Pourquoi vous avez pris l’initiative de cette contribution ?
Gérard Collomb : Parce que j’ai constaté un décalage de plus en plus important entre le discours national du Parti socialiste et l’action que je mène au niveau local en tant que maire de Lyon et président de la communauté urbaine. Mais aussi parce que j’ai réalisé que ce sentiment était partagé par de nombreux autres élus du PS.
Mais jusqu’à aujourd’hui, vous aviez au contraire refusé de vous impliquer dans les débats internes du PS…
C’est vrai. Mais ma réélection à la mairie a démontré la justesse de ma stratégie à ceux qui en doutaient encore au sein du PS. Surtout que j’ai remporté une très large victoire en gagnant sept arrondissements sur neuf. Du coup, cela m’a donné un poids et une légitimité supplémentaires.
Une expérience de maire, ce n’est pas un peu juste pour proposer un projet national ?
Mais on ne s’occupe pas que des crottes de chiens quand on est maire ! D’ailleurs, dans l’histoire de l’Humanité, les villes ont toujours été à la pointe des grands progrès de civilisation. Des cités grecques de l’Antiquité à la Révolution industrielle du XIXe siècle.
Mais face à la mondialisation, comment un maire peut peser sur le débat politique ?
Mais aujourd’hui, les villes sont au cœur de la mondialisation. Les problèmes économiques, par exemple, se posent de plus en plus au-delà des Etats. Prenez l’Américain Genzyme qui va s’installer à Gerland. S’il est venu, c’est parce que je suis allé au forum mondial des Biotechnologies à Chicago. Et si les investissements dans l’immobilier d’entreprises sont passés de 140 millions d’euros en 2000 à plus d’un milliard en 2007, c’est grâce à l’action volontariste de toute mon équipe.
Les grandes lignes de votre contribution au congrès du PS ?
Nous sommes avant tout des réalistes qui voient le monde tel qu’il est, et non tel qu’on voudrait qu’il soit ! Mais on est aussi des réformistes car on estime qu’on peut agir pour améliorer les choses. A condition de partir sur des bases nouvelles.
Ce n’est pas renoncer à un idéal du PS ?
Mais le PS ne peut pas faire l’économie d’une révision de ses grands principes. Car le PS raisonne sur la base d’une analyse économique dépassée. On n’en est plus à l’ère de la Révolution industrielle avec de grandes entreprises où les salariés passaient toute leur vie. Aujourd’hui, les PME jouent un rôle essentiel et elles exigent réactivité, souplesse. D’où notre intérêt pour la fameuse flexsécurité des Pays du Nord qui associe dynamisme économique et protection des salariés. D’ailleurs, Sarkozy, avant de se lancer dans l’élection présidentielle, a renouvelé les fondements idéologiques de la droite tout en réorganisant son parti.
Sarkozy, c’est un modèle pour vous ?
Non. Car Sarkozy pense au fond qu’il faut abaisser le coût du travail en Europe pour être plus concurrentiels par rapport aux pays émergents. Mais ce raisonnement peut nous emmener très loin car si on voulait se mettre au niveau des Chinois, il faudrait casser notre modèle économique et social. Moi, je pense au contraire qu’il faut se distinguer par l’innovation comme les Allemands qui ont su se positionner sur des marchés haut de gamme où ils s’imposent comme les meilleurs.
Vous êtes assez crédible pour défendre cette analyse ?
Ecoutez, je sais que certains se moquent de notre contribution en la surnommant “la contribution des campagnards”. Mais moi je me dis que si on nous brocarde, c’est que quelque part, on dérange !
Comment expliquez-vous ces réactions ?
C’est vrai qu’il y a un certain centralisme parisien. Quand Jean-Marc Ayrault a été élu président du groupe PS à l’Assemblée nationale, il s’est fait également critiquer comme l’inconnu de service. Tout simplement parce qu’il était maire de Nantes. Mais c’est une réaction dépassée car c’est au contraire une ville de Bretagne très dynamique. D’ailleurs, lui aussi a signé notre contribution.
Vous pensez pouvoir concilier votre souci de proximité et votre démarche nationale ?
Oui. Car c’est indissociable. Nous, on veut faire profiter le PS de notre expérience. Certains dirigeants nationaux estiment qu’on devrait au contraire prendre davantage de hauteur. Et bien moi je leur réponds qu’ils ont au contraire pris tellement de hauteur face aux problèmes qu’ils ont fini par se déconnecter de la réalité au point de perdre trois fois de suite l’élection présidentielle.
Aujourd’hui, votre contribution a vraiment un écho au PS ?
Oui. Avec plus de 400 signataires dont une centaine d’élus de poids, on ne peut plus nous ignorer.
Mais les médias s’intéressent surtout aux personnalités nationales du PS !
C’est vrai qu’on est loin d’avoir l’écho de Royal et Delanoë. Mais on gagne du terrain. Aujourd’hui, tous les médias font référence à notre contribution dès qu’ils parlent du prochain congrès du PS. Ce qui n’est pas mal car il y a plus d’une vingtaine de contributions. Alors qu’il y a six mois, on ne nous remarquait pas !
Certains vous reprochent de ne pas bien passer dans les médias notamment à la télé…
Ça ne me pose pas de problème car je suis capable de me remettre en cause. D’ailleurs, je fais de la politique depuis 30 ans et je crois avoir progressé. Y compris dans mon look ! Et je crois que je me suis aussi amélioré à la télé. Cependant, l’essentiel pour moi ce n’est pas de faire passer une image mais un message.
Il y a quand même un côté “paillettes” dans la politique aujourd’hui !
Et bien on trouvera quelqu’un de plus sexy que moi parmi les signataires de notre contribution si c’est indispensable ! Je suis certain qu’on n’en manque pas. Contrairement à ce qu’on nous reproche, on n’est pas un rassemblement de vieux barons. Il y a des femmes, des jeunes… Et puis le marketing ne fait pas tout. Sinon Sarkozy serait encore très haut dans les sondages. S’il a décroché, c’est que son côté people et bling-bling a montré ses limites.
Vous pensez avoir un destin national comme Michel Noir après son électio
Mercredi 20 Août 2008 à 15h07
Collomb : "On m'attaque parce que je dérange !"
Gérard Collomb a pris ses distances avec Ségolène Royal qu’il a soutenue pour la présidentielle, en présentant sa propre contribution pour le congrès du PS. Avec une analyse résolument réformiste.
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