La conférence de presse d’après match touche à sa fin. Minuit approche et Gerland s’apprête à s’endormir, seuls la presse, les joueurs et l’imposant dispositif de sécurité s’affairent autour de l’enceinte, les spectateurs ayant évacué le stade. Mais c’est sans compter sur le noyau dur du Virage Nord. Restés à leur place, plusieurs centaines de membres des Bad Gones, bâche « Puel démission » en tête, crient toujours leur rage d’avoir été battus à domicile par l’ennemi juré. La défaite de trop. Les insultes volent avec le seul Claude Puel dans la ligne de mire. Les supporters font du manager sportif de l’OL le responsable principal du départ catastrophique du club en championnat (5 points après 7 journées, 4 buts marqués, une seule victoire pour 4 défaites et 2 nuls et une 19e place au classement). C’est alors que se produit une scène improbable : le président Jean Michel Aulas décide d’aller au devant des supporters. Entouré de stadiers, il se dirige vers le bas de la tribune. Le kapo des Bad Gones demande alors le silence et transmet le micro à Aulas. Le président, diplomate, commence à tenter de les amadouer : « merci d’avoir permis aux joueurs de pouvoir s’entraîner normalement cette semaine. Ne vous laissez pas influencer par un certain nombre de journalistes qui ne font qu’attiser la tension ! Le club, les joueurs, tout le monde a besoin de vous. Si on est parvenus au sommet c’est aussi grâce à vous ! » Les spectateurs le sifflent. Ils veulent du concret, à savoir l’annonce du limogeage de Claude Puel. Ils le font savoir en reprenant leur chant de plus belle. Aulas hausse alors le ton et garde le micro malgré les sifflets : « vous avez vu comme moi qu’on a une équipe de grande qualité. Ce soir il y avait un bon état d’esprit, les joueurs ont tout donné. On n’avait plus perdu contre les Stéphanois depuis 17 ans, maintenant on a un match de Ligue des Champions très important la semaine prochaine, pas comme l’ASSE qui la joue sur Playstation la coupe d’Europe ! » Quelques salves d’applaudissements saluent ce trait d’esprit. « Si l’un d’entre vous veut prendre ma place, qu’il vienne ! » lance-t-il en se rapprochant de la tribune.
Les supporters ne savent plus quelle attitude adopter. Certains lui crient de « virer Puel », d’autres lève le doigt en réponse à son invitation et une nouvelle bâche hostile à l’entraîneur est déployée. « Je vous souhaite à l’avenir d’avoir un président qui vous écoute et vienne vous parler ! Ecoutez moi encore ! reprend alors Aulas. Saint-Etienne a gagné grâce à une erreur d’arbitrage. J’ai entendu votre message, mais je ne peux pas prendre la responsabilité de prendre des décisions tout de suite. On fera un point fin octobre, c’ici là je vous demande de laisser une chance au club, pas forcément à Claude Puel, mais les joueurs le méritent ! » Il est invectivé de nouveau : « Puel démission, Puel démission ! » Comme après la défaite à Bordeaux, Aulas lâche du lest : « je ne sais pas si Claude Puel est l’homme de la situation, mais je n’ai pas de solution ! ». Un leader des Bad Gones reprend alors le micro pour signifier au président de l’OL que le groupe a pris acte de sa position mais ne sera satisfaite qu’avec un départ de l’entraineur. « Je ne peux pas vous garantir que le Virage Nord restera tranquille si Puel ne part pas rapidement. » Les chants reprennent de plus belle, Aulas regarde. D’abord plutôt réticents à l’écouter, les supporters finissent par acclamer Jean Michel Aulas quand celui-ci lance : « vous avez une excellente réputation dans toute l’Europe, ne la gâchez pas comme ça ! On a besoin de vous ! » Comme souvent, le président lyonnais est parvenu à retourner la situation en sa faveur, mais cette scène incroyable est déjà entrée dans l’histoire du club et du derby. Aulas peut repartir tandis que la tribune scande son nom.