Votre parcours ?
Virginie Ollagnier : Je suis née en 1970 à Lyon. Mon père était prof de médecine et ma mère kiné. Mais ce qui a surtout marqué mon enfance, c’est ma dyslexie. Car j’ai rencontré d’importantes difficultés scolaires, en français notamment. Je mélangeais les mots, je ne comprenais rien aux accents, à la grammaire... J’ai même dû redoubler mon CP, la pire année de ma vie, puis ma quatrième. Et à l’époque, je pensais vraiment que j’étais bête car la dyslexie était mal diagnostiquée et surtout pas traitée.
Comme vous avez fait pour vous en sortir ?
D’abord, je suis devenue la reine de la cour de récré. Car je racontais des histoires incroyables. J’avais vraiment beaucoup d’imagination et j’étais à l’aise à l’oral. Ensuite, j’ai mis en place quelques astuces d’apprentissage, notamment grâce à mes parents qui, je le suppose aujourd’hui, étaient également dyslexiques mais qui avaient réussi à vivre avec. Et finalement, j’ai quand même obtenu un bac littéraire, puis j’ai enchaîné avec une maîtrise de photo. Et j’ai décidé d’intégrer Sciences-Po. Ce qui était une façon de tester mon QI. J’ai alors compris que je n’étais pas plus stupide qu’une autre et j’ai arrêté mes études !
Ce que vous avez fait après vos études ?
Je suis devenue formatrice en français pour une association qui proposait de l’aide à domicile ! J’aidais des femmes en réinsertion qui souhaitent se remettre à niveau ! C’est très enrichissant car je comprends leurs difficultés. Mais évidemment, je n’avais jamais imaginé publier un livre car l’écriture restait un calvaire...
Comment vous avez écrit votre premier livre ?
En 1999, alors que je venais d’avoir un enfant, mon ami, Jérôme Jouvray, un des auteurs de la BD Lincoln, m’a offert un ordinateur portable. Et avec cette machine, j’ai pu réapprendre à écrire. J’ai alors rédigé une nouvelle que j’ai envoyée à une maison d’édition. Elle n’a pas été publiée mais un autre éditeur s’est ainsi intéressé à moi. A l’époque, je travaillais sur mon premier roman, “Toutes ces vies qu’on abandonne”. Le problème, c’est que cette maison d’édition a été rachetée et on m’a rendu mon bouquin. Du coup, j’ai laissé tomber.
Pourquoi ce roman a finalement été publié ?
C’est Jérôme qui, en janvier 2006, a envoyé mon roman à quatre éditeurs, sans que je le sache. Et finalement Liana Levi a décidé de publier “Toutes ces vies qu’on abandonne”. Un livre qui se déroule à la fin de la Première Guerre mondiale et qui évoque la vie des gueules cassées mais aussi le rôle joué par les pionniers de la psychiatrie. Et à ma grande surprise, ce livre a été bien accueilli par la critique, il a obtenu dix prix... De plus, les libraires m’ont beaucoup soutenue. Résultat, j’ai vendu pas loin de 10 000 exemplaires. Ce qui est un joli succès pour un premier roman, édité par une maison d’édition assez jeune.
Le sujet de votre deuxième roman ?
C’est le parcours d’un Russe blanc, Zoltàn Soloviev, qui, à 10 ans, doit fuir son pays en 1920 après la révolution bolchevique et qui va vivre en France, puis dans l’Amérique des Années folles... Avec en toile de fond plusieurs femmes qui vont marquer sa vie. Mais, à 60 ans, il fait le bilan, se pose des questions. Et surtout il décide de ne plus être parfait, de ne plus être celui qu’on attend qu’il soit... Et il va commencer à prendre des risques. Mais aussi à dévoiler un certain nombre de ses défauts...
Pourquoi ce thème ?
D’abord parce que je suis passionnée par la Russie et sa littérature, notamment les œuvres de Gogol, de Dostoïevski... Des univers complexes et déjantés avec de nombreux personnages extraordinaires. Ensuite parce que cette histoire d’amour entre un homme et une femme de 20 ans son aînée m’a rappelé la vie de ma grand-mère... Enfin, j’avais envie de parler d’homosexualité, de la paranoïa des Etats-Unis, de l’influence de la société sur nos comportements... Et au final, je pense que ce livre est assez complexe. Mais il m’a complètement habitée.
Vous pensez avoir le même succès qu’avec votre premier roman ?
Je ne sais pas. Mais ça ne m’obsède pas. J’ai commencé à écrire à 30 ans. Et je sais que j’ai déjà de la chance d’être éditée ! Surtout avec mon parcours de dyslexique. Donc je ne me fixe pas d’objectifs précis. Evidemment, j’aimerais que ce roman plaise aux lecteurs. D’autant plus qu’il sort en septembre, pour le grand rendez-vous de la rentrée littéraire. C’est donc un vrai pari.
Vos projets ?
Normalement, je vais publier une BD avec Guillaume Martinez à partir de la nouvelle que j’avais écrite en 1999. Une histoire assez sombre de vengeance qui pourrait sortir fin 2009. Mais je réfléchis aussi à un troisième roman. Toujours sur le thème de la guerre. Mais plutôt de la guerre psychologique. Et ça pourrait se passer en Roumanie après la Seconde Guerre mondiale. Mais ça peut encore changer. En fait, je vais me laisser un peu de temps pour que mes personnages s’imposent...
Propos recueillis par Maud Guillot
Un talent confirmé
Nice, mars 1968. Zoltàn Solviev, 60 ans, assiste à l’enterrement de Jiska qui a été sa maîtresse 40 ans plus tôt. Et cet écrivain russe expatrié aux Etats-Unis va alors rencontrer la petite-fille de son premier amour, Iéva. Ce qui va le pousser à repasser le film de sa vie. Avec, comme point de départ, la fuite de sa famille, de riches propriétaires terriens chassés par la révolution russe. Vers la France puis les Etats-Unis où il va construire sa vie, en se mariant.
Ce second roman de Virginie Ollagnier est bien maîtrisé comme son premier roman, “Toutes ces vies qu’on abandonne”. Avec une écriture recherchée, précise... Et de nombreux va-et-vient entre le présent et le passé. Alors que les personnages complexes sont bien construits. Bref, un bon roman qui confirme le talent de son auteur.
L'Incertain, Virginie, Ollagnier, Editions Liana Levi, 22 euros