Vous êtes loin du compte. Le 8 décembre à Lyon, c’est un des épisodes d’une lutte acharnée pour maîtriser le territoire des ténèbres : une Guerre des Lumières.
Acte I : La Lumière des Bourgeois. 3 décembre 1600. Le roi Henri IV est à Lyon pour épouser la toscane Marie de Médicis en la cathédrale Saint Jean (vous voyez où c’est ?). Les échevins de Lyon - ancêtres des Thierry Philip et Georges Kepenekian d’aujourd’hui - qui dirigent Lyon, sont bien embêtés. Comment assurer la sécurité du Roi de France dans des rues totalement noires, bien avant que soit inventé le lampadaire ? Idée géniale des Echevins lyonnais : demander aux habitants d’illuminer leurs fenêtres pour que la lumière qui en descendra empêche les malandrins de détrousser (ou pire) les Nobles de la Cour. Gros succès, le mariage royal est une fête (commerciale). Tout content, les Echevins de Lyon vont faire appel aux lumières citoyennes de temps en temps (par exemple, pour le 2ème jubilé séculaire de St Jean de Lyon afin "de donner clarté sur lesdites rues, pour veoir et affin d’obvier à scandale") C’est l’acte I de la Guerre des Lumières : le peuple de la ville a entre ses mains, par ses fenêtres, le pouvoir de la Lumière.
Mais l’Acte II va sonner. C’est la Lumière des Echevins . En gros, le pouvoir municipal ne veut plus dépendre du peuple pour illuminer ses rues. La technique va lui permettre de se fabriquer son propre éclairage. A partir de 1680 les lanternes à chandelles municipales éclairent les rues. Le pouvoir de la Lumière est en train de quitter les mains du peuple. Les fameux Echevins veulent le monopole de l’illumination. Quand Louis XV vient à Lyon en 1759 le pouvoir municipal – cet ingrat - entend "défendre aux particuliers qui auraient des fenêtres sur la place Louis-le-Grand [i.e : Bellecour] de les illuminer". Ceci pour empêcher la concurrence faite à ses propres illuminations municipales. En 1766, nouvelle avancée technique : dans les rues les lampadaires commencent à remplacer les lanternes. Les citoyens et leurs pauvres petits lumignons sont rejetés dans l’ombre.
Acte III : le retour des Lumignons. Cet épisode est connu. Le peuple lyonnais (catholique) fait un retour en fanfare sur fond de début de laïcisation. Le 8 décembre 1853 au matin la statue de Fourvière est inaugurée. Mais une pluie violente oblige le Cardinal a annuler l’illumination de l’après-midi (électrique) prévue pour le clocher de Fourvière. 17h : la pluie se calme. 18h : dans un élan spontané, les catholiques lyonnais des coteaux des Chartreux et de la Croix-Rousse, de Saint-Jean disposent des bougies sur leurs fenêtres dessinant des "lignes de feu" sur toute cette partie de la ville. A 20h tout brille. C’est ainsi que chaque 8 décembre, les catholiques reproduiront cette manifestation. La Guerre des Lumières lyonnaise prend un nouveau tournant. Sur fond de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le clan laïc veut empêcher le clan catholique d’étendre son influence lumineuse sur la nuit du 8 décembre. Des heurts ont lieu. En 1903, un catholique prend un coup de canne sur la tête et meurt. En représailles le siège du Progrès est attaqué par les partisans catholiques. La police s’en fiche. Petit à petit (la guerre de 14 passant par-là) les choses se calment. Les petits lumignons catholiques perdent un peu d’intensité chaque année, les laïcs n’y pensent plus. On est prêt pour l’acte IV.
Acte IV : le pouvoir du laser. Le 20ème siècle est bien avancé. Les oppositions entre laïcs et catholiques lyonnais n’ont plus cours. Il y a des lampions sur chaque fenêtre à Lyon le 8 décembre. Plus pour longtemps. On est en 1989. La France commémore la Révolution Française. La compétition se fait entre villes européennes pour capter les regards des touristes. Comment briller plus fort qu’Helsinski et sa fête des Lumières qui se déroule le 6 décembre ? Le 10 novembre 1991, Michel Noir – Prévôt des marchands de Lyon – fait voter une subvention de 12.500 francs pour que se tienne un défilé aux lampions à l’initiative du « Comité des Fêtes de Gerland ». Vous connaissez la suite. Barre, Collomb, etc. Des lasers partout pendant 4 jours et des lumignons un peu honteux qui n’osent plus guère sortir dehors. Vivement l’acte V.
Romain Meltz
@lemediapol
Vendredi 5 Décembre 2014 à 13h40
La Guerre des Lumières
Vous croyez connaître l’histoire du 8 décembre à Lyon ? Vous pensez que cette fête existe en remerciement à la Vierge ? Que les lyonnais la remercient de sa protection contre la peste et/ou de sa défense de la ville contre l’offensive allemande de 1870 ?
Tags :
Meltz
Sur le même sujet
18/06/2021 à 18:13 - Voter en toute sécurité
15/06/2020 à 10:54 - Le 28 juin, essayons d’être laïc
24/02/2020 à 13:34 - Quelle est la couleur du cheval vert des écologistes ?
27/01/2020 à 09:03 - Les élections à Villeurbanne : la politique par l’entonnoir
30/10/2019 à 07:32 - Romain Meltz : "Sondage métropolitaines : David Kimelfeld a un énorme retard de notoriété"
26/09/2019 à 08:59 - Beaucoup de politique avec un peu de science
28/09/2018 à 07:56 - Triomphe IV
19/09/2018 à 08:28 - Le "oui si" à la mode des Universités lyonnaises
16/07/2018 à 08:01 - Un présage d’avance
22/05/2018 à 17:54 - APB mon vieil amour
12/06/2017 à 21:08 - Un tsunami, disent-ils ?
10/05/2017 à 12:44 - Gérard Collomb n’ira pas à Paris
Laisser un commentaire
Le compte Lyon Mag est gratuit et facultatif. Il vous permet notamment de réserver votre pseudonyme pour les commentaires, afin que personne ne puisse utiliser le pseudo que vous avez enregistré.
Vous pouvez créer un compte gratuitement en cliquant ici.
Vous pouvez créer un compte gratuitement en cliquant ici.
Merci pour ces informations ! Ca ronchonne sec, dans les commentaires, quoiqu'on dise semble-t'il ...
Signaler Répondremerci pour ces précisions historique qui malgré les petites erreurs sont toujours mieux que la légende urbaine sur la peste qu'on nous raconte depuis notre enfance.
Signaler RépondreHaha bien marrant
Signaler RépondreS'il s'agit d'une guerre, la lumière simple et bienveillante du Christ l'emportera. Au-delà, c'est au moins un marqueur de notre civilisation chrétienne. N'en déplaise à certains, 2000 ans de catholicisme marquent ad vitam aeternam notre ville, celle des premiers saints Français, celle du Primat des Gaules. Merci Marie
Signaler RépondreRappelons encore que dans les années 1950-1960 l'essentiel des animations du jour des illuminations étaient faites par les commerçants qui décoraient leurs vitrines.
Signaler RépondreEt concernant l'aspect religieux rappelons aussi qu'à Fourviere il y avait le pèlerinage des hommes et le pèlerinage des femmes à des jours différents...
Et les hommes ne pouvaient pas rentrer dans la Basilique au moment du pèlerinage des femmes et inversement...
Mais ça c'était avant !!!
a) oui c etait en 1852, erreur de ma part
Signaler Répondreb) j'ai dit que j "étais responsable des erreurs de l'article
c) j'ai parlé de la mort de M. Boisson dans l'article, d'un coup de canne sur la tempe. Il était négociant en soie.
Je crois que vous avez raison;
Signaler RépondreDisons que celle là est celle que j'adopte pour la prochaine fois qu'un non lyonnais me posera la question ;)
Qui est ce Romain Meltz qui à écrit cet article ? Surement pas un vrai Lyonnais de source ni de souche ......
Signaler RépondreQuand à la boulle à facette sur Fourvière , à chacun ses gouts , n'es ce pas Z comme Zemmour !
Le 8 décembre 1853 ???,
Signaler RépondreQuand on veut faire de l'histoire on vérifie ses sources:
l'inauguration de la statue de la vierge de Fourvière a eu lieu en 1852 ...et non en 53, date de départ de la tradition lyonnaise de la fête des illuminations appelée depuis Fête des Lumières
Et pendant qu'on y est précisons qu'au début du siècle, en 1903, sous le mandat de Victor Augagneur les procession religieuses furent interdites ce qui provoqua des manifestations entre laïcs et catholiques;
il y eut même 1 mort chez les catholiques...
Merci de citer vos sources, c'est une bonne idée.
Signaler RépondreEn revanche, je cois qu' il y a autant de versions que de lyonnais...:-)
Je ne sais pas quoi en pensez, mais que la Lumière vienne de Fourvière n'a rien pour me déplaire!
Signaler RépondreLa Femme de l'Apocalypse de St Jean
Un signe merveilleux apparut dans le Ciel est décrite comme cela : "Une Femme revêtue du Soleil, la Lune sous ses pieds et sur sa tête une coronne de douze étoiles
Tout dépend si la boule occulte Marie, mais même dans les apparitions Marie apparait toujours comme lumineuse, d'une lumière blanche...
Hors à Fourvière dans les airs on peut voir Marie mais aussi St Michel terrassant le Dragon!
Cette année une boule à facettes, genre disco, trône sur Fourvière.
Signaler RépondreC'est le progressisme.
Vive le déclin.
Les infos sont tirées de "Des Coutumes populaires aux illuminations lyonnaises du 8 décembre" de Maurice Chambost. Et du plus récent "L'extraordinaire histoire du 8 décembre à Lyon" de Gérald Gambier. Je suis seul responsable des éventuelles erreurs historiques commises dans cet édito :)
Signaler Répondre