Le rendez-vous était fixé à 7h45 entre le stade de Gerland et le Palais des Sports. Dès 7h15, les premiers sympathisants se retrouvent sur le trottoir en face du stade. "C’est ici pour Mélenchon ?" demande un jeune homme qui lit le Manifeste du Parti Communiste. Il faut dire que ceux qui se sont inscrits auprès du Front de Gauche du Rhône ne sont pas les seuls dans le secteur. De l’autre côté de l’avenue Jean Jaurès, des centaines de supporters de l’OL commencent à se masser en attendant les bus qui les mèneront au Stade de France pour la finale de la Coupe de la Ligue entre Lyon et… Marseille. Les trois autocars affrétés par la fédération rhodanienne arrivent enfin. Les responsables procèdent à l’appel, chacun monte dans son bus. Dans le car numéro 1 comme dans les autres, avant de partir, les passagers scotchent consciencieusement des affiches de Mélenchon et du Front de Gauche aux vitres et sur le pare-brise arrière. "Le visage de Jean-Luc collé sous l’issue de secours, c’est un vrai symbole" s’enthousiasme un militant fier de son emplacement. Certains supporters de l’OL applaudissent du coup le départ, donné à 8h par Eleni Ferlet, candidate du Front de Gauche pour les législatives de juin dans la 3e circonscription du Rhône.
A l’arrière du bus numéro 1, deux jeunes femmes et un jeune homme tentent de finir leur nuit. A l’avant, un couple plus âgé revêt les bonnets phrygiens qui ont déjà servi pour le rassemblement de la place de la Bastille à Paris le 18 mars. "Je suis content de venir cette fois encore, à la Bastille j’avais adoré !" lance Christian, un éducateur de rue de Vaulx-en-Velin à la retraite. Après une première pause pipi qui permet à des bus de la Drôme de rejoindre le convoi, les 3 bus lyonnais font halte sur l’aire de Montélimar. Les sympathisants se dégourdissent les jambes, échangent autour d’un café et discutent avec d’autres Lyonnais supporters du LOU en route eux vers Montpellier pour le Top 14. Les programmes du Front de Gauche, vendus 2 Euros, s'arrachent.
Le paysage commence à changer. Vers 11h, le convoi arrive en Provence, il fait beau, les roches saillantes bordent l’autoroute, puis se dessine l’étang de Berre et ses raffineries, et enfin le port de Marseille, couronné par la Bonne-Mère. Tout le monde regarde les rues, s’extasie devant le linge qui pend aux fenêtres, s’amuse des coucous timides des Marseillais et constate que le rassemblement a été plus qu’affiché en ville. Premier contact avec les autres participants durant la traversée de la place Castellane, où plus aucune chaise en terrasse n’est libre. Le rendez-vous doit se faire sur le rond-point du Prado, tout proche du Stade Vélodrome, mais il y a là des travaux. Le bus dépose donc ses passagers sur l’avenue du Prado. "Il fait beau, on n’est pas bien là !", hurle un local en saluant les Lyonnais qui se parent de leurs lunettes de soleil. Le groupe du Rhône commence à se disperser sur la large avenue bordée d’arbres sur laquelle les salariés d’une usine Lipton menacée de fermeture près de Marseille manifestent déjà. Eleni Ferlet et une dizaine d’autres décident d’aller acheter un sandwich. Ils le mangent à une terrasse de la rue Paradis, avec une bière, en regardant le défilé où déjà les premiers fumigènes sont craqués. "C’est fou, à chaque réunion que l’on fait au parti il y a à chaque fois 10 nouveaux venus. Il se passe un truc, les gens commencent à comprendre que cela ne peut plus durer comme ça, ils veulent du changement", raconte Eric, un militant de Villeurbanne. "On sent vraiment l’engouement populaire qui manquait à la Gauche", poursuit Claude, lui aussi de Villeurbanne. Après la pause, difficile de garder le contact avec le groupe, car la foule commence à être dense, notamment à l’approche de la statue du David qui clôt l’avenue, une statue recouverte de banderoles sur laquelle un homme danse drapeaux à la main.
Les Lyonnais arrivent finalement sur la plage du Prado, séparé du front de mer par une étendue d’herbe. Un groupe est déjà sur l’estrade et fait patienter l’assistance en musique. Beaucoup vont voir la mer, à une centaine de mètres de là, certains s’allongent sur l’herbe, d’autres, déjà, agitent des drapeaux en tous sens. L’attente, qui durera près de deux heures, est comblée par de petits films présentant la vision de la dette par le Front de Gauche, l’action des banques et l’idée d’une 6e République. La porte parole de Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain, prend ensuite la parole pour chauffer l’assemblée qui est regroupée devant l’estrade et massée derrière les 3 écrans géants installés sur le site. C’est ensuite au tour de Pierre Laurent de prendre la parole. Le secrétaire nationale du PCF est très véhément, il remporte un franc succès auprès de la foule, mais ce n’est rien par rapport à la clameur qui monte quand l’animatrice du Front de Gauche annonce que 120 000 personnes sont présentes (chiffre impossible à vérifier car la préfecture de police ne donne pas de chiffres en période électorale). En tout cas sur les écrans, la marée humaine qui emplit la plage est massive.
Jean-Luc Mélenchon arrive alors, ovationné. Dans son discours qui durera une heure et vingt minutes, le tribun fera une déclaration d’amour à la Méditerranée toute proche, fera l’apologie du métissage, raillera ses adversaire qui se mettent eux aussi à la "mode" du meeting en plein air, attaquera les journalistes avant de déclarer que la presse est un des piliers de la République, et lancera l’idée d’un droit de véto des représentants du personnel sur les licenciements collectifs et les restructurations. Retransmis en direct à la télévision, le discours du "Jaurès des temps modernes" est visionné à Lyon par environ 80 personnes réunies à l’appel du Front de Gauche sur la place Sathonay (1er arrondissement). Comme d’habitude, le meeting se termine par L’Internationale et La Marseillaise reprises par toute la plage dans un magma de drapeaux et autres banderoles brandis par presque tous les 120 000 spectateurs. Les photographes de presse s’en donnent alors à cœur joie depuis leur pool situé en face de l’estrade, coupant la foule en deux.
L’opération retour au bus commence alors pour les Lyonnais, dispersés de part et d’autre du site. "J’ai trouvé Mélenchon un peu moins bon que d’habitude, mais l’important c’est que les gens comprennent qu’il faut en finir avec la finance", réagit Christian qui a retrouvé le bus, stationné parmi des dizaines d’autres devant les sièges des banques de l’avenue du Prado. "J’avais voté pour Bové en 2007, je voterai Mélenchon en 2012". "Moi je n’avais pas pu venir à la Bastille, continue un militant de Brignais venu avec une cravate rouge, mais même si j’ai un peu mal aux jambes à force de piétiner, j’ai trouvé ça très bien."
La Ville de Marseille n’ayant pas jugé opportun de couper la circulation sur l’avenue du Prado, l’écoulement de la foule a pris beaucoup de temps et le départ des bus en a été retardé. Certains Lyonnais avaient prévu le coup et sont rentrés en train (avec plus d’une heure de retard pour le TGV de 20h14), à l’image de ce jeune couple d’amis en seconde classe : "Hollande, Sarkozy, je trouve qu’ils n’ont en fait pas vraiment d’idées. Mélenchon, lui, il a les couilles d’en avoir", explique à son voisin une jeune femme en se lovant dans son drapeau du Parti de Gauche. Les passagers du train, au courant du rassemblement dans leur ville, demandent à ceux sur qui le rouge est visible combien de personnes y ont assisté. Quand on leur répond qu’elles étaient environ 120 000, ils sont à peine surpris, preuve qu’à défaut, peut-être, de passer au second tour, Jean-Luc Mélenchon aura indéniablement été un véritable phénomène de société dans cette campagne.
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Les idées, les promesses, les rêves d'un monde meilleur. En 1917,les russes en avaient pleins.....
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