Lyon Mag : Ça vous fait quoi de finir votre tournée à Villefranche, votre ville natale ?
Benjamin Biolay : C’est quand même assez émouvant. Pour être honnête, je ne m’y attendais pas. J’avais envie de jouer à Villefranche, mais la date n’avait pas été intégrée dans le plan de tournée. J’ai trouvé ça un peu dommage de ne pas jouer dans ma ville natale. Finalement, ce sera ma toute dernière date. Ca me fout les jetons, plus que faire le Casino de Paris. C’est l’endroit le moins neutre pour moi. Mais on avait envie de le faire. Avec les infrastructures, la possibilité de le faire à Parc Expo, on s’est dit que c’était le moment ou jamais.
Conférence de presse, réception à la mairie, votre retour est plutôt bien accueilli ?
J’ai beaucoup aimé passer à la mairie. J’ai été reçu dans la salle où ma soeur s’est mariée. Le maire me connait depuis que je suis tout petit. Plus jeune, j’ai beaucoup participé à la vie associative locale, musicale. J’ai l’impression d’être à la maison, mais pas forcément de rentrer comme si j’avais gagné le Paris-Dakar. Ca ne me retourne pas le cerveau non plus. C’est très émouvant et très sympa.
« Le spectacle durera deux heures et demie... si on ne lasse pas les gens ! »
Avant cette dernière caladoise, vous donnez deux concerts à Mexico et à Buenos Aires. Comment expliquez-vous ce succès si lointain ?
Je ne sais pas. Quand j’y suis allé la première fois, je pensais vraiment jouer devant cent expats français ou des gens de l’ambassade. Quand j’ai vu les 4 000 spectateurs, je me suis dit qu’il s’était passé un truc que je n’ai même pas pu supputer, et qui est impossible à imaginer quand on chante en français. Quand je me ballade dans la rue, certaines personnes m’interpellent, « Biolay ! », avec l’accent. C’est très étonnant. Mais ce sont de gros malades de culture française. Charles Aznavour fait 30 000 entrées là-bas. A Paris, il fait 20 000. C’est dire si c’est énorme. Clémenceau disait que l’Argentine était un pays d’avenir, mais qu’il le restera. C’est un pays en développement pour toujours. Cette ébullition, ce dyonisiaque perpétuel... Un peu de Rome, de Paris, de Madrid, beaucoup d’intellectuels. Il y a encore des existentialistes à Buenos Aires, dans les cafés. J’ai vu au festival de Bafici des films d’Alain Guiraudie, avec 4 000 spectateurs. C’est un peu l’élixir de la vieille Europe que l’on fantasme tous.
On vous a vu partager la scène à Fourvière cet été. Le spectacle de Villefranche sera plus conséquent ?
Le spectacle durera au moins deux heures et demie, si on ne lasse pas les gens ! On rentrera de la tournée sud-américaine. On sera plein de bonnes vibrations. Le concert sera plus rentre-dedans. C’est la dernière, le lendemain, plus de concert. Il ne faut pas que j’en ressorte frustré en me disant j’aurai du faire ci ou ça, tel solo, tel morceau. Il faut se lâcher. L’avantage que j’ai, c’est que les cinq autres musiciens ne sont pas de Villefranche. Ils seront moins émotifs que moi avant de monter sur scène.
Le région vous a déjà servi de support de composition : dans l’album Négatif, vous dépeignez Villefranche, dans La Superbe, vous chantez Lyon Presqu’île. Quelle est l’histoire de ces deux morceaux ?
Pour la chanson sur Villefranche, j’ai figé le jour de mon départ. Je me suis barré à 14 ans, en me disant « je pars à Lyon, la musique, c’est là-bas. » C’est une chanson assez naïve, assez candide. Elle est vue à travers le prisme d’un enfant de 14 ans. La chanson sur Lyon, je l’ai composé à Bruxelles au petit matin. J’ai fait une musique. Ça m’a rappelé Lyon, et c’est parti comme un petit film. C’était un désir impérieux de parler de cet endroit. Mais pour moi, ces deux lieux ne sont pas vraiment distincts.
Benjamin Biolay dans les rues de Villefranche, anonyme
« A long terme, j’aimerais me tourner vers la réalisation »
Quel regard portez-vous sur votre ville natale ?
Quand on est jeune, on pense à s’arracher. C’est pas Disney World. C’est la sous-préfecture de province. Mais tu fais trois kilomètres à pied, et tu es parmi un des plus beaux décors de la terre. Le Beaujolais, en automne, c’est un truc de fou. Moi j’aime quand les gens me parlent comme ça de ma région. Quand ils y sont allés, se sont émerveillés de sa beauté. C’est indissociable de moi. Et si demain je trouve un petit môme à Villefranche qui fait une musique qui déchire, je l’aiderais plus qu’un petit môme de Lille. C’est con. Si c’est un petit merdeux d’ici, comme moi, qui a grandi au même endroit, qui fait un truc bien, j’aurais forcément envie de l’aider.
En ouvrant, par exemple, la première partie de votre scène à un groupe local...
On a fait un appel à candidature. On a reçu des trucs épatants. Je pense d’ailleurs que c’est quelqu’un d’ici qui va le faire. J’aime bien l’idée de transmission de flambeau, même si c’est un grand mot. Moi, quand j’ai commencé avec l’affaire Luis Trio, le chanteur m’a transmis des choses, que Kent lui avait transmis... Et ainsi de suite. On se passe passe le relais. C’est la musique de notre coin. On est d’ici. Après, on fait des télés à Paris comme tout le monde. Mais les Lyonnais, c’était quelque chose. Il y a un nombre de groupes qui ont marqué l’histoire.
Vous vous faites également plus pressant au cinéma...
J’ai tourné pas mal de films qui vont sortir. J’ai eu des propositions intéressantes. L’année prochaine, je privilégierai plus le cinéma. La composition aussi. Mais ça, ça se fait à la maison. A long terme, j’avoue que j’aimerais bien réaliser. Mais dans le coin, il y a déjà Gaël Morel et Raymond Depardon. Ce sera difficile ! J’aime beaucoup les deux. J’ai énormément d’admiration pour Depardon que je n’ai croisé qu’une fois dans ma vie mais qui m’a vraiment impressionné. C’est un Monsieur.
Une promotion est-elle prévue pour la sortie du DVD de votre tournée La Superbe le 29 novembre ?
Je n’y participe pas trop. Il ne faut pas aller faire de la retape quand tu vends un disque. C’est un peu abuser les gens. Mon album est sorti il y a un an. J’ai beaucoup de chance, beaucoup de gens l’ont acheté. Je ne vais non plus leur faire miroiter que le DVD, c’est Elton John à Wembley. C’est juste mon concert au casino de Paris. J’en suis très content. Il faut que les gens aient envie de le voir ou de le revivre. Mais il ne faut pas faire une retape de malade, comme si tu vendais des chansons originales.
C'est une joie de vous lire, c'est une joie de vous écouter parler, chanter... un grand merci pour ce Monsieur qui saiit rester humble, c'est tellement rare de nos jours. un grand merci Mr Biolay
Signaler RépondreFranchement, j'ai hâte de voir ce que cela pourra donner. A lire l'interview, Benjamin est un gars de chez nous, simple, objectif, admiratif de la beauté de nos territoires. Dire que certains voudraient le faire passer pour je ne sais quoi....
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