Tous les participants sont réunis dans 6 ateliers qui cherchent à inventer des solutions depuis l’arrivée du locataire (l’atelier 1 : “je cherche un logement”) jusqu’à son départ (atelier 6 “je quitte mon logement”). En partenariat avec Bouygues bâtiment, et la Caisse des Dépôts qui ont dû aider à financer la location du Double Mixte où se tient l’événement, et les tablettes sur lesquelles les participants phosphorent pour imaginer la future relation client des HLM, la fédération ARRA a bien fait les choses.
Philippe Montanay “je l’écoutais à la radio en 1996” se souvient Afia, fait tourner la parole d’Isabelle Rueff (présidente de l’Arra : “Notre valeur ajoutée d’organisme de location c’est de créer du lien social” à Aïcha Mouhaddab (directrice de l’Arra) qui donne les mots d’ordre de la réunion : “C pour pas de Censure, Q pour produire des idées en Quantité, F pour dire que c’est bien si elles sont Farfelues et D parce qu’après on les Démultipliera. Bref C.Q.F.D”.
Hélène Geoffroy, Secrétaire d’Etat à la politique de la ville est là aussi, arrivée par le TGV de 9h, elle repartira en compagnie du préfet délégué à l’égalité des chances, Xavier Inglebert, pour attraper le train de 11h26 en direction de Paris. Non sans avoir passé du temps à échanger avec les participants des ateliers, et avoir confié au micro de Philippe Montanay que la chercheuse qu’elle était il y a encore 4 mois se réjouit de voir autant de participants chercher des solutions.
L’atelier 3, justement, a pour thème “j’habite mon logement”. 18 tables de 5 participants qui ne se connaissent pas et qui doivent répondre à 3 questions, de la plus générale “pour vous l’accompagnement des locataires en difficulté c’est quoi ?” à la plus précise “quelles solutions concrètes puis-je apporter dans mon métier pour améliorer la situation des résidents”. Pour Marc Rousse, qui jure de l’efficacité de cette méthode et qui a été appelé à la rescousse par ARRA pour la mettre en oeuvre, si on demande aux gens de trouver des solutions sans être d’abord dans la généralité, le cerveau ne fonctionne pas correctement.
Sophie n’a pas l’air de penser comme lui. Quelque soit la généralité des questions posées, elle dicte aux responsable des tablettes qui prennent des notes : “On parle toujours des difficultés des locataires. Mais il faudrait que la satisfaction au travail des professionnels on en parle aussi”. Corinne approuve. Après 15 ans passés dans un office à l’accueil du public, faire des états des lieux, percevoir des loyers, elle connaît une forme d’épuisement. “Quand un locataire vient te parler de ses difficultés dans sa vie parce que son enfant a un handicap, moi je n’y connais rien. Je ne sais pas quoi lui dire. Il y a de plus en plus de locataires qui ont des problèmes psy. Ils sont en hôpital de jour mais la nuit ils sont chez eux. Et ça pose des problèmes terribles qu’on ne sait pas régler”.
Faire face à la souffrance et à l’agressivité des locataires est éprouvant. “Le délégué territorial, chez nous, a été agressé par un locataire mécontent; il n’a dû son salut qu’à sa voiture. Après, la direction nous a offert trois semaines de Zeus [un programme de médiation et maintien de la tranquillité que les offices HLM financent à Vénissieux] mais ils ne sont jamais venus prendre de nos nouvelles”. Afia nuance “Chez nous le DG est venu faire une semaine comme agent de résidence. Il faisait les montées d’escalier, il transpirait le pauvre”. Sophie s’interroge alors : “peut-être que les chefs se disent que nous on ne fait rien”.
Cette table d’atelier finira par proposer comme solution concrète : “améliorer la formation et la disponibilité des professionnels de l’habitat pour améliorer le service rendus aux locataires en difficultés”. Deux tables plus loin la solution du “camion social” pour apporter des services aux habitants qui ne viennent pas d’eux même le demander remporte un grand succès parmi les participants qui la “like” massivement conduisant les directeurs des offices HLM à y répondre. “Je préfèrerai mettre les immeubles sur roulettes” réagit Isabelle Rueff ce qui laisse songeur participants : “ça doit être une blague d’énarque”.
Reste qu’un des principes de la méthode collaborative est d’insister sur le nécessaire retour que les directions générales (qui ne participent pas aux ateliers) doivent faire aux propositions formulées par les professionnels. Il faudra donc voir la suite.
Mais pour l’heure il faut conclure la matinée d’atelier. Tôt le matin chacun devait commencer par se présenter en racontant une anecdote personnelle. Au moment de conclure, Sophie se remémore celle qu’elle aurait voulu donner en introduction “Quand je travaillais à Grand Lyon Habitat, des sauvageons ont mis le feu dans le hall. On avait un locataire très nerveux au premier étage qui a paniqué et qui a jeté ses enfants par la fenêtre pour échapper à un feu qui ne le menaçait pas du tout. Les voisins lui hurlaient de ne pas le faire. Les enfants n’ont rien eu mais lui a voulu descendre suspendu à un drap. Le drap a cédé, il est tombé il s’est cassé les deux bras. Le lendemain il est venu à l’agence pour se plaindre. Il avait les deux bras pris dans le plâtre, il ne pouvait pas bouger. On était partagé entre le rire et la tristesse”.
Les travaux des ateliers continuent ce mercredi.