Quoi qu'il en soit, la soirée est nappée de la promesse d'un florilège
de convives et de mets fins autour de vos hôtes des plus raffinés.
Mais
soudain, tel Titus dans l'attente obligée de l'annonce de sa rupture à
Bérénice, l'angoisse vous étreint de sa main sourde. Ses effluves
oppressent votre poitrine de leurs copeaux d'un noirâtre semblable au
cœur d'un huissier de Charles Dickens ou de Laurence Parisot. Votre
souffle devient subitement court.
Dans cette assemblée de
remarquables, comment procéder donc pour se distinguer, comment
paraitre, comment ressortir du lot des présents aux agapes ?
Certes
vous avez, vous aussi, vos teintures de culture. Vous avez lu quelques
Que sais-je? sur l'agriculture marxiste en Pologne dans les années 50 ou
encore un Windows95 pour les Nuls. Certes vous avez parcouru aussi
quelques Georges Pérec, ne finissant toutefois pas davantage que son
auteur l'ouvrage intitulé 53 jours. Et certes, cerise sur le gâteau,
vous connaissez la différence entre Yves et Naomi Klein.
Mais, tout
de même, vous avez peur que toutes ces précieuses connaissances fassent
fort pâle figure devant les brillantes anecdotes du banquier sur les
coutumes si typiques des habitants des Iles Caïman ou encore face aux
piquantes saillies philosophiques de l'architecte, revenu tout bronzé de
Caracas où il a pris un cours sur Trotski, Groucho Marx et Fidel Castro
en compagnie de quelques beautés locales rappelant les singuliers
succès du socialisme vénézuélien en matière d'esthétisme féminine.
Vraiment vous êtes inquiet de rester sur la touche...
Alors faut-il annuler ? Renoncer à la fête, aux amis, aux fromages affinés de Chez Mons ou de l'Art des Choix ? Non évidemment.
Alors
faut-il vous rendre chez quelque bouquinistes et, entre deux Phillipe
Dijan fanés et 3 SAS au papier douteux, tenter de vous procurer L'Art de
se Faire des Amis de Dale Carnegie ?
Oubliez, il y a plus simple.
Annoncez à l'assemblée que vous
allez voter pour Marine Le Pen. Fort et à haute voix. N'hésitez pas.
Prenez un air bravache du genre "Oui j'ai beaucoup souffert de mes
convictions mais j'assume avec courage car il est temps". Les
conversations périphériques sur des sujets futiles tels que la crise
financière ou l'épidémie de choléra au Tchad seront étouffées
d'elles-mêmes.
J'oubliais: peu importe bien évidemment que vous ayez l'intention réelle de le faire.
Un petit cercle de curieux se formera autour de vous. Oh certes, un hostile vous fera remarquer sans doute que ce n'est pas la division qui fait progresser un pays, que le FN est souvent un club de gros racistes bas de plafond. Ne vous inquiétez pas, l'importun sera vite rabroué par des "ouais stigmatiser le FN avec le racisme, c'est trop nul! Et puis toi tu lis bien BHL!" très tendances actuellement.
Prétendez ensuite, même si votre dernier engagement remonte au club de handball de l'école primaire, être un déçu de quelque chose. Peu importe de quoi: la droite, la gauche, la cause du Timor Oriental, Pipa Middleton etc..., l'important est d'être gravement désappointé. Cela vous donnera une profondeur et il n'est pas exclu que vous obteniez une nouvelle occasion de conclure avec la petite blonde craquante au fond, qui trouvera sans doute charmant votre côté engagé-qui-n'a-pas-peur-mais-recèle -des-blessures-dans-son-cœur.
Faites aussi bien attention à bien préciser que "vous n'êtes pas raciste mais y'a des abus". Si on vous demande lesquels, vous direz que vous vous comprenez et que vous ne voulez pas gâcher la soirée. On vous tiendra gré d'être si urbain. Au pire si on insiste, transformez dans vos anecdotes le couple d'instituteurs gays en-dessous de chez vous en famille polygame musulmane avec 34 enfants qui passe sa journée à sacrifier des moutons acheté avec des allocations tout en en montant des bombes. Comme Marine, parler de fiction vous évitera de passer pour ennuyeux en parlant de solutions concrètes sur le chômage ou de rompre les vrais problèmes de communautarisme, ethniques ou religieux que l'on peut croiser dans le pays et qui gâcheraient la dégustation ce si merveilleux Nuits-Saint-Georges.
Ah et enfin, surtout n'oubliez pas, parlez au nom du peuple, du vrai. Certes celui-ci ne vous a absolument rien demandé, certes il ignore complètement votre existence et certes il est pour le moins douteux que son avis soit unanime. Mais ce n'est pas grave. Vous reprendrez bien un peu de Chablis ?
Peu importe aussi que les quartiers où il habite ce fameux peuple dans l'agglomération lyonnaise soient généralement aussi à gauche qu'une réunion de lecteurs des Inrocks. Ou que le dernier Smicard que vous ayez vu soit le type qui vous tenait la porte chez Nespresso. Vous incarnez ce soir le bon sens populaire. Si. Le vrai. Ah et peu importe que vous soyez en train de l'insulter en le réduisant à des poncifs, à des clichés, que vous confondiez populaire et vulgaire et que vous le fassiez en référence à une riche héritière née avec une cuillère en argent dans la bouche. Non, ne partons pas dans des billevesées sociologiques et reprenez plutôt un peu de Monbazillac, on est là pour s'amuser dans cette soirée. N'hésitez pas à en rajouter et à traiter toute médisance vis à vis des œuvres de Marc Lévy et tout auditeur de jazz ou d'électro (ou pire de Yannick Noah !) de petit con élitiste. Il ne vous en respectera que plus en allant même vous chercher une seconde assiette de makis du Yamamori avant de boire à la source de vos propos si du vrai de vrai peuple.
Vous rentrerez chez vous satisfait, auréolé du souffre du bad boy, peut-être avec au bras une demoiselle frétillante de goûter au fruit dissident. Vous aurez le portefeuille bourré de cartes de visite de gens désireux de vous avoir pour un brunch, parmi leurs convives. Un authentique frontiste-réac qui représente si bien la vraie colère populaire et qui n'aime pas ce qui est trop bronzé mais sans exagérer quand même. Elle n’est pas belle la vie en Marine ? Et si vous voilà submergé par une inextricable envie d'être utile à votre pays, rassurez-vous, vous pourrez toujours vous rabattre sur Hollande ou Sarkozy (avec une préférence marquée pour le premier cité). Du boudoir à l’isoloir, vous aurez d’ici-là perdu les attributs poisseux de votre mondanité.
Retrouvez également les billets de Romain Blachier sur son blog Lyonnitude.
bonne expérience du diner mondain
Signaler RépondreMoi lorsque j'annonce, dès l'apéro, que je vais voter pour Marine LE PEN , les gens sont sympas et me disent qu'ils ont déjà décidé de le faire aussi. Alors On se ressert un verre de Meursault ou de saint Joseph et la soirée est encore plus belle ...Nos rêves sont déjà pour le soir du 22 Avril, dans quelques semaines !
Signaler Répondre"Annoncez à l'assemblée que vous allez voter pour Marine Le Pen" ou autorisez-vous un prout...ça raccourira sensiblement votre narration sans en altérer l'indéniable intérêt.
Signaler RépondrePasTouchable
soufre ça prend un "f"; vous devriez dire que vous lisez soral et que vous aimez bien Dieudonné, ça serait plus courageux
Signaler RépondreYé.....
Signaler RépondreACH.....
Signaler Répondre@Romain. Ce n'est pas ton meilleur article et j'ai l'euphémisme guilleret...
Signaler RépondreAh madame Caussin-Bellon nous ressort ses commentaires sous divers pseudos (à part l'authentique et le seul Jm)
Signaler RépondreVive les cochonnailles! Merci de m'avoir lu et des nombreux retours positifs sur la toile.
Romain qui nous fait du Beigbeder mondain maudit alors qu'il est plus proche de Frère Tuck bière à la main et rondouillard. Mais tout n'est pas faux dans l'approche même si il ne comprend pas que si ce discours de Marine passe tant dans ce contexte bobo, c'est qu'il est tellement de gauche populaire. La solidarité des pauvres face aux riches, du peuple face à la menace surtout si elle n'est pas identifiée mais fait souffrir. Fin XIXe, des ouvriers organisaient des vêpres marseillaises puis lyonnaises à la Guillotière pour chasser les italiens voleur d'emploi dont la venue étaient parait-il favorisée par les patrons ou le complot du monde de la finance. Tellement de gauche.
Signaler RépondreUn article pas cochon, roboratif, à l'ancienne. C'est un plat qui ne mérite pas d'être resservi car il pèse quand même sur l'estomac.
Signaler RépondreC'est de l'art ou du cochon cet édito ?
Signaler Répondre@Gratton. Il est de la cochonnaille noble, savoureuse et sans graisse excessive mais on ne la sert pas partout.
Signaler RépondreC'est lourdingue comme style... Et quel est le sens de ce billet gras comme une plâtrée de cochonaille ?
Signaler Répondremessieurs les censeurs, bonsoir
Signaler Répondremoi ce mec il me fait peur
Signaler RépondreOn dirait du Romain Blachier.
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