La problématique n’est pas une question

La problématique n’est pas une question
Romain Meltz - DR

Ces éditos sont utiles.

Pas assez hélas. Mais ça va changer. Comment repérer d’un seul coup d’œil que vous plaisez à une personne qui vous plait ? Comment faire pour que vos écouteurs ne soient pas tout emmêlés ? Autant de réponses que je donnerai dans un futur proche. Pour l’instant, réussir son bac est la priorité.

Et pour ce faire : voici un édito très utile qui donne aux élèves de terminales un conseil très utile : une problématique n’est pas une question.
Je sais, je sais. Moi aussi, quand j’étais petit, mes professeurs me disaient de faire des problématiques en forme de questions. Et j’ai obéi longtemps, avant de réaliser que c’était complètement sot. J’ai donc arrêté, et maintenant tout va bien. Manque de chance, plus personne ne me demande de faire de problématique.

Dans un élan de générosité, et puisque le bac est là, je vous transmets mon savoir.
Imaginons que les terminales Economiques et Sociales (ES) tombent sur le sujet suivant : "Les politiques de l’offre sont-elles opposées aux politiques de la demande ?" Vous notez tout de suite que le sujet est posé sous forme de  question. Mes petits amis, élèves et autres, soyez logique cinq minutes. Pourquoi votre problématique serait une question alors que le sujet est déjà une question ?
J’en vois, au fond, qui s’accrochent à l’idée que la problématique est une reformulation du sujet posé. Ces cancres indécrottables maintiennent donc,  contre toute logique, que la problématique est une question. Laissez moi rire. Personne n’a jamais répondu par une question à une question. A la rigueur, le célèbre "ça va ?
- et toi ?"

A part cette exception - sur laquelle nous ne nous étendrons pas - on en reste là : le sujet de la dissertation est une question, on y répond donc par une affirmation. Cette affirmation est la problématique.
Si vous aviez passé votre bac à New York en 2013 vous seriez tombé sur "Par quelles stratégies les firmes multinationales cherchent-elles à accroitre leur compétitivité ?" La pire problématique possible (et donc celle que vous auriez choisie faute d’avoir lu cet article) est donc : "Nous nous demanderons comment les entreprises réussissent à accroitre leurs ventes ?". C’est très mauvais, car une fois que l’on a posé cette problématique on ne sait pas (et le correcteur épuisé qui lit votre copie en tong chez lui encore moins que nous) comment vous allez répondre à la question. Alors que la BONNE problématique  est … a) les firmes multinationales sont des entreprises  comme les autres, elles  augmentent donc leur compétitivité comme ci comme ça (c’est bon… je ne vais pas tout faire non plus) mais… b) comme ce sont des entreprises multinationales elles le font aussi comme ça et comme ci (même remarque).

Les indécrottables cancres dont je parlais plus haut, trépignant comme des cabris en sautant sur leurs chaises, demandent la parole. Magnanimement je leur donne. Ils font alors remarquer (je résume pour vous) avec cette morgue qui caractérise une jeunesse qui croit tout savoir  que mon a) et mon b) ce n’est pas la problématique, c’est le plan. Je réponds alors – tranquillement - que c’est la même chose. La problématique est strictement égale au plan puisque c’est ce qui permet de répondre à la question posée.

Prenons un autre exemple (personne ne suit, c’est pénible). Imaginons que les mêmes terminales ES tombent sur le sujet suivant « Est-ce aux pouvoirs publics de faire que l’environnement soit respecté  par les acteurs des marchés ?" Exemple de problématique toute ratée : "l’Etat a-t-il pour rôle de faire respecter l’environnement ?" C’est tout raté car cette soi-disant problématique est en fait une simple paraphrase du sujet de départ auquel aurait fallu répondre.

Bien évidemment, il n’y a pas toujours besoin de problématique au bac. En physique l’année dernière la première question était  "En quoi l’observation du boson de Higgs permet-elle de compléter la théorie du modèle standard ?". Ben là….

Et dans certains cas très rares les problématiques peuvent être des questions. Mais ça ne concerne pas les élèves de terminales. Par exemple, cette année, Twitter s’est moqué du sujet du concours à l’Ecole Normale Supérieure. Les étudiants qui passaient ce concours avaient 6 heures pour traiter le sujet  suivant : "Expliquer". Avec un sujet comme celui-là, vous avez le droit de faire une problématique sous forme de question puisque le sujet en lui-même n’est pas une question.
Mais si vous tombez (toutes séries confondues) sur "Existe-t-il une violence légitime" vous allez encore faire un plan tout raté, du genre a) la violence n’est pas bien… mais b) parfois on est obligé d’être violent alors là oui c’est un peu légitime (je résume). Pourquoi ce plan est tout raté ? Parce que ce plan-là découle  de votre problématique suivante : "nous nous demanderons si dans certains cas on peut dire qu’une violence est légitime". La bonne problématique est pourtant (c’est aussi le plan, le plan est la même chose que la problématique, c’est quand même fou que personne ne suive) a) il n’y a aucune violence légitime mais ...b) certaines violences sont devenues si "normales" qu’elles ne sont plus vues comme des violences.

Voila. Vous êtes paré pour le bac 2015. Qu’est-ce qu’on dit ?
- Merci, mais est ce qu’on pourrait avoir la bonne problématique pour le sujet que vous avez cité plus haut : "Est-ce aux pouvoirs publics de faire que l’environnement soit respecté  par les acteurs des marchés ?"
- C’est bon ? Pas d’autres questions ?

Romain Meltz
@lemediapol

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3 commentaires
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verseau30 le 16/09/2015 à 18:17

Bonjour.
Ah! la problématique sur la violence légitime!
J'ai vécu cela avec Mr MELTZ l'an passé en premier semestre de première année de sciences politiques-sociologie.
Un délice !
Peut-être faudrait-il inciter les étudiants de cette année à retenir dans leurs favoris les éditoriaux de Mr MELTZ?
Cordialement.
Jean-Pierre WELEMANE.

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@lemediapol le 16/06/2015 à 20:03
JCB a écrit le 16/06/2015 à 16h04

l’intérêt et la volonté de l'éducation nationale de créer un cahier des charges pour réaliser une dissertation en incitant les étudiants à formuler une problématique face à un sujet se justifient sur la capacité des étudiants à avoir un raisonnement dit"carthésien" en même temps que l'on juge leur capacité de démontrer qu'une question cache d'autres elliptiques:par exemple quand vous évoquez la confrontation des politiques de l'offre et de la demande ,un économiste peut sans difficultés amener une problématique française du choix des politiques à valoriser depuis des décennies les politiques dite keynésienne au détriment des politiques de l'offre.
A contrario ces choix peuvent amener à trouver aussi dans les thèmes des entreprises aux USA dont vous évoquez pour les multinationales à considérer que leur culture est de s'attacher aux bienfaits des entreprises et de la nécessité de productivité et d'innovation thèmes peu étudiés en France pour des raisons historiques.
Le sujet ou questionnement posé répond à des valeurs que souhaite valoriser l'auteur à l'image des "sondages trompeurs" qui selon la formulation de la question entraînent une réponse souhaitée pour mieux manipuler
Comme vous le dites justement la question ne doit pas être reformulée par une problématique mais doit amener un questionnement plus précis ou une autre question que l'auteur a souhaité volontairement camoufler et dont l'étudiant sera décrypter:tout l'art de la bonne dissertation construite à partir de cette problématique guidée ensuite à travers de 2 à 4 parties avec une conclusion permettant une "ouverture finalisée".

Exactement.

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JCB le 16/06/2015 à 16:04

l’intérêt et la volonté de l'éducation nationale de créer un cahier des charges pour réaliser une dissertation en incitant les étudiants à formuler une problématique face à un sujet se justifient sur la capacité des étudiants à avoir un raisonnement dit"carthésien" en même temps que l'on juge leur capacité de démontrer qu'une question cache d'autres elliptiques:par exemple quand vous évoquez la confrontation des politiques de l'offre et de la demande ,un économiste peut sans difficultés amener une problématique française du choix des politiques à valoriser depuis des décennies les politiques dite keynésienne au détriment des politiques de l'offre.
A contrario ces choix peuvent amener à trouver aussi dans les thèmes des entreprises aux USA dont vous évoquez pour les multinationales à considérer que leur culture est de s'attacher aux bienfaits des entreprises et de la nécessité de productivité et d'innovation thèmes peu étudiés en France pour des raisons historiques.
Le sujet ou questionnement posé répond à des valeurs que souhaite valoriser l'auteur à l'image des "sondages trompeurs" qui selon la formulation de la question entraînent une réponse souhaitée pour mieux manipuler
Comme vous le dites justement la question ne doit pas être reformulée par une problématique mais doit amener un questionnement plus précis ou une autre question que l'auteur a souhaité volontairement camoufler et dont l'étudiant sera décrypter:tout l'art de la bonne dissertation construite à partir de cette problématique guidée ensuite à travers de 2 à 4 parties avec une conclusion permettant une "ouverture finalisée".

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