Francs-maçons : la nouvelle vague lyonnaise

Francs-maçons : la nouvelle vague lyonnaise

On les croyait marginalisés par les scandales, ringardisés par leur culte du secret… Mais une nouvelle vague de francs-maçons s’impose aujourd’hui à Lyon. Surtout en politique.

"Nos effectifs sont en augmentation constante” reconnaît Roger Cordier, délégué régional du Grand Orient de France, la principale obédience, plutôt classée à gauche. Même constat du Lyonnais Jean-Jacques Gabut, figure historique de la Grande loge de France, une obédience au contraire plutôt classée à droite, ou encore pour Marie-Claude Batier, responsable à Lyon de la Grande loge féminine de France.
Au total, il y aurait aujourd’hui à Lyon près de 3 000 francs-maçons dont près de 1 500 au Grand Orient. Mais la nouveauté, c’est que le profil des nouvelles recrues a beaucoup évolué. Ils sont souvent plus jeunes et plus diplômés. De plus, ils sont prêts à assumer publiquement leur engagement dans la franc-maçonnerie.
Mais c’est en politique que le retour des francs-maçons est le plus spectaculaire à Lyon. En effet, quand Michel Noir était maire de Lyon au début des années 90, Jean-François Mermet, son 1er adjoint centriste, était un des rares adjoints francs-maçons du conseil municipal. En dehors de quelques élus qui se distingueront plutôt par leur affairisme comme Christian Bonnefond, son adjoint aux sports, qui finira exclu de la Grande loge nationale française après avoir été condamné pour abus de confiance.
Jusqu’en 2001, sous le mandat de Raymond Barre, les francs-maçons ne sont pas plus nombreux, à part André Soulier, un vieux “frangin” membre de la loge Union et Liberté du Grand Orient et ils étaient plus rares à s’afficher. Mais quand Gérard Collomb sera élu en 2001, ce jeune franc-maçon, initié quelques années plus tôt, va encourager ses adjoints francs-maçons à se dévoiler en donnant lui-même l’exemple. Et dans sa nouvelle équipe qui vient d’être élue, c’est encore plus spectaculaire puisque 7 des 21 adjoints au maire sont francs-maçons. Soit 30 %, alors que les francs-maçons représentent moins de 0,2 % de la population. Et encore, c’est un minimum car certains élus font très attention à ne pas être “outés”. De plus, sur l’ensemble des 73 conseillers municipaux, ils seraient aujourd’hui pas moins d’une quinzaine.



“Pas encore”
Et c’est d’autant plus frappant que l’essentiel de ces francs-maçons ne faisait pas partie du précédent conseil municipal. Ce qui souligne que le renouvellement est bien réel. Exemple avec Heidi Giovacchini, 2e adjointe aux droits des citoyens, directrice d’un groupe de cliniques privées et membre de la Grande loge féminine (voir portrait), mais aussi Marie-Odile Fondeur, responsable de salons à Eurexpo, qui est aujourd’hui adjointe chargée des ressources humaines ou encore Georges Kepenekian, chirurgien urologue à l’hôpital Saint-Joseph, figure de la cause arménienne et nouvel adjoint à la culture de Collomb.
Des nouveaux venus au conseil municipal qui sont un peu agacés d’être déjà “dévoilés”. D’ailleurs, les questions insistantes de Lyon Mag pour réaliser cette enquête ont semé la panique. “Je suis trop occupé pour vous répondre”, expliquera, par exemple, Georges Kepenekian. Et plusieurs élus qui avaient accepté d’être interviewés ont tout annulé au dernier moment. Une réunion de concertation a même été organisée en urgence à la mairie pour fixer “une stratégie de communication” sur ce sujet sensible.
De plus, certains francs-maçons qui étaient déjà dans l’équipe Collomb ont été initiés récemment comme l’écologiste Gilles Buna, adjoint chargé de l’urbanisme. Enfin, on retrouve toujours dans ce conseil municipal des francs-maçons historiques comme Jean-Louis Touraine, 1er adjoint, Thierry Braillard, adjoint aux sports, et Jean-Michel Daclin, chargé de l’international. Et il ne faut pas oublier les collaborateurs de Collomb, comme Michel Chomarat, son conseiller aux minorités. Les francs-maçons sont également bien représentés parmi les conseillers municipaux avec par exemple Christian Coulon, réélu maire du 8e mais aussi de nouveaux élus comme Roland Bernard, président d’un syndicat hôtelier. Sans oublier un certain nombre d’élus comme Michel Le Faou, qui devrait être le nouveau président de la Sacvl, la société d’économie mixte qui gère les logements sociaux de la ville de Lyon.
“On finit par se demander qui n’est pas franc-maçon au conseil municipal” ironise un élu UMP. “J’ai été très sollicité mais je ne suis pas franc-maçon, du moins pas encore” explique Jean-Yves Sécheresse avec humour, responsable du groupe socialiste au conseil municipal qui, comme un certain nombre d’élus, est “suspecté” de faire partie de la maçonnerie parce qu’il est “prof, socialiste et barbu”. Même réaction de Thierry Philip qui avoue avoir “le profil” et qui lui aussi a été “très sollicité”. Une dizaine d’autres élus auront le même réflexe en assurant qu’ils n’ont “rien contre” mais qu’ils ne font pas partie de “la famille”.
“Ils sont tellement nombreux aujourd’hui qu’on finit par en imaginer partout. Même Richard Brumm, l’adjoint aux finances, qui pourtant n’est pas un intello, passe aujourd’hui pour un franc-maçon”, explique un élu PS. Même constat dans les communes de l’agglomération lyonnaise avec des élus francs-maçons comme Renaud Gauquelin, médecin et maire PS de Rillieux-la-Pape, Raymond Terracher, conseiller général et adjoint au maire de Villeurbanne, Bernard Rivalta, patron du groupe PS au Conseil général et patron du Sytral, le syndicat mixte qui gère les transports en commun…
Alors qu’au Conseil régional, il y aurait une trentaine de francs-maçons comme Yvon Deschamps à gauche. Mais aussi un certain nombre de collaborateurs du président, comme Sylvie Bles-Gagnaire, responsable du service presse, qui dément cette appartenance.
Même tendance au conseil général où sur 54 élus, il y aurait au minimum une dizaine de francs-maçons, notamment Bernard Fialaire, vice-président radical, le député UMP Christophe Guilloteau, l’UDF Jean-Luc Da Passano…
D’ailleurs, un signe ne trompe pas : c’est à Lyon que le Grand Orient de France a choisi d’organiser son prochain convent national début septembre 2008 à la Cité internationale. Une réunion qui devrait être très animée car un des thèmes prévus, c’est l’ouverture aux femmes de cette obédience réputée progressiste mais encore très macho.



Recentrage
L’origine de ce renouveau maçonnique à Lyon ?
Tout d’abord, une plus grande visibilité des francs-maçons qui à Lyon sont beaucoup moins réticents à avouer leur appartenance à une loge, notamment au Grand Orient de France. Il y a une dizaine d’années, seul le grand Maître national se permettait de s’exprimer publiquement. Désormais, les délégués régionaux n’hésitent pas à organiser des réunions publiques, à ouvrir leurs temples, à s’exprimer dans les médias… “Les francs-maçons sont discrets pour des raisons historiques car ils ont été persécutés sous l’Occupation. Mais j’encourage mes frères à se dévoiler car on n'a rien à cacher”, confirme Roger Cordier, délégué régional du Grand Orient. D’ailleurs, cette obédience a organisé le 3 avril à la mairie du 8e arrondissement une conférence publique pour expliquer sa démarche et défendre la laïcité.
Une extériorisation renforcée par l’émergence des femmes, jusque-là très discrètes mais qui commencent à se dévoiler comme Marie-Claude Batier, responsable de la Grande Loge Féminine à Lyon, qui s’est montrée pour la première fois en public le 8 mars dernier au cours d’une conférence organisée, là encore, à la mairie du 8e arrondissement, un “fief” de la franc-maçonnerie à laquelle le maire Christian Coulon ne cache pas son engagement. Près de 250 femmes étaient présentes ce soir-là.
Une ouverture d’autant plus facile que la maçonnerie n’est plus systématiquement stigmatisée notamment par l’église catholique. “Il y a encore une réticence de la hiérarchie catholique face aux francs-maçons”, souligne le père Delorme en ajoutant : “Mais à Lyon, ça se passe bien car les francs-maçons lyonnais, notamment Gérard Collomb, ne sont pas anti-cléricaux. Et Mgr Barbarin a bien compris cette spécificité lyonnaise.”
De plus, alors que la tendance est au recentrage politique à Lyon, les francs-maçons sont très utiles car ils privilégient les “passerelles”, les “convergences” au-delà des clivages idéologiques. Tout en refusant tous les extrémistes. Ce qui colle parfaitement au “modèle Collomb”.
Ce que confirme l’ancien adjoint aux finances, Yvon Deschamps, une figure de la maçonnerie lyonnaise, qui reconnaît avoir régulièrement organisé, sous le précédent mandat, des rencontres informelles autour d’un “verre de l’amitié” réunissant des francs-maçons membres du Conseil municipal. Mais il tient à préciser qu’il n'y a pas de complicité occulte : “Je n’épargne jamais un adversaire sous prétexte qu’il est franc-maçon. Mais cela m’arrive de modérer mes propos quand j’ai à faire à un élu qui, sur le fond, partage certaines valeurs.”
Une certitude : les liens fraternels permettent de faciliter les contacts entre les différentes sensibilités. Ainsi, en 2001, Collomb a été élu président de la communauté urbaine, alors qu’il n’avait pas la majorité en passant une alliance avec des élus centristes, de droite et sans étiquette. Aujourd’hui, Yvon Deschamps admet que lui-même a contacté certains “frères” pour faciliter cette élection. Et même s’il reste discret, on sait que deux élus francs-maçons étaient très impliqués dans ces négociations : Jean-Luc Da Passano, maire UDF d’Irigny élu 1er vice-président de Collomb, et Jean-Paul Colin, maire d’Albigny-sur-Saône et membre de Synergie, le groupe des petits maires divers droite. Ce que n’hésite pas à dénoncer Philippe Cochet, député-maire UMP de Caluire qui souhaiterait “que tous les francs-maçons lyonnais fassent leur outing pour clarifier la situation”. Une proposition que refusent en chœur tous les francs-maçons. “On ne va pas faire des listes comme sous Vichy !”, s’indigne Yvon Deschamps qui affirme que c’est avant tout “grâce à son projet” que Collomb l’a emporté finalement en 2001. Alors que Patrick Huguet qui est franc-maçon, mais qui dément cet engagement, estime qu’il a été “un des opposants les plus résolus de Collomb” quand il était à la tête du groupe UMP à la ville de Lyon.



“L’échec de Perben à Lyon, c’est au fond qu’il a été incapable de s’appuyer sur ces réseaux lyonnais, notamment maçonniques” commente un proche du candidat UMP aux municipales, lui-même franc-maçon, en ajoutant : “Autour de lui, il a fédéré une droite lyonnaise qui a un vieux fond anti-maçonnique, notamment des millonistes qui en privé ont des discours très durs contre la franc-maçonnerie.”
D’ailleurs, à droite, les francs-maçons restent moins nombreux et plus discrets.
“Collomb mène à Lyon une politique fidèle à l’idéal maçonnique” fait remarquer Roger Cordier, délégué régional du Grand Orient, en insistant sur son “projet humaniste” mais à la mairie, on refuse ce label maçonnique que certains commencent à coller au nouveau conseil municipal. En estimant que la présence de tous ces “frères” est “une pure coïncidence”.
En tout cas, ce renouveau maçonnique dans la vie politique lyonnaise va sans aucun doute peser dans les débats, les projets… Tout en imposant une ambiance plus consensuelle dans la vie politique. Mais le risque, c’est aussi que ces réseaux abusent de leur influence en jouant de leur proximité avec le pouvoir municipal. Et que certains affairistes en profitent pour privilégier leurs intérêts personnels. Ce qui peut conduire à certains dérapages.
“Il faudra être vigilant” admet lui-même un vieux franc-maçon en estimant que “le courant est toujours agité au confluent” mais que la “lumière” permettra d’éviter certains “naufrages”… Une façon de souligner que les risques sont bien réels. Mais que si la maçonnerie lyonnaise est fidèle à ses valeurs, elle peut éviter de tomber dans le piège de la “fraternité”.

Dossier réalisé par Lionel Favrot

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2 commentaires
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Basilic le 10/02/2010 à 23:13

Votre resau est interressant mais possède un capital danger maximum je ne dennonce pas qui vous êtes .j ai simplement peur que des gens mal attentiones profite de votre système afin d' en pervertir vos valeurs. Avez vous une entité qui veille a ça en permanence comme un service de renseignement

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ouarida le 28/10/2009 à 13:53

Très interessant mais rien sur Pierre jamet, est il franc maçon ?

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