Pourtant j’y suis allé. Parce que c’est Lumière, parce que c’est Burton,
parce que c’était la seule avant-première du Festival. Pour moi, c’est
ce qui fait la richesse d’un festival. En 2011, The Artist avait été un
triomphe, le choix était culotté mais gagnant pour Thierry Frémaux. En
2012, la projection du dernier Tim Burton était tout aussi alléchante. A
force de sortir un film par an, le réalisateur gâchait son talent. Ce
retour au dessin animé, aux racines de son style à travers une histoire
qu’il avait déjà traitée en 1984 dans un court était l’occasion rêvée de
réapprécier son travail.
Muni de mon badge presse, je fends la foule de badauds, aussi perdue
que moi. Squatter les avant-premières avec mes pairs, je savais faire.
Me mêler avec les civils, jamais ; mais l’idée me plaisait assez. Présenter
son badge et se voir ouvrir les portes est une expérience assez
flatteuse pour mon pauvre ego.
J’alpague donc la première hôtesse vêtue
aux couleurs du festival pour lui demander comment, moi, journaliste,
procède-je pour aller voir Frankenweenie de Tim Burton. "Vous vous
présentez devant la salle avec votre badge", me répond-elle sans
hésitation. Joie en moi, le petit regard à la longue queue à la
billetterie accentue mon sadisme. J’aurais presque envie d’agiter mon
badge et de faire une danse tout droit sortie de Little Miss Sunshine.
Je me retiens, et je fais bien. J’arrive devant une nouvelle hôtesse,
celle par qui les malheurs commencèrent. "Z’avez vos lunettes 3D ?",
me questionne-t-elle. Merde, non, c’était pas marqué sur le programme
que j’avais soigneusement téléchargé en pdf et vérifié avant de partir.
Bon, payer 1 euro, c’est
bien peu en contrepartie de la place gratuite qui m’attend dans la salle
2 du Pathé. Je slalome entre deux, trois mioches, les bras fournis de
pop-corn et boissons obésifiantes. "Barrez-vous cons de mimes, c’est la
Presse". Mon précieux pécule versé à Jérôme Seydoux, je me heurte à un
nouveau mur, euh, hôtesse. "Excusez moi, mais il vous faut un billet
pour rentrer. Vous savez ce même billet dont vous n’aviez pas besoin
cinq minutes plus tôt. Maintenant remballez votre badge et faites la
queue comme tout le monde". Le tout dit fort gentiment, mais c'est ce que mon Moi Intérieur a compris. Je rebrousse donc chemin et m’insère en
fin de file. Sauf que la billetterie ouvre par intermittence, la
caissière étant en relation avec la salle pour savoir s’il reste des
sièges libres.
Le coup de grâce, mon ego, tout mon petit scénario ressassé depuis trois
jours était enterré six pieds sous terre. Et à l’inverse du héros du
film que j’allais voir, il n’allait pas renaître tel un mort-vivant.
J’aurais pourtant voulu vous raconter comment s’était déroulée la seule
avant-première (nationale) du Festival, vous rapporter quelques
impressions de lardons…
Mais je me contenterai de me rattraper avec l’autre (grand) événement de
Lumière selon moi : La Nuit du Chasseur en version remasterisée. Le
premier vrai film d’horreur et pourtant je n’ai peur que d’une chose, de
ce que je vais trouver dimanche, 14h au Pathé Bellecour.
Et si finalement c’était ça la magie du Festival Lumière ? Permettre
aux Lyonnais de goûter à la quintessence du 7e art en faisant la nique
aux journaleux ? Qu’ils paradent à Cannes, dans leurs salles obscures
incestueuses. Ici à Lyon, un badge n’ouvre pas toutes les portes, il
faut simplement aimer le cinéma. Et faire la queue.
Quel scandale! La première hôtesse mérite une soufflante pour avoir osé mentir!
Signaler Répondretexte entrainant et belle référence
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