Philippe Lefebvre, sa plaque et son prix - Lyonmag
La cérémonie a débuté dans la salle du hangar du premier film avec la projection du film de Jacques Deray Par un beau matin d'été, mettant en scène Jean-Paul Belmondo et Sophie Daumier. Sauvagement critiqué à sa sortie en 1965, ce long-métrage dont les dialogues ont été écrits par Michel Audiard est devenu très rare, si rare que même Bertrand Tavernier, le président de l'Institut Lumière, avouait ne l'avoir jamais vu. Il a qualifié de "bonheur d'écriture et de langue" les dialogues d'Audiard, ajoutant que le film ne méritait pas "l'opprobre" dont il a été victime, mais qu'il ne trouvait toutefois pas "son ton", la faute d'après lui à un problème de scénario. Belmondo, fringant, et Daumier, frère et soeur, quittent Nice où ils escroquent des messieurs pour l'Andalousie où ils participent à l'enlèvement d'une riche héritière interprétée par Geraldine Chaplin, mais les choses ne se passent pas exactement comme prévu.
Bertrand Tavernier, qui voyait ce film "pour la 4e fois", a expliqué qu'il s'agissait du "film idéal pour le Prix Jacques Deray, à qui il aurait beaucoup plu". Il a "adoré le travail sur le scénario, très compact et très précis." Pour le réalisateur, "la densité de temps et de lieu" font la qualité de ce film "qui reste très français". "C'est un film qui me touche énormément, un film noir. On est focalisé sur rien d'autre que le boulot du commandant avec tout ce que cela implique. On rentre dans ce monde là, on ne mythifie rien, tout est concret. Cela permet de montrer à quel point le système crée les conditions dans lesquelles un homme peut tomber" a-t-il précisé avant de qualifier de "formidable" l'interprétation des acteurs. Tavernier a tellement apprécié ce film et sa photographie qu'il a décidé de s'offrir les services de son chef opérateur pour Quai d'Orsay, son prochain long-métrage. Il faut dire qu'Une nuit est en partie une histoire vraie puisque le scénariste Philippe Isard a lui même été membre de la mondaine pendant 17 ans. Il a d'ailleurs raconté l'origine d'une des répliques du film ("si t'avais pas peur de mourir tu fumerais pas des Lights"), empruntée à un véritable gangster.
Le réalisateur Philippe Lefebvre s'est dit "très ému et flatté" de l'éloge de Tavernier. Ancien "fêtard", il a expliqué avoir chercher à "passer de l'autre côté du comptoir pour filmer la nuit avec les gens qui la font." Roschdy Zem a quant à lui estimé que ce film ferait partie "des 3 ou 4 films qui marqueront" sa carrière, tandis que Sara Forestier, qui a passé le permis de conduire en un mois et demi pour les besoins du rôle, s'est dite séduite par ce scénario mettant en scène un policier "à l'ancienne", scénario emprunt d'après elle de "nostalgie" pour cet ancien temps.
Ce Prix Jacques Deray a été crée en 2005 pour honorer la mémoire de Jacques Deray, réalisateur lyonnais disparu en 2003 et à qui l'on doit des films tels que La Piscine, Borsalino, Le Marginal ou Rififi à Tokyo et On ne meurt que deux fois. Il récompense depuis un film policier français. Le lauréat de cette année Philippe Lefebvre a d'ailleurs été l'assistant de Jacques Deray sur Borsalino and co en 1974. "Jacques était un réalisateur à l'approche artistique très pointue. J'ai retenu une chose avec lui : il faut prendre de la distance avec les personnages, allonger la focal, ce qui donne une impression de liberté pour les acteurs" a-t-il ajouté. Son équipe a raconté des anecdotes qui impliquaient aussi Jacques Deray. Roschdy Zem a expliqué que quand il était un jeune acteur, il faisait de "faux CV" dans lesquels il se vantait d'avoir tourné dans tous les films de Jean-Paul Belmondo, dont Le Marginal, qu'il avait attribué sur lesdits CV à Henri Verneuil. C'est André Téchiné qui le démasquera en lui rappelant que Le Marginal était l'oeuvre de Deray. Samuel Le Bihan a lui raconté que sa mère était femme de ménage chez des amis de Jacques Deray, qui a un jour "pris le temps" de le recevoir alors qu'il était à l'époque encore débutant.
Philippe Lefebvre pouvait ensuite aller découvrir, comme le veut la tradition à l'Institut, une plaque à son nom sur le mur des cinéastes dans la rue du premier film. Avant d'aller dîner à l'invitation de Thierry Frémaux, "puisqu'on est à Lyon".
Palmarès du Prix Jacques Deray:
2005: 36 Quai des Orfèvres (Olivier Marchal)
2006: De battre mon coeur s'est arrêté (Jacques Audiard)
2007: Ne le dis à personne (Guillaume Canet)
2008: Le deuxième souffle (Alain Corneau)
2009: Le crime est notre affaire (Pascal Thomas)
2010: OSS 117 Rio ne réponde plus (Michel Hazanavicius)
2011: A bout portant (Fred Cavayé)
2012: Polisse (Maïwenn)
2013: Une nuit (Philippe Lefebvre)