dans des conditions d’atroces souffrance avec beaucoup d’autres « entassé » dans un wagon de train qui te conduit en déportation à Buchenwald. Tu deviens le n° 49839. Alors que les SS t’emmènent pendant 900km à pied avec tes frères et sœurs dans les marches de la mort, vous vivez le paroxysme du supplice. Vous marchez dans la neige, dans le froid, sans vêtement. Vous ne mangez pas, ne buvez pas, vivez l’épuisement et la maladie. Vous êtes libérés le 8 mai 1945.
Lorsque par miracle, tu reviens chez toi, tu pèses 38 kg. Ta maman ne te reconnaît pas.
Tu rencontres Gilberte, une femme de ta trempe, engagée, avec qui vous allez fonder votre famille. Vous formez alors pendant plus de 73 ans un couple extraordinaire qui fait notre admiration à tous et qui vit d’un amour indéfectible. Vous fondez le comité du Souvenir Français de Caluire et Cuire. Tu t’engages pour témoigner devant les enfants de nos écoles. Tu en rencontreras plus de 130 000. Ton visage, tes mots, ton expérience sont en eux et chaque jour les animent sur le chemin de la vie. Comme un symbole, la Ville de Caluire et Cuire dont tu es une figure tutélaire a donné au Square du Vernay le nom de "Gilberte et Jean Nallit". Il fait face au rond-point des Justes. Tu étais là pour leur inauguration, il y un an.
Mon cher Jean, partout où tu es passé, tu as laissé ton empreinte. Avec Gilberte, vous avez laissé votre empreinte. Par ces quelques mots, sache que ce parcours exceptionnel, marqué par une bravoure inébranlable et un engagement enraciné resteront gravés dans nos mémoires et dans nos cœurs.
Bastien Joint
Président du Souvenir Français de Caluire-et-Cuire
un homme extraordinaire. qu'en reste il aujourdhui
Signaler RépondreUn grand homme. Merci Bastien. En quelques mots, tu nous permets de partager ces moments d'émotions.
Signaler RépondreD'où l'importance du travail de mémoire auprès des jeunes.
Dans ces temps difficiles, n'oublions jamais ceux qui se sont battus pour nous donner notre liberté. 🇨🇵🇨🇵🇨🇵
Denise Cohen Bony