"Twitter est véritablement en train de changer les
relations entre citoyens et politiciens. L’exemple récent, c'est le
tchat Direct AN, le direct de l'assemblée nationale. Les gens peuvent
commenter et interagir avec les députés qui sont à l'écran". Comme de
nombreux "twittos" et de citoyens français, Romain Blachier, adjoint
chargé de l’Economie, du Commerce et de l’Artisanat dans le 7e
arrondissement de Lyon et célèbre blogueur lyonnais, n’a pas échappé à
l’engouement autour du débat sur le mariage pour tous. Outre les
désormais célèbres passes d’armes entre Christiane Taubira et les
députés de l’opposition, ce débat a aussi été rythmé par les échanges de
tweets entres élus (parfois même au sein de l’hémicycle). Les députés
lyonnais n’ont d’ailleurs pas été en restes, comme Pierre-Alain Muet,
jamais avare en saillies envers ses collègues UMP…
Une tweet-mania qui
s’invite jusque dans la salle du conseil municipal de Lyon. Thierry
Philip, par exemple n’avait pas résisté à l’envie de poster une photo,
des rangs vides de l’opposition, le soir de la séance du 21 janvier…
Une utilisation différente selon les générations
Aujourd’hui,
un grand nombre d’élus et de politiciens de Lyon possèdent leur compte
Twitter. Un véritable effet de mode à un an des municipales. "Si vous
n’êtes pas sur Twitter, vous êtes un ringard. Si vous êtes un ringard
vous ne pouvez pas être élu. C’est en tout cas ce que pensent les gens", précise Erick Roux de Bézieux, ancien élu de droite à Lyon reconverti
dans la communication.
Twitter est donc "the place to be". Pierre
Hémon, adjoint (EELV) au maire en charge des personnes âgées confirme : "Chez les écolos, on a déjà bien intégré les réseaux sociaux. On ne
risque pas la ringardisation de certains, coincés dans le 20e siècle,
qui arrivent sur Twitter simplement parce qu’il faut y être". Suivre la
tendance peut en effet être risqué.
Tous les élus ne font pas une
utilisation optimale du réseau. Il y a le fameux compte "agenda ",
banal à souhait, qui résume les activités de l’élu. Sur le compte de
Gérard Collomb par exemple, il n’est pas rare de lire "je serai
présent à tel endroit, tel jour, à telle heure". Bruno Gollnisch,
député européen et conseiller régional FN, se contente d’un ou deux
messages quotidiens, renvoyant en général à son blog. D’autres, souvent
sous couvert d’anonymat, sont de véritables spécialistes du "tweet
clash", comme Stéphane Chassignol, chargé de mission de Thierry
Braillard (PRG), dont certains échanges ont créé la polémique… Certains
enfin font part de leurs activités et leurs humeurs tout au long de la
journée. On pense à Sarah Peillon (PS), conseillère régionale, ou encore
Nathalie Perrin-Gilbert, maire (PS) du 1er arrondissement de Lyon.
Erick Roux de Bézieux explique ces comportements par les différences de
génération entre les élus, les plus jeunes, étant souvent les plus à
l’aise sur le réseau. "Quand vous avez 20 ans, vous êtes de la
génération Twitter, un peu moins quand vous en avez 40, beaucoup moins
lorsque vous en avez 60. On n’oppose pas les ringards aux modernes.
Chacun utilise l’outil avec lequel il se sent à l’aise". Il y a aussi
le problème du temps. Tous les élus, peu importe l’utilisation qu’ils
font du réseau social, reconnaissent son côté "chronophage".
Un caillou dans l’eau calme
Pour être efficace, un tweet est soumis à plusieurs règles. Il ne sert à rien de tweeter pour tweeter. "Saint Louis rendait la justice sous un chêne, Pierre Arpaillange (ministre de la justice sous Mitterand en 1988 à 1990, ndlr) la rend comme un gland".
Si l’on en croit l’avis d’Erick Roux de Bézieux, l’esprit du tweet se rapproche de ce bon mot célèbre d’André Santini. "Ca résume à merveille l’utilisation que l’on doit faire d’un tweet ! L’humour est très important. Il ne faut pas tweeter pour apporter du fond, ça ne marche pas et c’est bien trop court. Le tweet c’est le caillou que vous jetez dans l’eau calme". Un avis que semble partager Agnès Marion, chargée de communication au Front National du Rhône : "Ça ne sert à rien de twitter dans une stratégie de communication ultra léchée, dans laquelle on prendrait en compte la moindre réaction pour tiédir nos propos". La conseillère concède cependant qu’"une ligne éditoriale sera certainement mise en place". Le parti a tout de même pris le soin de sonder ses sympathisants, sur son site de doléances leslyonnaisparlentauxlyonnais. "On a de bons retours pour le moment", explique Agnès Marion.
Twitter, un terrain (parfois) glissant
Avec Twitter, l’élu, s’expose parfois au jugement direct du citoyen, qui a désormais la possibilité de le haranguer plus ou moins directement et de (le) faire réagir. "Tout dépend de qui il s’agit et de sa démarche, tempère Romain Blachier. Cela dépend de l'intention de la personne, certaines sont parfois juste là pour se payer un élu. Mais j'ai pu régler des problèmes grâce à Twitter".
Mais comment le citoyen perçoit cet attrait soudain - et loin d’être désintéressé - pour Twitter de la part des politiques ? La question peut se poser, tant certaines interventions ou chamailleries (entre élus parfois) peuvent désacraliser la fonction. "Prends un type de droite au hasard et en trois tweets, fais le passer pour un con". C’est le genre de politesse, à la limite de l’injure, à laquelle a par exemple eu droit Yann Compan, secrétaire adjoint départemental de l’UMP. L’auteur du gazouillis, Stéphane Chassignol, conseillé sénatorial de Gérard Collomb, est connu dans le milieu politico-lyonnais pour être coutumier de ce genre d’attaque. Avec un zèle particulier pour les adversaires politiques du maire. Ce dernier a d’ailleurs fermé son compte Twitter après s’être fait "remonter les bretelles", comme le révèle Tribune de Lyon. Il l’a rouvert depuis.
De son côté, Yann Compan, s’il admet que les discussions sont « souvent chaudes et tenues », concède volontiers, que "ça permet de discuter, poser des questions. C’est ce qui fait aussi l’originalité de Twitter".
Pour Nathalie Perrin-Gilbert, "Twitter permet de renouer avec une parole vraie. Ça permet d’entamer un dialogue de manière plus libre avec un élu, sans passer par les intermédiaires que sont les attachés de presse ou les directeurs de cabinets. Ça permet de balayer les incompréhensions". Il arrive parfois à la maire du 1er, très présente sur le réseau, de prendre rendez-vous ou de vérifier une information sur le terrain "pour approfondir un sujet".
Attention aux excès de spontanéité
"Twitter n’est pas une fin en soi… Ça touche quand même des cibles bien particulières. C’est un outil, laissons-le à sa place d’outil", indique Erick Roux de Bézieux. Pour être sûr de bien utiliser cet "outil", maillon d’une stratégie de communication, quoiqu’en disent les politiques, certains font appel à des communicants, qui tweetent à leur place.
Ainsi, c’est Arthur Empereur, étudiant en sciences politiques de 23 ans, qui gère les réseaux sociaux de Gérard Collomb. Michel Havard, de son côté, tweete en général de son propre chef… non sans avoir consulté son community manager.
Un symbole de l’importance du réseau social. Qui n’empêche pas certains élus de gaffer, comme Nora Berra (UMP)… Cependant, Romain Blachier s’interroge : "Le rôle du député n'est-il pas d'interagir avec les gens ? Les élus sont plus utiles sur le terrain ou à échanger que ce soit sur les réseaux sociaux ou d’une autre façon, que le cul vissé sur une chaise à voter telle ou telle subvention". Même son de cloche du côté de Yann Compan : "On ne fait jamais d’un âne un cheval de course. Certains peuvent être très forts sur les réseaux mais la réalité du terrain finit toujours par les rattraper. Il faut parler et écouter les gens, Twitter n’est qu’une vitrine". Nathalie Perrin-Gilbert affirme de son côté que le réseau social lui donne "encore plus envie d’aller sur le terrain !"
Une façon propre de tweeter selon les sensibilités politiques ?
Si la stratégie de communication que constitue Twitter est prise en compte par les politiques de tous bords, on ne peut pas forcément en dire autant de la façon de tweeter en elle-même. Ainsi, on ne tweete pas de la même manière lorsque l’on est de droite, de gauche ou d’extrême droite. Une analyse qui a pris son sens lors du débat sur le mariage homo. Le PS en est ressorti avec une image moderne et jeune quand la droite a vu la sienne ringardisée…
Si les idées sont évidemment la première cause de ce résultat, l’utilisation de Twitter faite par les différents députés a pu jouer au niveau de la perception. "Gauche et droite peuvent être très claniques à Lyon. La droite se la joue plus officiel, plus poussiéreux, ça donne un peu une impression ancienne école. A gauche ça dépend vraiment. C'est partagé entre ceux qui vont mettre du politico-personnel, et ceux qui vont s'en servir comme d'un banal agenda", analyse Romain Blachier, adjoint socialiste à la mairie du 7e arrondissement de Lyon. Yann Compan confirme : "Il est vrai que l’élu de droite est peut-être plus lisse, moins enclin à se lâcher, à prendre des positions autonomes sur Twitter. Je pense que la droite est plus présente sur Facebook. Mais la tendance est au rééquilibrage avec la nouvelle génération de twittos de droite, plus offensive".
Du côté du Front National, Twitter permet de jouer les dissidents et s’intègre finalement dans la suite logique de la stratégie mise en place par le parti depuis plusieurs années. Pour Agnès Marion, cette stratégie "permettra peut-être de court-circuiter la presse qui ne relaye pas ou peu le FN. On est plutôt à la pointe en ce qui concerne les moyens de communication numérique. Ayant été tenus à l’écart des grands médias durant plusieurs années. Nous avons donc été l’un des premiers partis à nous investir dans Internet".
Pierre Hémon, qui ne cache pas son goût pour les bonnes formules, est plus neutre. "La différence dans la façon de tweeter se fait surtout au niveau du sens de l’humour"… Sans préciser quel parti en a le plus.
Appât à journalistes
"Ca va rendre les municipales assez intéressantes. Les réseaux sociaux vont déborder. Twitter va aussi beaucoup servir aux journalistes pour la diffusion de l'information, au vu du nombre de décideurs et de leaders d'opinion présents sur le réseau", comme l’explique Romain Blachier. A l’image de Facebook, Twitter est devenu une source d’information. Efficace surtout par sa vitesse de transmission. "Les médias, en s’intéressant ou pas à une information, peuvent renforcer ou diminuer son impact. Si je fais un tweet et qu’il n’est repris par personne, les médias peuvent donner une audience à ce tweet. C’est comme la petite allumette dans la paille. Si la paille est mouillée, ça ne prend pas, si elle est sèche vous faites un véritable incendie", complète Erick Roux de Bézieux.
Twitter, un média à l’importance que l’on veut bien lui donner donc…
Lundi 25 Février 2013 à 10h18
Twitter : quel rôle aura le réseau social sur les municipales à Lyon ?
Photo d'illustration - LyonMag
La tendance s’est renforcée depuis la présidentielle. Si Facebook s’est imposé depuis un moment dans l’échiquier politique, Twitter est le réseau social qui semble en passe de devenir le média favori de nos élus. Phrases assassines, commentaires d’actualité, simple relais… Le tout en 140 signes. A un an des municipales Lyon Mag s’est penché sur le rôle que pourrait jouer ce réseau social au sein de la sphère politique lyonnaise.
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Très bon dossier !
Signaler RépondreOn dirait que le journaliste vient de découvrir Tweeter ;-) , un gros manque d'analyse sur le temps direct et le temps différé du réseau social. Par ailleurs, la place du marché c'est plutôt Fb.
Signaler Répondrequi est leader de la droite lyonnaise. quand peut définir le leader sans l'éclater.
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