"Mon grand-père y est né en 1869, raconte Danièle. La bonne sœur qui accouchait sa mère espérait qu’il naitrait le 24 décembre. Il est arrivé 25, elle était furieuse et elle a dit : 'celui-là il n’entrera jamais dans une église'. Et elle a eu raison" conclut Danièle en riant.
Comme en complément à ces morceaux d’histoires de vie qui poussent les visiteurs de l’exposition "Regards sur l’Hôtel-Dieu" jusqu’au Fort de Vaise, le choix est de proposer des dizaines de tableaux du célèbre bâtiment lyonnais, tous peints de l’extérieur. Certains tableaux montrent l’Hôtel-Dieu en hiver (un Charles Lacour où le spectateur, les pieds dans un Rhône presque à sec, regarde la neige et les flammes se mêler devant un grand dôme épargné), d’autres la nuit (un Freddy Baronian), un Hôtel-Dieu est bleu (Jean Pierre Lachaux , avec ce titre), tandis que d’autres sont gris (Jacques Lescoulié, qui peint depuis le pont Lafayette), et beaucoup d’autres encore, classiques ou contemporains, s’offrent aux regards.
Pour ce qui est du contemporain, une vingtaine d’artistes lyonnais proposent aux spectateurs, des toiles qui ont été faites juste pour l’exposition (une exception de taille : celle de Jacques Truphemus, prêtée par l’auteur, date de 2008).
L’exposition, coté salle
Fabienne Amiel est l’une de ces artistes. Dans la vie, elle croque l’Hôtel-Dieu sous tous les angles, puis rentre dans son atelier, remanie la réalité lyonnaise pour en sortir ici, trois toiles du célèbre hôpital qu’elle présente et commente devant les visiteurs qui le demandent. L’exposition lui doit beaucoup. Il y a plusieurs mois, lors d’une exposition de ses toiles elle rencontre René Mornex – président des amis du musée de la médecine - qui lui en achète une. Enhardie, Fabienne Amiel évoque le projet d’une expo peinture consacrée à l’Hôtel-Dieu, lieu où René Mornex compte bien installer son musée de la médecine.
Deux mois plus tard, le même René Mornex la met en lien avec Gilles Rode – (un spécialiste de la stimulation transcrânienne directe par courant continu) tout aussi passionné par le célèbre hôpital lyonnais. Tout s’enchaîne, il faut aller vite : les membres de l’association du professeur Mornex apportent des toiles, des lithographies, des gravures pour constituer le fond de l’exposition. L’ordre des médecins, par exemple, a prêté un petit Bogusia où l’Hôtel-Dieu devient vénitien.
Les visiteurs sont là, l’exposition "Regards sur l’Hôtel-Dieu" est là pour attirer le regard des Lyonnais, et derrière, peut-être, celui des décideurs municipaux.
Le piège du regard se referme
Car des toiles, le visiteur passe insensiblement à une salle parsemée de notices biographiques des médecins qui ont fait l’histoire médicale de la ville, et dont certains sont tellement inconnus (Joseph Louis Teissier médecin et chimiste) – que même le web ne peut rien pour leur renommée - d’autres, il est vrai, le sont moins (François Rabelais, à Lyon en 1532 pour une leçon d’anatomie sur un pendu).
Le spectateur, encore innocent, emprunte alors l’escalier et se trouve devant une série de panneaux explicatifs des traitements "médicaux" pratiqués à l’Hôtel-Dieu du 12ème siècle au 19ème. Il s’agit de longues explications sur les régimes alimentaires réservés aux différents types de malade : malade au potage ou malade au bouillon.
C’est ainsi que le visiteur comprend enfin. A la place de ces panneaux sur la nutrition, devrait se trouver, par exemple, un bronchoscope antique et géant comme les aime le Pr Mornex et ses amis du musée de la santé. Mais il n’y a aucun objet médical issu des collections qui devraient constituer le futur musée de la santé de l’Hôtel-Dieu. Au lieu de cela, le visiteur lit cette phrase glissée innocemment dans un dernier panneau : "le rapprochement qui s’esquisse entre une cité de la gastronomie et le musée de la santé sur le site de l’Hôtel-Dieu s’inscrit dans le prolongement d’une longue histoire".
Les déclarations du Professeur Mornex, le 23 octobre dernier, lors de l’assemblée générale des amis du musée de la santé étaient vraies : le rapprochement entre la "cité de la gastronomie" voulue par le maire et son adjoint culture Georges Képénékian, et le musée de la santé du Pr Mornex est vraiment sur les rails. Les amis du musée de la santé sont prêts à prendre le risque d’embrasser le projet adverse, dit "cité de la gastronomie", pour ne pas être étouffés par lui, et donner une chance à leur projet chéri de musée de la santé à l’Hôtel-Dieu.
Voilà, donc, ce que voit le spectateur quand il visite "Regards sur l’Hôtel-Dieu".
Romain Meltz
@lemediapol
Expo ouverte jusqu'au 12 decembre, du mercredi au dimanche l'après midi.
Signaler RépondreMerci à @Silmalia pour les infos sur l'AG des Amis du Musée de la Santé du 23 octobre.