Retour de campagne

Retour de campagne
Romain Meltz - DR

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon vient d’acquérir "La Mort de Chioné", un Nicolas Poussin mystérieux et sombre, pour 3,7 millions d’euros, peint en 1624.

Sylvie Ramond, la voix étonnamment enrouée par l’émotion, remercie les entreprises qui ont participé à l’achat, emmenées par Pierre de Limairac, ex PDG de Descours et Cabaud. Puis "madame la conservateur" comme l’appelle Pierre Rosenberg,  directeur honoraire du Louvre, laisse la parole à Catherine Laforet élue régionale de la majorité : "Nous sommes heureux d’avoir participé à l’acquisition de cette œuvre", reconnait la toute récente élue. 100 000 euros certes, mais décidés par l’équipe régionale précédente, celle de Jean-Jack Queyranne, bien avant que Catherine Laforet ne soit élue. Elle maintient, avec un sourire, ce "nous" républicain lorsque, après la cérémonie, nous papotons.

Nous évoquons le destin du Plateau, l’espace culturel de l’hôtel de Région inventé par Jean-Jack Queyranne. Puis de la suite de la carrière de tel chargé de mission (un héros) attaché à Farida Boudaoud, l’ancienne vice-présidente à la culture. Sur le devenir de ces deux sujets en tout cas, mystère complet. La fusion Rhône-Alpes Auvergne, la réorganisation des services, tout le monde a l’air dans le flou le plus total. Je souris (intérieurement) en pensant aux 100 jours de Wauquiez. Comment s’attendre à des résultats de la politique Wauquiez sur la vie quotidienne des citoyens, alors que les services de la Région Rhône-Alpes Auvergne et ses élus en sont encore à s’organiser entre eux ? La question des 100 jours est de toute façon absurde. Comment mesurer ce qui a été fait, ce qui ne l’a pas été, par la faute de qui, le alors que tout le monde a le nez dans le guidon ?

S’il fallait un anniversaire, ce 13 février fera l’affaire. Cela fait juste deux mois que Laurent Wauquiez a été élu. S’il faut faire un bilan, autant se demander plutôt pourquoi Queyranne a perdu. Ça vaut la question des 100 jours...

J’ai passé du temps à regarder les chiffres. J’ai ré-écouté les interviews que nous avions faites de l’ancien Président de la Région. Entre 2012 et 2015 il  est venu nous parler 4 fois, disponible et précis. Chaleureux et attentif  aux étudiants que j’entraîne dans ces interviews.

L’un dans l’autre mon hypothèse est la suivante : Jean-Jack Queyranne a perdu parce qu’il a joué honnêtement un jeu pipé par une décentralisation dont nous pouvons tous collectivement avoir honte aujourd’hui.

En 2012 il ne se représente pas à l’Assemblée nationale. Si Hélène Geoffroy est aujourd’hui ministre, c’est parce qu’elle a su se faire élire députée sur le siège qu’il lui a laissé en mai 2012. Queyranne prend alors le risque de ne pas se représenter. C’est un risque, il le sait. Voyez ce qu’il en disait quelques mois après : "La seule raison qui aurait pu me faire rester c’est de dire que quand on est à l’Assemblée Nationale  on a de nombreux contacts, avec les ministres avec les cadres administratifs des ministères, avec les grands responsables de structures  économiques. Au fond c’est ce qui manque un peu. On critique -  à juste titre - le cumul des mandats. Mais il faut voir que c’est l’antidote de la centralisation. Pour être entendu jusqu’à présent il fallait aller à Paris. Ce fait là s’incarne dans la figure du député-maire qui se renforçait mutuellement dans ses deux fonctions. Les choses vont sûrement évoluer dans les prochains mois".

La force de la description de ce que les sociologues Crozier et Thoenig appelaient dès 1975 la "régulation croisée des filières électives et bureaucratique" marque ce qui a dû manquer à Jean-Jack Queyranne pour convaincre les électeurs d’Auvergne de voter pour lui. 

Au 2e tour, il y a exactement deux mois, il a manqué 110 000 voix à Queyranne pour faire aussi bien que Wauquiez. 60 000 voix manquantes en Rhône-Alpes, 50 000 en Auvergne. Sauf que l’Auvergne c’est 570 000 suffrages exprimés et Rhône-Alpes 2 400 000. Ce déficit de suffrages de Jean-Jack Queyranne en Auvergne, dans une région où la gauche était aussi sortante, me parait illustrer l’inquiétude des zones rurales isolées à l’idée que leur nouveau président soit éloigné des centres parisiens de décisions. Laurent Wauquiez, député, n°2 des Républicains incarnait au contraire cet espoir que l’on a faute de mieux en Paris quand on habite des régions où les masses de population et les services publics sont rares.

L’insistance mise par Jean-Jack Queyranne sur le fait qu’il serait un président à plein temps n’a pas pesé lourd face à cette décentralisation française ratée où tout passe encore par Paris. 

Il est vrai que dans le passage cité plus haut, la dernière phrase est un peu mystérieuse. Pourquoi Jean-Jack Queyranne a-t-il cru, qu’avec la présidence de François Hollande, la malédiction de la décentralisation à la française (une décentralisation où tout passe par Paris et où  pour exister il faut être député ou sénateur en plus d’un mandat local) allait être rompue ? Espérait-il dans ce qui allait devenir les trois lois de décentralisation du quinquennat de Marylise Lebranchu ?

Trois lois aussi ratées qu’il est possible de l’être, comme l’a reconnu Marilyse Lebranchu à demi-mot en quittant le gouvernement. Qui ne sont pas pour rien dans l’échec de ce serviteur de la République qui avait cru pouvoir l’être comme il faudrait : sans cumul.

Romain Meltz

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6 commentaires
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petitparis le 17/02/2016 à 21:09

Je crois aussi que si Queyranne a perdu c'est qu'une grande partie du personnel régional n'en pouvait plus de sa gestion clientèliste.Copinage, copinage et copinage. Depuis son arrivée à confluence il se comportait en Monarque. le petit peuple lui a fait la peau je crois en faisant remonter plein d'informations à nos partenaires. ERAI, pavillon de Shanghai, subventions pour associations proches du PS....
Trop c'était trop.
Bon débarras.

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@lemediapol le 17/02/2016 à 17:13
Jeansais a écrit le 17/02/2016 à 11h34

La décentralisation à la française est à l'image de la liaison ferroviaire Lyon Bordeaux...
Pour traverser la France d'Est en Ouest il faut obligatoirement passer par Paris !!

mais l'échec de Queyranne est plus lié à l'usure du pouvoir local et gouvernemental qu' à son seul mandat électif...
Et en plus le PS local le soutenait avec une corde de pendu !

Le lyon bordeaux est un parfait exemple effectivemment. C'est un TER, il passait par plusieurs Régions incapables de s'entendre. résultat suppression il y a 5 ans.
Peut-être l'usure du pouvoir... peut être l'échec gouvernemental... mais dans ce cas là le drian n'aurait pas dû gagner en Bretagne.
Et pour ce qui est du PS... A Lyon (Gérard Collomb) Wauquiez fait 61.000 voix alors que Queyranne fait 76.000 voix. C'est plutôt le signe que le PS n'a joué aucun rôle dans cette campagne (mais c'est un autre sujet)

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Jeansais le 17/02/2016 à 11:34

La décentralisation à la française est à l'image de la liaison ferroviaire Lyon Bordeaux...
Pour traverser la France d'Est en Ouest il faut obligatoirement passer par Paris !!

mais l'échec de Queyranne est plus lié à l'usure du pouvoir local et gouvernemental qu' à son seul mandat électif...
Et en plus le PS local le soutenait avec une corde de pendu !

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@lemediapol le 16/02/2016 à 17:40

Je vais essayer de vous trouver ça

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verseau30 le 16/02/2016 à 17:10

Tout ça c'est bien beau mais le citoyen lambda se pose la question de savoir à quoi ressemble la " mort de Chioné" de POUSSIN. Une photo?
Il se demande aussi qui a payé la différence entre 3,7 millions d'euros et les 100.000 euros de la Région, soit 3,6 millions d'euros.
Il se dit enfin, sans être opposé bien sûr à la culture, qu'on aurait pu en faire des choses avec 3,7 millions d'euros, lui qui a 25 ans, 1 master Bacc + 5 dans la poche et ... rien dans la poche ni en perspective dans la vie.

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