Il fait chaud après des pluies lourdes comme les menaces qui pensent sur la ville. Nous sommes en 1793. Face à l’assaut. Un assaut. Un vrai. Une menace. Une vraie menace, loin des paranoïas que nous font certains marchands de peur actuels qui nous débitent l’inquiétude à longueur de forums numérisés et de couverture de magazines de papier couché en omettant de nous parler, derrière les faits divers, des grands soucis de misère sociale et économique de notre existence. En 1793, le danger est là et prend le visage, multiple et bien réel, de 65 000 hommes, envoyés pour soumettre notre ville.
On en était à plusieurs semaines de siège, un siège commencé le 9 d’un mois qui allait être rebaptisé du nom de thermidor. En direction de la ville et ses faubourgs ca tirait tout autour. Le général Albitte, fortement hostile à toute expression locale, campait avec ses troupes à la Guillotière. La Guillotière dont il s’était emparé. La Guillotière que la République venait de rattacher à Lyon. Sur le plan général, le siège de Lyon est dirigé par Couthon, qui depuis a une rue à son nom à Poitiers mais pas à Lyon. Et par Kellermann qui dénomme une place à Oullins. Ce qui est un peu, le Maire actuel de la commune me pardonnera ou pas, comme baptiser rue d’Attila une voie romaine...
L’affaire du siège de la ville avait commencé trois ans auparavant. Avec Jacques Imbert-Colomés, qui à propos de rue, en a une à son nom dans le 1er arrondissement de Lyon, dans un endroit qui se revendique paradoxalement héritier des révoltes sociales. C’était un épouvantable Premier Echevin de la Ville. Un contre révolutionnaire, un réactionnaire de premier ordre, une sorte de Marine Le Pen ou de Nadine Morano de l’époque au masculin. Un dur de dur qui finira exilé à comploter avec les royalistes. Un peu comme les réacs de nos jours qui vont fricoter avec Poutine.
En 1790, les Lyonnais se révoltent contre Imbert-Colomès et ses muscadins, (des groupes de jeunes exaltés des beaux quartiers de la ville, sorte de jeunes UMP de l'époque). Les habitants décident alors d'avoir un Maire élu aidé d'une équipe autour de lui. Certes on n’est pas dans le scrutin universel au regard de nos critères d'aujourd'hui mais la plupart des Lyonnais (mâles uniquement hélas) peuvent voter, sous condition de payer l'équivalent en impôts de trois journées de travail d'un manœuvre. Pas ouvert à tous hélas, mais bien moins cher que d'adhérer au club des jacobins, une sorte de Front de Gauche caviar de l’époque, où l’on s’exalte dans la radicalité entre gens de bonne compagnie, moyennant un prix d’accès à assommer un boeuf.
Avec cette décision de démocratisation, même très relative, les Lyonnais, que l’histoire nationale peindra pourtant en complices des royalistes, mettent fin à deux siècles de gestion de la ville par les prévôts des marchands. Un maire élu, républicain et partisan des libertés locales, succède à Imbert Colomès. Mais suite à une série d’instabilité, c’est un dénommé Bertrand qui le remplace. Bertrand est un jacobin exalté. Il faisait partie de la bande de Challier, un homme qui conjuguait une certaine ressemblance avec Etienne Tête à une certaine passion révolutionnaire évoquant les heures les plus pêchues de Georges Marchais. Et tout autour de ces pouvoirs, beaucoup de courtisans opportunistes et sans idées. Mais avant tout soucieux d’être proches du brasero du pouvoir municipal. Déjà.
Bertrand prit aussi, il faut le dire, des mesures sociales qui ne plurent pas aux Pierre Gattaz de ces temps mais qui aidèrent grandement les plus modestes. A l'image de la création d'une boulangerie municipale pour permettre aux plus démunis d'avoir un peu de pain. Mais surtout il maniait la militarisation et la guillotine autant que la terreur. Et il obéissait aussi scrupuleusement aux injonctions de l’Etat central, mêmes les plus absurdes, qu’un Michel Havard dans ses années parlementaires. Alors les Lyonnais se soulevèrent. Changèrent. Prirent de nouveau un républicain décentralisateur, comme ceux qu’ils auront le plus souvent à chaque fois qu’ils auront leur mot à dire.
Et les Lyonnais firent une adresse aux autres communes pour un système différent de République, laissant plus de place aux territoires.
C’était déjà une forme de rayonnement du modèle lyonnais cher à Gérard Collomb et Karine Dognin-Sauze. Mais comme aujourd’hui le gouvernement national comptait garder son cap, quoi qu’il en coûte à tout le monde. Du coup, accusée de sédition, la ville se retrouva assiégée par 65 000 soldats contre à peine plus de 10 000 Lyonnais. Oui, des royalistes en profitèrent pour se battre contre les armées venues assiéger la ville. Des élus d’ouverture de l’époque en quelque sorte ! D’où d’ailleurs certains airs royalistes composés à l’occasion comme la Ligue Noire, encore chantée dans quelques alcôves réactionnaires des remparts d’Ainay aujourd’hui.
Mais la vie de Lyon restera jusqu’au bout, comme le fut bien plus tard la commune de Paris sous une autre forme, une vie républicaine. Jusqu’à l’effondrement un triste jour de novembre. Les troupes nationales rentrèrent dans Lyon, tuèrent, massacrèrent. Et l’Etat interdit à notre ville pendant plusieurs années de s’appeler Lyon...
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Romain Blachier
Vendredi 22 Août 2014 à 15h41
Quand l’Etat nous interdit de nous appeler Lyon...
Romain Blachier - DR
Nous sommes en plein siège en ce mois d’Août.
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Le mot de l'année: réactionnaire.
Signaler RépondreCeci étant, vive "La Ligue Noire", le seul hymne de notre belle ville !
Bonne semaine à tous et merci de vos lectures.
Signaler RépondreJ'aurais d'autres opinions et actions si ce n'était pas ma préoccupation première. A votre disposition (vous savez où me joindre je le sais) pour vous présenter tout cela
Signaler RépondreA bientot
Vous vous souciez de la misère sociale Monsieur BLACHIER ? C'est une plaisanterie ou un faux-semblant ?
Signaler RépondreMerci pour le billet.
Signaler RépondrePour le reste évidemment que 1793 ne fait pas tout et qu'il y a de la centralisation avant et après. Mais la manifestation la plus spectaculaire est celle-ci. On peut tout à fait créer des nations sans forcément concentrer tant sur un seul lieu sous prétexte d'unité.
Billet d'humeur et d' humour très intéressant.
Signaler RépondreMais n'est il pas osé de faire un parallèle entre la situation de Lyon en 1793 et ses conséquences contemporaines sur l'hyper centralisation de notre pays ?
Le propre des parallèles n'est il pas justement de na pas avoir de point commun ?
Je n'ai pas les connaissances historiques et culturelles des intervenants précédents mais depuis 1793 la France a connu : la Restauration de la royauté, 2 empires,5 républiques, 3 guerres...qui n'ont jamais remis en cause la centralisation avant les lois 1982; lois de décentralisation promulguées hors de toute pression populaire
Et si cette centralisation n'avait elle pas finalement constitué le "ciment " d 'une "France une et indivisible" ?
Le prochain gouvernement en sera le mieux représenté.
Signaler RépondreSOS ENVAHISSEUR !
Signaler RépondreMerci de votre lecture et je partage pleinement une grande partie de vos analyses. Simplement nous sommes dans le cadre d'un édito et il faut ne pas être trop long. Merci d'avoir prolongé et avec culture mon propos.
Signaler RépondreIl m'arrive régulièrement ici et ailleurs d'écrire justement sur les conséquences de la centralisation et le mépris. Je vous conseille: http://www.lyonmag.com/article/55988/je-n-habite-pas-en-province
ou
http://www.liberation.fr/politiques/2013/02/05/le-grand-paris-et-le-desert-francais_879569
et bien d'autres. C'est justement la racine de mon combat. Au plaisir de vous relire et peut-être de vous rencontrer.
Bonne journée à vous et merci de ce commentaire.
Pourquoi?
Signaler RépondrePourquoi ne consacrer qu'une petite ligne a la fin de votre article a l’événement majeur de cet épisode douloureux?
L'idée même d'une hyper-centralisation, imaginée par Paris et condamnant les grandes villes de régions a n’être que de très gros villages, prend tout sons sens et surtout toute sa puissance dans ce simple fait :
Lyon n'avait plus de nom et n'était dorénavant désignée que par le terme de « ville affranchie »
On lui retira son département,le Rhône et Loire,pour la jeter au fond du plus petit espace administratif que l'on pouvait créer,le Rhône.
Et on justifiait fièrement ce choix par la volonté d’empêcher cette ville de prospérer.
Pourquoi ne parlez vous que du pré-événement,aussi tragique soit-il,et n’insistez vous pas sur les conséquences de celui-ci ?
Ce sont pourtant contre ces conséquences que nous luttons aujourd'hui.
Le malheur de l'histoire est bien que les Lyonnais,et les Français dans leur ensemble,ne réalisent même pas que les autres grandes villes du pays étaient vouées a un bien plus bel avenir.
Lyon n'est ni Milan ni Barcelone nous répètent-ils.
Elle était pourtant l'égale de ces citées avant cette odieuse castration.L'ont-ils jamais su ?
Et qui se moque maintenant de notre bonne vielle ville quand la pôvre petite provinciale qu'elle est ose se comparer a ces grandes métropoles d’Europe ?; Paris !
Simple capitale administrative, devenue par la force et dans le sang ville capitale...
Notre république est fondé sur un régicide malsain, des massacres de masse, spoliations, expropriations, destructions, la terreur. Pas de quoi être fier de liberté égalité fraternité. Pire que la révolution iranienne ou le bolchevisme en 1917...
Signaler RépondreOuai au fond le jacobinisme est toujours à l'oeuvre au PS... La dernière réforme sur les régions en est la preuve.
Signaler RépondreLes femmes ne votaient plus en France depuis 1791. La révolution qui devait soi-disant émanciper préféra considérer ces dames comme des citoyens passifs, au même titre que les enfants. Rompant un droit acquis dès le moyen âge.
Signaler RépondreLe républicanisme judéo-protestant maçonnique a finalement vaincu, n'est-ce pas M. Blachier.
Signaler RépondreComme toujours il y a du bon et du moins bon. Mais article assez drole surtout la comparaison avec aujourd'hui qui est assez amusante
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