Seuls. Par bus, par voiture, à pied. Alors que je délaisse, une fois
n'est pas coutume, mon combo ligne B/bus 36 contre un vélo pour me
rendre au travail ce matin. Je suis dans ces groupes d’humains qui
empruntent chaque matin le pont de la Guillotière.
Parfois ils sont au téléphone, d'autres parlent à leurs voisins ou
lisent distraitement l'un des gratuits. Au fond de ce décor scintille,
quel gentil voisin et compagnon, le pont de l'Université. Pendant
longtemps le passage sur lequel je pédale d'un rythme que j'essaie de
croire léger, fut si esseulé ! Il n'était que par lui la possibilité de
passer le fleuve.
Le Rhône étant deux fois plus large qu'il ne l'est désormais, allant
jusqu'aux abords de l'entrée de la rue de la Guillotière et les moyens
de l'époque n'étant pas ceux d'aujourd'hui, il fallu employer les grands
moyens pour construire l'ancêtre de celui dont il est question ici.
Cela se fit grâce à la volonté des échevins de l'époque mais aussi par
la mauvaise conscience de nos concitoyens. Le Pape en Avignon avait en
effet déclaré que tous ceux qui participeraient au financement de
l'ouvrage bénéficieraient d'indulgences au paradis et de remises de
fautes proportionnelles aux sommes versées. Une forme d'incitation
fiscale divinisée.
Une fois réalisé, il fallait bourse délier pour passer de la fosse aux
ours à Bellecour. Un moyen de financer le pont, une sorte d'avant-garde
de ces péages urbains que l'on voit pousser dans des villes comme
Londres. Mais aussi un moment dramatique lorsqu'un accident de Madame
Servient cause des centaines de morts, certains écrasés contre le poste
de contrôle.
L'édifice voyait passer chaque jour une foule dense et bigarrée. A
l'époque (parfois encore aujourd'hui chez les esprits étroits) la
Guillotière a bien mauvaise réputation. Ses habitants sont régulièrement
dénigrés. Le blogueur Solko rappelle d'ailleurs cette scène
traumatisante de la Gerbe d'Or d'Henri Béraud, où un ouvrier de la
Guillotière se noie devant ses jeunes enfants sans que cela n’amène
d'émotion ni de secours. Mais avant tout le passage est dense. Nizier de
Puispelu dresse un portrait apocalyptique du pont à la fin du XIXe
siècle : "Qu’on pût arriver au bout sans être chapelé, haché, pilé,
broyé, escaché, escharbouillé, écramaillé, c’est un miracle au prix
duquel les apparitions de notre temps sont choses absolument
naturelles."
Le temps a changé depuis Nizier. Pas seulement le pont, qui entre temps fut détruit puis reconstruit par Edouard Herriot.
La géographie urbaine, la densité de passage, la manière de se déplacer,
les styles, les métiers dans lesquels se rendent mes compagnons de pont
(L'auteur aurait bien été en peine de distinguer un content manager
d'une hôtesse de l'air), les femmes qui a l'époque de Nizier jouaient un
rôle considérablement moins grand. Pas besoin d'ailleurs de remonter en
1896 pour voir des changements importants : depuis quelques années, la
voiture est minoritaire dans les moyens de transports utilisés par les
lyonnais pour se rendre au travail. Les bus des TCL n'ont jamais
transporté tant de monde.
Il y a d'ailleurs une prédiction de ces dernières années qui s'est
finalement révélé entièrement fausse, est que nous allions tous basculer
dans le télétravail, œuvrant depuis des pavillons de banlieue de Tarare
ou de Bourgoin. Bêtises ! Si le travail à distance aide dans certaines
tâches ceux qui comme moi cumulent des activités diverses, on ne
supprimera jamais le fait que les gens ont envie de travailler en
commun. La ville permet cela. Que l'on songe que de plus en plus de
free-lance, lassés d'être seuls à travailler chez eux en finissant le
bout de fromage du frigo, se mettent au co-working, ces lieux que l'on
partage entre travailleurs indépendants.
Le travail mais aussi l'opportunité de la ville sont des éléments qui
font que chaque matin, des dizaines de milliers de personnes passent le
pont.
Et celle-ci est de toutes sortes. C'est l'été, parlons donc de
rencontres amoureuses. La ville est pleine d'hommes et de femmes
célibataires qui sont autant d’opportunités de rencontre. On peut
échanger des répliques de Roméo et Juliette dans les escalators,
renverser le café de votre cible et lui proposer de lui en offrir un
autre. Oh combien de tâches d'expresso doivent comporter les robes des
filles les plus courtisées ? Vous pouvez utiliser les sites de
rencontres, entamer la discussion dans une exposition ou dans un bar.
Vous pouvez même (j'imagine que cela se fait encore) offrir un verre à
la personne dont vous désirez faire la plus ample connaissance. Traçant
ainsi un pont entre vous et l'autre, de ces ensembles de pierre mais
aussi de chairs qui font la ville...
Retrouvez tous les billets de Romain Blachier sur son blog Lyonnitude(s).
R.Blachier
Lecture indigeste
Signaler RépondreCe quartier de la Guillotière jadis quartier a l’extérieur de la ville, ou se mêle des gens toutes les conditions sociales, qui c'est embourgeoisé au 19 me siècle, et qui redevient un quartier populaire, d’immigrés de l''est, comme d'Afrique et ou la mendicité a reprise ça place.
Signaler Répondremerci de l'avoir lu !
Signaler RépondreQuel blablahh.....!!!!
Signaler Répondreet vous avez bien raison! Tout comme vous avez raison de me lire et je vous en remercie. A bientot !
Signaler Répondreps: pour ma part jamais reussi à lire une page de Marc Lévy et/ou de Musso. Ai pourtant tenté
Je ne cherche pas fortune, ni financière, ni médiatique, ni politique.
Signaler Répondremerci.cela rapporte d'ailleurs beaucoup à Marc Lévy, plus que d'écrire des commentaires gratuits sous pseudo sur des sites. Merci de me lire.
Signaler RépondreEssayez d'écrire un roman à la Marc Levy, vous avez vos chances.
Signaler Répondre