Les origines d’Aimé-Victor Olivier ?
Tierno Monénembo : Il est né à Lyon en 1840 dans une famille très aisée qui habitait un bel immeuble à Perrache. Son père était un ingénieur chimiste réputé, qui sera engagé par le pionnier de la chimie lyonnaise, Claude-Marius Perret, dont il épousera la fille. Leur entreprise fabriquera de l’acide sulfurique pour toute l’Europe.
Quel style d’éducation il reçoit ?
Une éducation très dure dans une pension à Oullins tenue par des dominicains. C’est un élève brillant, d’abord au lycée d’Avignon où il suit ses parents qui ont une usine de produits chimiques. Puis à Paris au lycée Louis le Grand et ensuite à l’Ecole centrale. Avant de diriger l’usine familiale à Marennes près de Royan. Et il devient même maire de Marennes. Mais il va construire aussi des usines chimiques en Russie, en Espagne, en Islande, en Suède...
Sa personnalité ?
C’est un jeune homme têtu, courageux, sportif et qui a le goût du risque. Il a vaincu le mont Blanc, les volcans d’Islande... Une année il a même sauvé un bateau qui coulait dans la baie de Marseille ! Bref, c’est un aventurier qui aime se dépasser. Mais c’est aussi un rêveur qui veut changer le monde. Et il a une passion dévorante pour l’Afrique.
Pourquoi cette passion pour l’Afrique ?
Parce que la conquête de l’Afrique à la fin du XIXe siècle, c’est un peu comme la conquête de la Lune ou de Mars aujourd’hui ! A l’époque, il y a une vraie fascination pour ces explorateurs. Et le grand rêve d’Olivier, c’est de partir en Afrique, car il pense que l’Africain c’est l’avenir du monde. Il répète que “les gènes de l’homme blanc sont usés, que c’est à l’homme noir de prendre le relais”. Et puis c’est un évolutionniste, c’est-à-dire qu’il pense que les climats changent et que les glaciers vont envahir l’Europe. Du coup, il est persuadé qu’on doit se rapprocher de l’Equateur pour créer un royaume qui réunirait Blancs et Noirs. Et il veut devenir le roi de cet empire ! Bref, c’est un illuminé total !
Comment il prépare son départ ?
Il lit énormément d’ouvrages sur l’Afrique. Et il a l’appui de son beau-père, Jean-Baptiste Pastré, le plus grand armateur de Marseille, qui est propriétaire de nombreux magasins coloniaux sur les côtes africaines : à Dakar, Gorée... Olivier s’est aussi fait construire une superbe villa à Boulam dans l’actuelle Guinée Bissau, une maison plus grande que celle du gouverneur portugais de la région ! Et finalement, en 1879, il part en bateau de Marseille pour Dakar. Il a alors 39 ans.
Ce qu’il fait en Afrique ?
Après quelques semaines à Boulam, il rejoint sa destination finale : le Fouta Djalon, c’est-à-dire la Guinée actuelle. Un pays stratégique, situé près des côtes et au centre du continent africain. De plus, au Fouta Djalon, vivent des élites qui savent lire et écrire. Olivier est à la tête d’une centaine d’hommes : des porteurs chargés de ses nombreux bagages et cadeaux, des gardes du corps sénégalais armés...
Comment il est accueilli au Fouta Djalon ?
Pas très bien. Pendant deux mois, il est même détenu par le roi du pays, l’Almani. Mais comme il est très malin, il finira par se faire accepter. Grâce à ses cadeaux, mais aussi par ses qualités humaines. Car il est venu tout seul et il compte seulement sur sa séduction et sa force de persuasion. Il veut connaître les gens, pas les conquérir. D’ailleurs il apprend vite le peul, le dialecte local. Résultat, il devient un citoyen peul et il est même anobli par l’Almani. Mais au bout d’un an, il revient en France.
Pourquoi il revient si rapidement en France ?
Parce qu’il veut convaincre les autorités françaises de le soutenir pour devenir roi d’Afrique ! Mais on le prend pour un fou. Pire, l’Etat français envoie une délégation au Fouta Djalon, mais sans lui demander de faire partie de cette délégation ! Et il le vit très mal car la France ne s’était jamais intéressée à ce pays jusque-là !
Il renonce alors son projet ?
Non, en 1888, il retourne au Fouta Djalon. Avec un objectif précis : obtenir une terre à partir de laquelle il construirait un chemin de fer qui traverserait l’Afrique jusqu’à l’océan Indien, soit près de 9 000 kilomètres ! Il veut en profiter alors pour racheter toutes les terres le long de sa voie ferrée et devenir le roi du continent. Car entre-temps, le souverain du pays lui a accordé le titre de roi de Kahel, un plateau de 20 kilomètres de longueur situé au centre du pays. Il devient alors un vrai souverain sous le nom de “Yémé”, il forme une armée de 3 000 soldats, crée une monnaie, le kahel... Mais la France va très vite s’opposer à lui.
Pourquoi la France s’oppose à lui ?
Parce qu’il gêne ses ambitions dans la région ! Du coup en 1896, la France déclare la guerre au Fouta Djalon et chasse Aimé-Victor Olivier du Kahel. Il s’installe alors à Conakry avec son fils qu’il a fait venir de France. Mais les Français continuent de le persécuter, en lui promettant même 5 000 hectares de terre s’il renonce au Kahel. Mais il refuse. Finalement, les autorités françaises l’obligent à quitter l’Afrique après quatre ans de harcèlement. Il rentre alors à Marseille en 1900.
Ce qu’il devient à Marseille ?
Il est déprimé et quasi ruiné, alors qu’il était devenu célèbre dans toute l’Europe grâce à ses récits de voyage qu’il publiait régulièrement. Et il meurt à Marseille en 1919 où il est enterré. La France a réussi à le faire oublier. Mais ce vrai personnage de roman a pourtant marqué l’histoire africaine.
Propos recueillis par Aymeric Blanc
Jeudi 21 Août 2008 à 08h59
Un Lyonnais roi de l'Afrique
Aimé-Victor Olivier est devenu roi d’une région de la Guinée à la fin du XIXe siècle. Interview de Tierno Monénembo, auteur d’un ouvrage sur ce Lyonnais au destin incroyable.
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