Le café gourmand ! Ne rions pas, penser le café gourmand est une sociologie politique en soit.
"Fromage ou dessert ?"
L'expression qui marquait partout à Lyon il y a quelques années
l'amorçage des fins de repas tombe progressivement en désuétude dans
notre pays et au sein de notre cité. Elle est remplacée de plus en plus par un simple "dessert ou Saint-Marcellin?", interrogatif, auquel la bienséance commande de plus en plus de répondre par la négative.
On mélange de plus en plus sur la carte les fromages et les desserts, en
un nivellement qui marquerait presque un régime (j'emploie le mot à dessein)
de parti unique. Il ne faudrait pas, tout de même, qu'un rustre malotru
se gave !
Prendre les deux plaisirs du fromage et du dessert, n'en
laisser aucun et commencer par le demi Saint-Marcellin coulant à la
cuillère, conclure par une tarte tatin, vous classe aujourd'hui dans la
catégorie des jouisseurs, des gourmands, des futurs abonnés à
l'infarctus. Vous incarnez à la fois par votre gourmandise les cents
jours de Sodome et Gomorrhe et la chute de l'Empire Romain. Imaginez que
vous soyez un extrémiste du too much
du déjeuner, que vous tripliez la faute par le digestif du patron. Vous
risquez le classement en gras, en pas séduisant, l'inactivité
honteusement non productive, bref le malsain. Horrible individu baignant
dans l'absence de rigueur, vous voilà de la facture des Néron modernes.
Non, dans notre monde de 2012, celui qui veut faire croire,
parfois en opposition à la réalité, qu'il est du monde des battants, ne
prend pas de dessert. Ni de fromage.
Juste un café.
Le repas est une partition harmonieuse qui se doit d'être conclue
désormais uniquement par un breuvage de Colombie, du Brésil, ou plus
chic de Jamaïque. Le café vous pose dans le monde joyeux du dynamisme.
Il marque la nécessité pour celui qui le prend d'être actif, productif
et créatif l'après-midi. Pouvant être consommé rapidement, il a
l'avantage d'être le marqueur des gens qui vivent à toute vitesse.
Même quand en réalité son consommateur va passer l'après-midi devant
les programmations ébouriffantes de France 3 sur un canapé et que vous
qui vous êtes empiffré dans le respect de vos limites, vous allez
remporter, avec votre bonne humeur repue, le contrat chèrement désiré
par votre boite.
Il est vrai que le café est utile socialement. Quand
je dis socialement, je parle bien sûr des conventions sociales et non
point des conditions de travail, celles des planteurs de cafés étant
parfois d'un niveau d'agrément n'ayant rien à envier aux esclaves des
manufactures qui fabriquent les Iphones. Le café permet de finir une
conversation entamée pendant le plat de résistance tout en gardant le
potentiel de pouvoir prendre congé rapidement en cas d'ennui subit vis-à-vis de son co-déjeuneur ou de nécessité de sieste réparatrice
post-agapes due au coup de pompe post-déjeunatoire.
Le dessert, lui, laissé de côté, considéré comme cher, calorique, long,
se traînait lamentablement vers les oubliettes de l'histoire, seulement honoré de temps à autres par de ventripotents amants à teint vermeil ou à des gourmandes ayant souffert à coup de salades vertes sans sauces pour pouvoir se blottir sans trop de honte dans un moelleux au chocolat.
Heureusement, un lifting joyeux a permis aux gâteaux et autres fondants
de retrouver le lustre et le désir du plus grand nombre, gent féminine y
compris. Le café gourmand,
synthèse des deux univers, était né. La possibilité d’être efficace en
prenant du plaisir. L’objet consiste en une tasse d’un peu du célèbre
breuvage caféiné entouré de quelques petites gâteaux, de quoi goûter,
essayer sans se marquer ni s'engager. Symbole à la fois d'une douceur de
vivre et d'une maîtrise productive de soi, il a des arômes
sociales-démocrates assumées, même s'il faut éviter de l’enfermer dans
un tiroir, au risque de salir le meuble ainsi rempli.
Le café gourmand incarne surtout, au-delà de tout clivage politique, la
possibilité de prendre du plaisir sans passer pour un orgiaque décadent.
D’ailleurs l'enterrement définitif du choix cornélien est sonné: on a
plus à trancher entre tatin et crème brûlée (le nom de ce dernier étant à
prononcer avec un horrible accent californien pour faire plus chic). Le
café gourmand, malgré des défaut, est un objet rassembleur et
efficace dans un monde de Claude Guéant et de Marine Le Pen. Bref le
café gourmand est un outil de sociologie politique.
Retrouvez tous les billets de Romain Blachier sur son blog Lyonnitude(s).
Vu la sacralisation du café, ils n'ont font pas tout un fromage sur l'empreinte carbone du café consommé en masse tout les jours sans compter les répercussions sur la santé (malgré que certains en vanteront les bienfaits) mais c'est sans compter sur les additions, hypertension mais surtout stress qu'il y a derrière qui n'est diagnostiqué...
Signaler RépondreLes clients seront servis, avec le nom et le surnom du candidat présidentiel du grand bon en arrière, c'est Fromage ET Dessert.
Signaler RépondreMélenchon et Joly au menu du café gourmand d'Hollande... Ça promet...
Signaler RépondreBonjour Romain, belle mise en abîme du politique ! Sympa !
Signaler RépondreTrès joli et inspiré billet !
Signaler RépondreLa mode, jamais lasse de faire l'actualité nous conduit aujourd'hui vers le "deuxième café" appuyant le premier pris "comme dessert"... Il est donc temps pour les épicuriens en lutte de créer le café coulant, accompagné dans une longue assiette du 1/4 de saint marcellin, du cube de beaufort et d'un petit rond de serviette de baguette,
restaurant ainsi sur le mode de l'échantillon la complétude du repas d'antan...
Et dans votre café gourmand, y'a un mini-saint-marcellin?
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