Le Festival est une vraie parenthèse, de celle qui fait oublier l’actualité politique, la crise économique ou sa vie personnelle. Ici tout est cinéma : on se nourrit de cinéma, on pense cinéma, on ne parle que de cinéma. Derrière la devanture du tapis rouge, que l’on expose chaque soir à la télé, se dissimule un palais gigantesque où plus de vingt mille festivaliers accrédités se croisent chaque jour, dans les escalators et les coursives, les files d’attente des quatre salles qui diffusent des films du matin à tard dans la soirée, ou celles des conférences de presse. Aux différentes sélections en compétition qui sont visionnées par près de 5000 journalistes (soit la deuxième couverture de presse au monde après les jeux olympiques) s’ajoute le marché du film où des centaines de producteurs venus du monde entier tentent de vendre leurs films, négocient leurs sorties, suscitent d’autres projets. On prend conscience sur place de l’importance de l’événement et de son caractère international. Aux commandes de cette grosse machine, il y a un lyonnais, Thierry Frémaux, qui en sa qualité de délégué Général est le véritable patron exécutif du Festival et le responsable de la sélection officielle.
La pression médiatique et artistique de cette grosse machine ne semble pas affecter, en apparence, le directeur de l’Institut Lumière qui demeure d’un abord toujours sympathique, sans distinction entre une superstar et un chroniqueur lyonnais de passage, chose suffisamment rare à notre époque pour qu’elle mérite d’être signalée. L’impression d’ensemble de cette fourmilière évoque donc plus le travail et la passion que le glamour. Celui-ci est naturellement présent à Cannes mais dans d’autres sphères et d’autres lieux qui voisinent avec le Festival, plus qu’ils n’en font partie.
Reste cette fameuse montée des marches, sorte de Triomphe romain contemporain où les guerriers sont remplacés par des acteurs, des actrices et des metteurs en scène, acclamés chaque soir par des milliers de badauds et dont l’image sera démultipliée à travers la planète, le temps de franchir une dizaine de marches tout au plus. C’est une aubade, mieux une marche impériale que le cinéma, sûr de sa puissance mondiale, se joue chaque soir.