Surtout ne votez pas, malheureux !

Bien sûr il y a les autres. Les gens normaux : les non-inscrits et autres abstentionnistes.
"Je n’ai jamais assisté à une course de spermatozoïdes, disait Woody Allen, mais j’ai donné beaucoup de départs".
Fort de ce patronage, je transpose : "Je n’ai jamais assisté à un dépouillement de bulletins, mais j’ai beaucoup voté".
Au nom de cette expérience, voici donc quelques conseils pour que les abstentionnistes têtus viennent partager nos illusions démocratiques de votants.
Ne me demandez pas pourquoi les députés et le gouvernement sont pour l’ouverture des bureaux de vote le dimanche mais contre l’ouverture des magasins ce jour-là. Mais dites-vous que voter en semaine demanderait une motivation bien supérieure à celle dont il faut faire preuve le dimanche.
Je reconnais que la République municipale est mauvaise fille avec les geeks en ne proposant pas l’application smartphone "Vote2chezToi" que tous les ados canapés attardés appellent de leurs vœux.
Essayez quand même de sortir de chez vous pour voir. C’est le moment de vérifier si on peut trouver autre chose qu’un livreur de pizza en ouvrant sa porte d’entrée.

Motivation 1 : essayez de vous souvenir des bons moments de la campagne : l’interview d’Elvire Servien par Paul Terra par exemple. Et particulièrement ce moment où la tête de liste du 6e arrondissement refuse tout net de révéler au journaliste les noms de ses collègues, les autres têtes de liste de Collomb… qui en fait ont été annoncés officiellement une semaine avant (en sa présence bien sûr).

Ne vous faites pas arrêter le samedi, car les statistiques montrent qu’être placé en garde à vue augmente considérablement les risques d’abstention.
Pensez à lire les programmes AVANT de voter. A défaut des programmes, lire un résumé des programmes. A défaut d’un résumé des programmes, parcourir la liste des candidats et chercher un nom rigolo qui donne envie de voter pour une liste.

Motivation 2 : Le jour venu, invitez votre belle-mère à passer tout le dimanche chez vous. Ça motive pour sortir. Dès votre retour, insistez pour la raccompagner chez elle pour qu’elle  puisse voter à son tour. Si votre belle-mère renâcle en disant qu’elle vient à peine d’arriver, proposez-lui de feuilleter avec vous un catalogue d’urne funéraire. C’est un accompagnement au départ, et c’est adapté à la journée.

Vous pouvez voter avec un passeport. Si vous n’en avez pas, vous pouvez voter avec votre carte d’identité. Si vous n’avez pas de carte d’identité, vous êtes probablement un clandestin : inutile de vous rendre dans un bureau de vote et risquer de croiser un policier municipal.

Beaucoup de bureaux de vote se trouvent dans des écoles. N’est-ce pas l’occasion idéale de venir récupérer le chewing gum à la fraise que vous avez collé sous votre chaise en CE2 parce que vous aviez besoin de votre bouche pour souffler sur les mini éoliennes que Mme Baumm, l’instit, vous avait obligé à construire ?

En cas de doute et ce contrairement au vieux dicton populaire : ne vous abstenez pas. Ce n’est pas la peine d’être arrivé jusque-là pour ne pas mettre de bulletin dans l’enveloppe. Chacun doit avoir sa chance.
Depuis 1913 on utilise un isoloir en France. Certaines personnes, particulièrement claustrophobes, sont de nature à se réfugier dans l’abstention à cause de la peur qu’elles éprouvent face à l’isoloir. Entraînez-vous pour gérer l’angoisse. Par exemple, changez votre rideau de salle de bain et prenez votre douche derrière un rideau noir. Peignez l’intérieur de votre ascenseur, enfermez-vous dans le placard à balais. Dimanche vous serez prêts.
Au moment où vous introduisez le bulletin dans l’urne, l’assesseur va s’adresser à vous à la troisième personne. Il va dire "A voté". Un peu comme les aides-soignantes à l’hôpital qui vous reprennent votre plateau repas en disant "Alors ? Il a bien mangé ? Oh ! Mais il a pas touché à son dessert ! Il n’a pas aimé ?" Ca surprend mais c’est normal. Ne vous sentez pas humilié.
Ça y est vous avez réussi. C’est fini. Vous pouvez rentrer chez vous et commencer à vous intéresser à la campagne pour le 1er tour des élections municipales de mars 2014.

Romain Meltz

@lemediapol