Lyon Mag : Que s’est-il passé en Iran depuis la chute du Shah en 1979 ?
Il y a 31 ans, le peuple iranien a destitué le régime des Pahlavi, après de nombreuses années de lutte. Déjà, en 1953, un coup d’État anglo-américain destituait un gouvernement démocratiquement élu, dirigé par Mohammad Mossadegh. En 1979, le peuple a pu renverser le Shah d’Iran pour aller vers une démocratie. La volonté du peuple était de pouvoir vivre librement et de pouvoir s’exprimer. Or, quelques semaines après l’avènement de ce nouveau pouvoir dirigé par l’Ayatollah Khomeiny, qui a residé en France quelques mois avant son retour triomphal à Téhéran, le peuple a été déçu. Le nouveau régime a organisé le gouvernement de telle sorte à ce que tous les pouvoirs soient concentrés entre les mains d’une seule personne, Khomeiny, guide suprême de la révolution (1). Et ce de 1980 jusqu’à 1989, année de sa mort. L’Ayatollah Khamenei a ensuite été désigné guide suprême de la Révolution par le conseil des experts. Ce régime est devenu une dictature religieuse totale. Aujourd’hui, et depuis huit mois jour pour jour, il y a un mouvement de contestation appelé «mouvement vert». Ce mouvement se propose d’aller vers la démocratie. Car le régime est une dictature militaire. Ce n’est pas une république. Ce régime a été detourné de ses objectifs premiers, des espoirs fondés à l’origine. Le peuple est extrêmement déçu, et c’est la raison pour laquelle les gens sont dans la rue en Iran.
Quel est le rôle exact au sein du régime des gardiens de la Révolution (2) ?
Je pourrai décrire cette institution comme étant la plus puissante économiquement et militairement en Iran. tous les programmes militaires, et notamment nucléaires, sont tous organisés sous l’égide des gardiens de la Révolution. Ils représentent à eux seuls un énorme complexe militaro-industriel, qui a sa main dans tous les domaines de l’économie du pays. Du jour au lendemain, la majeure partie des télécoms iranien est revenue à l’administration des gardiens de la révolution. Tout ce qui concerne la contrebande, qui s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, passe entre leurs mains. Ils interdisent un certain nombre de biens et de services qu’ils importent ensuite, ce qui mène à une contrebande et à un marché noir voulu. C’est extrêmement lucratif. Les gardiens de la Révolution sont extrêmement riches, extrêmement puissants, et militairement ultraviolents. Depuis plusieurs années, les miliciens, que l’on appelle les basidji (3), créés à l’époque pour défendre le pays, sont des civils qui tabassent les femmes et les hommes de ce pays, qui les emprisonnent, les torturent. Il y a même parfois des viols dans les geôles de la République Islamique. Il y a une distinction importante entre les gardiens de la Révolution et l’armée régulière. L’armée régulière jusqu’à ce jour n’a pas encore pris part au conflit. Aujourd’hui, les rumeurs disent que l’armée est très divisée concernant le mouvement populaire qui a lieu aujourd’hui en Iran. Elle pourrait ne pas soutenir et supporter le régime en place. Les gardiens aujourd’hui sont le régime. Ils vont défendre becs et ongles leurs acquis et leurs positions.
L’armée peut-elle se retourner contre les gardien de la Révolution ?
Même au sein des gardiens de la Révolution il y a des rumeurs de divisions. L’objectif n°1 du mouvement vert est d’éviter le bain de sang. Tout est fait pour éviter le bain de sang, et si l’armée n’a pas bougé, c’est peut être aussi pour ça. Le régime est en train d’imploser de l’intérieur, il s’automutile et se détruit. Ahmadinejad est peut être le soutien le plus important du mouvement vert. Il fait tellement d’erreurs. Le régime aurait pu se sauver après l’élection présidentielle en adoptant une position un peu plus modérée, en trouvant des compromis. Il ne l’a pas fait.Ils ont mis le doigt dans l’engrenage et maintenant c’est trop tard. Ce qui est clair, c’est que nous sommes persuadés que ce régime est terminé. Nous ne savons pas si ce sera dans trois mois, dans six mois ou dans trois ans. Mais il est certain que les jours de la république islamique sont comptés.
Quel est le pouvoir du président Mahmoud Ahmadinejad face aux gardiens de la Révolution ?
Concernant les prérogatives du président de la République en Iran, elles sont quasiment inexistantes. Les décisions les plus importantes sont prises par le guide suprême de la Révolution et son clan. Les gardiens de la Révolution ne sont le bras armé que du guide de la Révolution. Les ministères régaliens, du type justice, renseignements, armées, sont directement nommés par le guide. Le président a en fait très peu de pouvoir. Et, dans ce cas précis, Ahmadinejad a été choisi par le guide Khamenei, qui l’a nommé président, avant même que le conseil des experts et le conseil constitutionnel iranien ne valide les résultats de l’élection très controversée du 12 Juin 2009. Le guide avait déjà fait son choix. Je vous rappelle que les trois autres candidats, dont certains étaient des reformateurs, ont été présélectionnés par un organe d’experts. Cette présélection écarte de facto toute forme d’opposition légale et politique. Même parmi leurs propres candidats issus de leur propre système, un ancien premier ministre comme Moussavi, ou un ancien président du parlement iranien comme Karoubi ne sont plus supportables dans le cadre de la république Islamique. Il y a donc une énorme divison au plus haut sommet de l‘État. Une personne comme Rasfanjani (4) est totalement contre les décisions prises par le guide Khamenei. Le mouvement vert surfe sur ces divisions très importantes pour marquer des points.
Depuis combien de temps existe le mouvement vert ?
Pendant la campagne électorale de l’an dernier, avant le 12 Juin 2009, chaque candidat s’est doté d’une couleur. Un peu d’une façon marketing, à l’occidentale. Ahmadinejad et Karoubi avaient, par exemple, leur propre couleur. Celle du candidat Moussavi était la couleur verte. Cette couleur peut refléter, dans l’imaginaire d’un pays chiite, la religion, l’islam. Mais cette couleur était également une possibilité, le lien d’un mouvement politique organisé par Mous
L’espoir du peuple iranien gagne Lyon
L’Iran fête ce jeudi les trente et un ans de la Révolution Islamique de 1979 dans un climat électrique. Le mouvement vert, reliquat des manifestations spontanées de protestation, emmenées par Moussavi lors des élections présidentielles de 2009, prend plus d’ampleur et se structure. Mais surtout il perdure, laissant l’espoir à des milliers d’iraniens de sortir d’un régime coercitif et autocratique. Et ce mouvement prend une vraie dynamique, jusque dans les villes occidentales. A telle enseigne qu’à Lyon est prévu, jeudi à 18h place Bellecour, un rassemblement de soutien au peuple iranien, où quelques centaines de manifestants sont attendus. Lyon Mag a pu interviewer un des participants, qui pour des raisons de sécurité, a préféré conserver l’anonymat. Entre espoir et peur, c’est un témoignage unique. Récit
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