Lyon Mag : Vous deviez déménager au 31 juillet, puis vous avez obtenu un moratoire au 15 septembre. On vit comment, en ce moment, à la Friche ?
Jules Desgoutte : On nous a demandé de partir au 15 septembre, sous la pression de la Société d’enseignement professionnelle, qui occupe la partie sud du site et qui souhaite récupérer l’ensemble du bâtiment pour commencer des travaux. La surveillance du site par la Grand Lyon avec une société de gardiennage a été mise en place. Des plots en béton ont été posés à l’entrée pour contrôler les accès. Nos plaques d’immatriculation ont même été relevées. Officiellement, tout cela est lié à la politique de sécurité intérieure, pour empêcher les Roms d’investir le site. Maintenant, pour nous, c’est une pression.
Vous vivez cela comment ?
Nous vivons cela comme une atteinte à nos libertés. Cela favorise aussi une certaine fatigue nerveuse. Les travaux préparatoires sur le site ont commencés. La SEPR a commencé à percer des trous, à examiner l’état de pollution du site. On sent bien qu’on se rapproche de la fin. Pour l’ensemble des artistes intéressés par la proposition de relocalisation de la mairie sur le site Lamartine, nous travaillons sur un plan d’implantation crédible sur le lieu. On se rend compte que nous sommes assez nombreux pour un espace qui n’est pas nécessairement adapté à nos pratiques. Il faut faire des travaux pour des raisons de sécurité et d’adaptation. Par exemple, on ne peut pas faire de la musique dans un espace qui a une réverbération de dix secondes. Ces travaux demandent des moyens et du temps. Et il est très difficile d'engager des travaux après avoir déménagé.
Les travaux ont-ils commencés sur le site de Lamartine ?
Ils n’ont pas du tout commencé. Nous avons pu visiter le lieu, qui n’est pas encore ouvert. La plupart de ces travaux ne pourront être menés que par nous. La ville n’a pas l’intention de s’engager, sinon sur des travaux de réhabilitation et de mise aux normes. Même pour ces travaux, la ville n’a pas encore fait la visite technique des lieux. Les lieux n’ont été libérés que le 1er septembre par le précédent locataire.
L’arrivée au 15 septembre est utopique ?
La ville continue à nous dire que nous pourrons y entrer « au plus tôt. » Cela ne veut rien dire, et tout dire. Nous sommes assez sceptiques au vu de l’avancement de la discussion sur l’emménagement du nouveau site. Même si le lieu est disponible en septembre, les travaux nous prendrons trois à six, supposant que nous obtenions le financement minimal qui nous permette d’avoir les matériaux. Ce financement, nous ne l’avons pas encore trouvé.
Que va-t-il se passer pour les artistes qui ne pourront pas être relocalisés sur le site de la rue Lamartine ?
Il y a deux problèmes dus à la taille. Le premier est un problème de superficie effective. Lorsque l’on divise par dix une surface pour un même nombre de personnes, on se retrouve avec un gros souci. La relocalisation ne concerne donc pas tous les usagers de la Friche RVI. C’est certain. Une partie seulement ira à Lamartine. A cause de la place certes, mais certaines pratiques ne peuvent pas y rentrer, eu égard à certaines disciplines artistiques. L’art de rue, sachant qu’il n’y a pas d’espace extérieur, est condamné d’entrée. On ne peut pas faire, par exemple, un spectacle de feu dans ce genre de bâtiment. Cette solution de relogement n’est donc que partielle. La ville la présente comme le règlement du problème mais nous savons concrètement qu’elle ne pourra être définitive. Un certain nombre de collectifs ont obtenu des promesses sur d’autres lieux, mais jusqu’ici, cela n’est valable que pour le collectif « Art gens », qui fait de la mode, du textile et du recyclage. Ils avaient besoin d’un espace de stockage conséquent lié à leur activité de recyclage. Il ont besoin d’un espace compris entre 600 et 1 000m2, avec de la hauteur sous plafond. On leur a proposé un espace qui fait 250 m2 avec deux mètres de plafond. Ils ont été obligés de le refuser. A ce stade là, c’est le point mort.
Combien d’artistes vont être relocalisées rue Lamartine ?
Nous sommes à peu près 400 usagers de la Friche RVI. Sur Lamartine, nous serons 170 intéressés. Et à ce stade, nous avons déjà bien des difficultés à trouver un agencement convenable. Pas seulement pour des problèmes de surface, mais surtout pour des problèmes de conformité du lieu par rapport à nos activités. Les artistes sont, pour la plupart, en recherche active de solutions alternatives. On ne croit plus beaucoup au fait que la Ville de Lyon soit en capacité ou en volonté de les trouver.
C’est dont l’expectative et le flou qui domine ?
Nous sommes tous dans une grande incertitude, qui est très éprouvante. La surveillance dont nous faisons l’objet, l’incertitude très concrète et immédiate, un certain climat de médisance dû à certaines rumeurs dans le quartier concourent à alourdir le climat général. Certains médias et certains discours s’en sont d’ailleurs fait l’écho.
Vous évoquez les relations avec les riverains ?
Avec certains riverains, qui ne connaissent pas le lieu, qui ne nous connaissent pas. Du coup, ils imaginent le pire. J’ai même entendu que l’on tuerait des policiers à la Friche ! Vous imaginez !
Avez-vous pris contact avec les riverains du futur site ?
Nous avons tâché de façon informelle de discuter avec eux. Malgré notre demande, la Ville n’a pas encore organisé de concertation officielle entre nous, la copropriété de Lamartine, très remontée par ce projet, et la mairie. Nous avons pris un certain nombre de contact. En quand on arrive à parler aux gens, les choses se dégonflent très vite. L’autre problématique du lieu Lamartine, comme la mairie l’a sorti en urgence, c’est que le terrain n’a pas été préparé. Et le lieu avait déjà des projets portés par les habitants du quartier. En particulier l’extension du stade de foot.
Vous souhaitez clairement avoir des concertations avec ces futurs riverains ?
Absolument. Plus largement, nous voudrions des concertations avec les riverains, la SEPR, et le Grand Lyon. Nous regrettons ce face-à-face qui tourne en rond avec la mairie.
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Mercredi 15 Septembre 2010 à 17h29
Friche RVI : les artistes aimeraient être fixés
31 décembre 2009, 31 juillet 2010, puis 15 septembre... La date de départ effective des Frichards est arrivée. Pourtant, sur le site de l’usine Lépine, rue Lamartine, qui doit les accueillir, rien n’est prêt. A force de prendre les différents collectifs d’artiste pour la portion congrue de la ville de Lyon, on commence à désespérer du côté du site RVI. Et ce ne sont pourtant pas les bonnes volontés qui manquent. C’est ce que nous a confié Jules Desgoutte, musicien et Frichard.
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