Lyon Mag : En quoi consiste cette introduction de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels ?
Me Molin : Il s’agirait, pour certaines affaires, d’associer des jurés à des magistrats professionnels pour juger des affaires normalement jugées par les tribunaux correctionnels, en formation collégiale de trois juges. On remplacerait les deux assesseurs du Président par des jurés. Ces jurés deviendrait des citoyens assesseurs.
Envisagez-vous sereinement ce changement de modèle ?
On ne sait pas très bien à qui l’on va faire appel pour cette réforme. Elle nécessitera des moyens humains importants. Comment ces jurés vont-ils être rémunérés, formés ? Juger, c’est un métier. Nous n’avons pas encore de réponses. Nous, avocats, sommes habitués à plaider devant des jurés lorsque nous sommes devant des cours d’assises, qui comptent neuf jurés et trois magistrats professionnels.
Quel écho a cette réforme dans vos professions ?
Elle peut être interprétée comme un signe de défiance à l’égard des magistrats. C’est une façon de leur dire que la justice qu’ils rendent actuellement n’est pas satisfaisante, qu’ils doivent désormais se placer sous le contrôle des citoyens.
A cet égard, c’est une approche qui peut être très sérieusement contestée. La justice est rendue par des magistrats professionnels en correctionnelle. Qu’est-ce que cette réforme va donner ? L’avenir le dira. J’ai cru comprendre que l’objectif était d’alourdir ou aggraver des peines que d’aucun aurait jugé insuffisantes. Je ne suis pas du tout persuadé que cela soit le cas.
Croyez-vous cette réforme utile ?
C’est une réforme qui est faite dans l’urgence, et donne une image d’impréparation et d’improvisation. J’ai assez de mal à voir ce qu’elle pourra donner en pratique.
Plaiderez-vous de la même façon devant des jurés que devant des magistrats professionnels ?
Il y aura forcément, dans la plaidoirie de l’avocat, une adaptation. D’habitude, en correctionnelle, nous parlons à des magistrats professionnels, à des techniciens, qui sont au fait des lois, des règles de procédures, et de l’appréciation d’un dossier. Il faudra faire oeuvre de pédagogie. Nous allons nous adresser à des hommes et des femmes de tous âges et tous horizons qui ne sont pas des juristes. C’est un exercice que nous connaissons puisque nous le pratiquons devant les Cours d’Assises. Cela ne nous pose pas de difficultés.
Eu égard au rythme des affaires jugées au tribunal correctionnel, qui passe parfois pour une usine à gaz, pensez-vous que les jurés auront le temps d’être formés à l’exercice du droit ?
En Cour d’Assises, il y a des sessions de formation, des entretiens préalables. Les jurés ne sont pas catapultés du jour au lendemain. Quelle sera l’architecture proposée pour la correctionnelle ? C’est un vrai débat et une vraie interrogation. La justice est rendue au nom du peuple français, mais juger est un métier. En correctionnelle, vous pouvez avoir dix à quinze affaires en une après-midi. Comment les jurés vont l’apprécier, et appréhender les situations particulières ? Il nous appartiendra, nous avocats, de leur expliquer que la justice se rend au regard d’une accusation et d’un défense, et qu’elle doit s’efforcer d’être juste.
Craignez-vous que le juge s’efface petit à petit au profit de ces jurys populaires ?
Le vraie question sera la place de ces jurés dans le processus de décision. Seront-ils décisionnaires ? Le Président aura-t-il une primauté sur l’approche d’un dossier ? C’est la question que cette réforme pose.
Mercredi 13 Avril 2011 à 12h47
Tribunal correctionnel : les jurés populaires loin de faire l’unanimité
Le projet de loi pour introduire un jury populaire en correctionnelle est présenté ce mercredi en conseil des ministres. Produit de commande du président Sarkozy, les jurés populaires suscitent aux mieux les interrogations, au pire les réserves, des professionnels du droit. Eymeric Molin, avocat au barreau de Lyon, a accepté de faire le point avec Lyon Mag sur cette nouvelle direction prise par la justice française.
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Malheureusement tout depuis ces 4 dernières années est fait dans l'urgence, ce qui donne l'impression que l'on veut casser plutôt que construire. l'urgence depuis 2007 : que surtout plus personne ne puisse s'y retrouver. si personne ou presque n'est vraiment content de ce qui se passe , on voit mal comment" les" candidats de l' UMP peuvent encore viser 2012! Aux urnes, Citoyens!
Signaler RépondreOn pourrait juger plus sérieusement certaines personnes: http://fr.news.yahoo.com/67/20110413/ten-sophia-aram-sa-mre-inquite-par-la-ju-3f728ab.html
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