C'est une évidence. Autant Microsoft est une firme archidominante sur le marché des systémes d'exploitation et de bureautique, autant sa place sur internet et dans les équipements connectés est bien plus relative. Pour prendre un seul exemple au niveau des moteurs de recherche: Google est une montagne à côté de la souris Bing (qui est elle-même une remise en cause du précédent moteur MSN search).
Et si la firme de Bill Gates a connu un temps un succés majeur avec MSN messenger, le connecteur des ados en sortie de lycée et des amants nocturnes est aujourd'hui largement supplanté par le module de tchat de Facebook, aujourd'hui stable et rapide après des débuts un peu chaotiques.
Restaient alors parmi les premiers de la classe, le navigateur Internet Explorer et puis Hotmail. Le premier est distancé depuis un certain temps par Firefox, qui venge ainsi son défunt ancêtre Netscape et s'est même vu passer devant depuis deux mois par Chrome. Microsoft en est même à monter des partenariats avec Mozilla. Sans vouloir en rajouter, faut-il rappeler qu'au contraire généralement de ses concurrents, Explorer est presque toujours installé d'emblée sur les configurations PC ?
Restait une seule médaille d'or pour le géant de Redmond: Hotmail. Un hébergeur de boites mails inégalé depuis des années en termes de nombre d'utilisateurs.
Malgré des défauts multiples et ne datant pas d'hier.
En 2000, je me souviens avec quelques amis avoir tenté un expérience: nous avions ouvert une dizaine de boites mails sans envoyer un seul message, juste afin de voir laquelle allait générer le plus de pub en direction de ses utilisateurs. Hotmail était arrivé très loin devant. D'autres pointaient les failles de sécurité ou encore une évolution technologique faible. Des pays comme la France lui préfèrent Caramail, du temps de sa splendeur. Qu'importe, de part sa simplicité d'utilisation et la puissance de feu de Microsoft, la messagerie réussit à s'imposer largement.
Et puis surtout une idée simple, qu'on enseigne à tous nos étudiants en marketing internet, celui d'un concept révolutionnaire à l'époque et largement copié depuis: le lien de la marque en bas de page des e-mails afin de propager chez le récepteur l'envie d'en savoir plus et de s'inscrire à son tour chez Hotmail.
Jusqu'au mois passé, Microsoft disposait d'un leader dans les services majeurs du web. Elle avait une image d'une messagerie, certes pas à la pointe de la nouveauté, mais grand public et cool. Pour ma part, j'incluais la messagerie de Bill Gates dans les exemples que je donnais à mes étudiants sur le fait que ne pas être le plus avancé technologiquement n'empêchait pas d'être en bonne position si on arrivait à être mainstream (l'exemple marche aussi pour Twitter) mais je voyais bien que Gmail, autrefois marginalisé, montait à toute vitesse en termes d'utilisateurs.
Depuis juin c'est officiel: Microsoft n'a donc plus de numéro un sur le net dans les services majeurs puisque la messagerie de Google a désormais pris la tête.
Hier, la société fondée par Gates a donc annoncé que Hotmail prendrait le nom de son logiciel de messagerie: Outlook. Ce dernier est largement leader du secteur, malgré des alternatives libres et tout aussi performantes que Thunderbird. C'est du sérieux, du solide, du dominant sur le marché. On annonce des innovations fortes, des connexions mails/réseaux sociaux et une évolution de l'expérience des mails.
Mais il faudra unifier deux identités distinctes: Outlook, un outil austère, qui a finalement assez peu évolué dans ses usages d'abord destiné à un usage dans le cadre professionnel, et Hotmail, une messagerie loisir et grand public. Et il faudra, en plus, donner une image novatrice à ce mariage, identité que ne possèdent plus depuis longtemps aucun des deux conjoints qui viennent de célébrer leurs noces de raison. Un gros défi.
Retrouvez tous les billets de Romain Blachier sur son blog Lyonnitude(s).