Les syndicats et l’avenir industriel à la une

Les syndicats et l’avenir industriel à la une
Andréa Kotarac - DR

Ca y est, il l’a fait !

Edouard Martin sera candidat aux élections européennes de mai 2014. Après de respectables combats ayant pu l’opposer au gouvernement, il réussit finalement à trouver de l’empathie vis-à-vis de ses adversaires. Celui qui avait promis d’être le "cauchemar" du gouvernement a choisi le Parti socialiste de Jean-Marc Ayrault pour conduire les listes européennes de sa région.  Késako docteur? Le syndrome de Stockholm peut être ?

Il est vrai qu’il semblait nécessaire au PS de s’attaquer à un problème qui commençait vitalement à le gangréner : l’absence symptomatique d’ouvriers et de syndicalistes dans ces rangs et en particulier dans les hautes sphères démocratiques que ce soit à l’Assemblée, au Sénat, au Gouvernement, ou au Parlement européen. Ce réputé "redoutable syndicaliste" de la CFDT, n’aura donc pas manqué de surprendre par sa décision, et les critiques de ses camarades de Florange n’auront quant à elles pas non plus manqué de fuser.

Quelques-uns évoquent même la trahison. Comment ne pas les comprendre, eux qui restent sur le carreau assistant, aussi désarmés qu’impuissants, au déclin industriel français.  Et cette descente d’Edouard Martin dans l’arène politique détonne tant on sait le PS aujourd’hui éloigné, presque coupé, du monde et du sort des ouvriers. S’il est élu il se retrouvera donc au Parlement européen avec quelques autres syndicalistes du Labour (ancien bras politique des syndicats anglais) et du parti social-démocrate allemand.
Comment le gouvernement, qui au Conseil européen représente la voix de la France, lui donnera-t-il le pouvoir réel d’agir pour défendre dignement le droit des ouvriers et l’avenir industriel européen, quand de son côté avec les autres chefs de gouvernement il le sabote peu à peu? Cela me questionne plus que le reste. Et je crains que le PS ne le trahisse en cela, lui, et tous les autres, une fois de plus.

Mais est-ce le seul ouvrier sauvé de la semaine ?

Vendredi, les Kem One ont appris par le tribunal la validation de reprise de leur site. Ce sauvetage est un très bon dénouement compte tenu du fait que l’ensemble des salariés n’auraient pu être sur des listes européennes. 1300 emplois sont donc sauvés. Un cri de soulagement lorsque l’on sait que certaines études ont montré que 15 à 20 000 emplois auraient pu se trouver directement ou indirectement impactés si cette activité économique n’avait pas été préservée. Un effet domino qui donne le vertige, et auquel sur ce coup-ci on échappe. De quoi nous faire un temps oublier Fralib et le thé Lipton, les pertes d’emplois d’EADS, et tous les autres combats dont on ne parle déjà plus ou presque.

Malgré le courage remarquable, les propositions de reprises et la dignité avec laquelle l’ensemble des salariés ont lutté avec force et respect afin que l’entreprise continue de fonctionner, plusieurs problèmes de fond demeurent toutefois. Au départ de l’affaire Kem One, un dénommé homme d’affaires Klesch.
Comme trop souvent, ce dernier reprend l’entreprise pour 1 euro symbolique. Neuf mois plus tard, c’est le redressement judiciaire, avec pour constat une trésorerie placée dans les paradis fiscaux et le siphonnage de toutes les liquidités de l’entreprise. Gangréné par ce type d’affaires, il faut à la politique et à sa nouvelle génération le même courage que les Kem One pour se libérer clairement de ces pratiques dérivantes.

Le sauvetage de Kem One et la désignation d’un syndicaliste à la tête d’une circonscription pour les européennes, ne suffiront pas. Il nous faut désormais innover et bâtir un nouveau modèle économique plus sain, plus solidaire et plus écologique. Il nous faut trouver les moyens de replacer le travail à sa juste place, et de ne plus donner l’impression aux ouvriers comme aux salariés qu’ils ne sont que les outils d’un système économique et financier qui n’a que peu faire de leur sort, de leurs compétences et de leurs opinions.
La finance s’est coupée du travail, ceux qui dirigent les entreprises ne voient plus que des suites de chiffres, l’humain disparait derrière la machine. Je crois qu’il faut réactiver la valeur du travail, et repenser la valeur ajoutée que chaque travailleur peut porter.

Le redressement productif prôné par le gouvernement, finit aussi au fond par ne plus ressembler qu’à un simple concept de sauvetage productif, accumulant de surcroît plus de défaites que de conquêtes. Les ministres semblent se reconvertir en pompiers de la dernière chance, tentant d’étendre les incendies qui s’enchainent un à un dans le monde industriel, et ne débouchant plus que sur des consensus négociés in extrémis avec la finance pour éviter certaines délocalisations, certaines faillites, certains outrageux plans de licenciements.
Comment ne pas rire d’ailleurs, quand, à la veille de Noël la Ministre Fleur Pellerin se félicite de la concurrence que se livrent sur les forfaits téléphoniques 4G les deux grands opérateurs français, voulant par là nous faire comprendre que la patente inaction gouvernementale se trouverait comblée par la recette miracle de la concurrence. Ecran de fumée dérisoire, et publicité bien mal placée. Il nous faut réinventer le travail à l’aube du 21e siècle.
Cela commence aussi par la transformation des villes, et des grandes en particulier, comme Lyon.

Les français attendent un nouveau souffle et une nouvelle dynamique. Ils savent que l’innovation industrielle devra s’accompagner d’un volontarisme politique pour naître. Les déclarations ne suffisent plus. La transition écologique, le droit de préemption des salariés pour le rachat de leur entreprise, la démocratisation au travail, le mieux vivre, et l’investissement public dans la recherche sont autant d’idées pouvant dégrossir la pierre de l’échec dans lequel notre situation économique est embourbée.
Ce sont autant d’idées que je crois innovantes et pertinentes parce qu’elles cherchent à donner aux ouvriers et aux salariés du pouvoir face à la finance, quand celle-ci prend des décisions illégitimes, injustes et incompréhensibles de tous. Les salariés et les ouvriers ne sont pas les ennemis du devenir industriel et entreprenarial français, ils sont nos principaux atouts.

La peur et l’austérité que veulent faire régner les maîtres et les experts de la finance ne sont pas des solutions pertinentes pour répondre aux défis planétaires et métropolitains auxquels nous faisons face. "L’homme courageux n’est pas celui qui ne ressent pas la peur, mais celui qui la vainc", nous disait Mandela. A nous de nous le rappeler.

Andréa Kotarac est co-secrétaire départemental du Parti de gauche et tete de liste du 8e arrondissement de la liste portée par le Front de gauche et le Gram.
X

Tags :

kotarac

15 commentaires
Laisser un commentaire
avatar
Larutap le 29/12/2013 à 22:05

Sonia Etcheb

C'est vrai qu'au front de gauche il n'y a pas de lien avec la CGT , ni SUD , voir FO ?

Signaler Répondre

avatar
Sonia Etcheb le 29/12/2013 à 18:18

Merci pour cette fine analyse qui remet les choses à leur place. Sur Lyon, le front de gauche semble s'imposer comme la véritable alternative anti austéritaire à Gérard Collomb. Il était temps !

Signaler Répondre

avatar
télémagouilles le 28/12/2013 à 20:52

Edouard Martin est surtout devenu le symbole des liens glaudes existants entre syndicats et partis politiques

Signaler Répondre

avatar
Commissaire le 28/12/2013 à 12:46

Vous êtes le seul contributeur qui se met en retrait individuellement et politiquement pour laisser parler les citoyens et, dans le cas de cet article, les salariés en lutte. Arrêtons avec cette politique loin de ses bases qui débat et construit des projets avec ses homologues : la politique est aux citoyens et "les politiques" ne devraient être que ceux qui portent les aspirations citoyennes, pas ceux qui décident à leur place!

Signaler Répondre

avatar
Droit de préemption le 27/12/2013 à 12:21
evident a écrit le 27/12/2013 à 09h49

facile quand on vous donne les sous publics pour reprendre une activité !

dans ce cas, le risque n'existe pas, et ça fonctionnarise le personnel en quelque sorte

c'est la grande différence d'avec une entreprise privée où l'entrepreneur prend le risque sur ses fonds personnels

C'est faux. Les salarié-e-s mettent leurs économies dans le projet et prennent le risque (plus que les grands groupes qui reçoivent les subsides de l'Etat sous la forme du CICE par exemple).

Certes, un soutien de l'Etat est nécessaire, ne serait-ce que pour faire respecter la loi (notamment dans le cas Unilever), mais il faut savoir ce que l'on veut. C'est justement le rôle du politique.

Et pour avoir une industrie française performante, innovante, responsable socialement et écologiquement, le marché seul n'est pas suffisant.

Enfin, l'Etat doit soutenir les petits entrepreneurs, ceux qui prennent tous les risques, car ils ne peuvent lutter face à la concurrence déloyale des grands groupes privés subventionnés (exemple des salariés de SET face au groupe américano-singapourien coté en bourse K&S).

Produire en France: un choix de bon sens.
http://blog.scop.org/le-parquet-fait-appel-pour-set.html

Signaler Répondre

avatar
evident le 27/12/2013 à 09:49
Droit de préemption a écrit le 26/12/2013 à 18h24

SeaFrance, Fralib, Pilpa, SET, Les Atelières... Les salarié(e)s sont en première ligne pour défendre l'industrie française et proposent partout où ils le peuvent de reprendre l'activité.

facile quand on vous donne les sous publics pour reprendre une activité !

dans ce cas, le risque n'existe pas, et ça fonctionnarise le personnel en quelque sorte

c'est la grande différence d'avec une entreprise privée où l'entrepreneur prend le risque sur ses fonds personnels

Signaler Répondre

avatar
Komrad le 27/12/2013 à 08:40

Bravo pour vous être défaits du joug socialiste. On l'a vu avec les chiffres du chômage et Lfoundry, ils nous mentent en se revendicant de gauche

Signaler Répondre

avatar
Droit de préemption le 26/12/2013 à 18:24

SeaFrance, Fralib, Pilpa, SET, Les Atelières... Les salarié(e)s sont en première ligne pour défendre l'industrie française et proposent partout où ils le peuvent de reprendre l'activité.

Signaler Répondre

avatar
PG le 26/12/2013 à 17:31

Beau boulot Andréa, on espère te voir au CM l'an prochain !

Signaler Répondre

avatar
Stop cumul/gamelle le 26/12/2013 à 16:00

Votre génération est courageuse et je ne peux que me réjouir que vous ayez fait sécession avec les Collomb, Gay et autres. Un vent de fraîcheur silvouplait !

Signaler Répondre

avatar
Sisimaman le 26/12/2013 à 15:57

Edouard Martin, c'est une belle figure et un symbole fort. Mais est ce qu'il a les compétences pour intégrer le conseil strasbourgeois ? Parce que les gens se sont moqués aussi de David Douillet...

Signaler Répondre

avatar
Larutap le 26/12/2013 à 00:12

Après cette litanie avec lequel on peut être d'accord , qu'est-il proposé ? Ne désespérez pas le peuple comme tant d'autres avant vous ? Ne vous trompez pas d'adversaire , c'est une classique chez les communistes , le front de gauche ?
bonnes fêtes

Signaler Répondre

avatar
Encore le 24/12/2013 à 14:58

Il faut donner toutes leur chance aux personnes de conviction.

C'est tellement rare de nos jour.

Signaler Répondre

avatar
Jean le 24/12/2013 à 14:02

Trop long pour être efficace.

Signaler Répondre

avatar
SDimon le 24/12/2013 à 13:27

Monsieur, je ne suis pas Front de Gauche, loin de là, mais je suis d'accord avec à peu près tout ce que vous dites. Vous me semblez être un jeune homme droit dans ses bottes et très loin des roots fumeurs de oinj auxquels on pense lorsqu'on évoque "un jeune communiste de nos jours"... Au plaisir de vous relire

Signaler Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Les champs requis sont identifiés par une étoile *
Si vous avez un compte Lyon Mag, connectez-vous.
Nous ne vous enverrons pas d'email sans votre autorisation.

Le compte Lyon Mag est gratuit et facultatif. Il vous permet notamment de réserver votre pseudonyme pour les commentaires, afin que personne ne puisse utiliser le pseudo que vous avez enregistré.
Vous pouvez créer un compte gratuitement en cliquant ici.