“Aux dernières élections municipales, il y a eu des perdants et des gagnants. Mais aujourd’hui, l’UMP doit s’inspirer des stratégies gagnantes !” Philippe Cochet n’a jamais eu peur de dire franchement ce qu’il pense. Tout à fait dans le style Sarko. D’ailleurs, quand on lui demande pourquoi il veut devenir le leader de l’UMP dans le dépatement du Rhône, sa cible, c’est bien sûr Dominique Perben qui n’a pas réussi à reprendre la ville de Lyon à Gérard Collomb en mars dernier. “Cela fait deux fois que la droite se ramasse à Lyon ! Et cette fois, c’était encore pire qu’en 2001 !” Et cet élu est prêt à déclarer sa candidature pour l’élection du président de l’UMP en décembre prochain. D’ici là, il va devoir mener une campagne interne pour mobiliser ses troupes, car ce scrutin va se dérouler en deux étapes. Tout d’abord l’élection des délégués de circonscription par les militants en novembre, puis l’élection du président par ces mêmes délégués un mois plus tard. Même s’il répète qu’il ne veut pas “diviser l’UMP” ni “lancer de chasse aux sorcières”, on le sent prêt à lancer son offensive. Et il ne se prive pas pour pointer les insuffisances du management actuel de l’UMP lyonnaise en soulignant que lui a fait passer le nombre d’adhérents de sa circonscription de 250 à près de 1 000 en quelques années. “Sans adhésion bidon !”
Cochet a effectivement quelques atouts. C’est d’abord, à 47 ans, un des symboles des nouveaux cadres du parti qui ont permis à Nicolas Sarkozy de gagner l’élection présidentielle. Il a ensuite un bon bilan électoral puisqu’il a gagné dès le premier tour la ville de Caluire mais aussi sa circonscription au printemps dernier. Et aux élections cantonales, ses candidats ont repris deux cantons aux centristes. Enfin, il a une stratégie claire : “prendre Lyon par la périphérie”. Pour lui, l’UMP doit être capable de gagner suffisamment de communes de l’agglomération aux prochaines élections municipales pour faire élire un président de la communauté urbaine de droite. Ce qui permettrait de “rééquilibrer” le rapport de force en évitant que le maire de Lyon, la ville-centre, “impose ses vues”. Ancien secrétaire général adjoint de l’UMP devenu aujourd’hui délégué à la réforme, c’est aussi un cadre qui compte dans l’appareil au niveau national.
Principal handicap de cet élu : son côté entier et direct qui a fait de lui un spécialiste des déclarations musclées alors que la droite lyonnaise préfère habituellement les arrangements en coulisse. “Je suis ni brutal ni jusqu’au-boutiste, mais je défends des convictions”, se défend Cochet.
Face à lui, Dominique Perben peut mettre en avant son expérience d’ancien ministre mais aussi son bilan à la tête de l’UMP du Rhône qu’il a su rassembler et réorganiser tout en imposant un certain renouvellement. En revanche, à 63 ans, il semble être un homme du passé. Sa seule chance de rebondir étant que Sarkozy prenne Michel Mercier comme secrétaire d’Etat en lui imposant de laisser son fauteuil de président du conseil général à Perben. Ce qui est loin d’être gagné.
Mais Perben a encore des chances de garder son fauteuil, car à l’UMP, un certain nombre d’élus sont déterminés à barrer la route à Cochet. Par conviction ou intérêt. Notamment les fidèles de Perben. Car les élus lyonnais qui ont mené campagne aux côtés de l’ancien député-maire de Chalon se sentent visés par les attaques de Cochet. Pas question pour eux de se faire traiter de loosers sans réagir. Ni de se s’écarter sans résister. “Dominique Perben peut être candidat à sa propre succession. C’est même légitime”, insiste par exemple Patrick Huguet, l’ancien maire UMP du 3e arrondissement. Pour cet élu, on ne peut juger Perben sur son seul échec des dernières élections municipales à Lyon. “C’était plus facile pour Cochet qui devait simplement se faire élire dans une ville et une circonscription qui votent à droite depuis des années. Alors que nous, on devait reprendre Lyon à la gauche.” De plus, il estime que Perben est le seul candidat qui peut faire la synthèse. Entre “l’aile droite” de l’UMP, c’est-à-dire les sarkozystes libéraux comme Cochet, et “l’aile gauche” se réclamant d’un certain “gaullisme social”, comme François-Noël Buffet, sénateur-maire UMP d’Oullins qui avait choisi Dominique de Villepin dans la course à l’investiture UMP pour l’élection présidentielle. “Perben a pacifié la situation”, affirme Huguet.
Autre poids lourd que Cochet pourrait trouver sur sa route : François-Noël Buffet, justement. Cet avocat de 45 ans a même sérieusement envisagé de se lancer lui-même dans la course à la présidence de l’UMP. Mais on le voit mal défier Perben qui l’a aidé en 2004 à se faire élire sénateur. “Je me suis posé la question après les élections municipales”, avoue Buffet sans cacher qu’il conserve “une certaine fidélité à Dominique Perben” tout en souhaitant qu’il s’entende avec Cochet sur une candidature unique “pour éviter que l’UMP paraisse aussi divisée que le PS”. De plus, cet élu réputé lui aussi pour son style direct est devenu plus diplomate. Et c’est surtout un pragmatique. Après avoir accepté d’être vice-président de la communauté urbaine aux côtés de Gérard Collomb en 2001, il a démissionné fin 2004 sur pression du ministre des Transports qui voulait que l’UMP rentre dans une opposition frontale avec le maire de Lyon. Même s’il a eu parfois des doutes sur cette stratégie, il l’a mise en œuvre loyalement. Mais Buffet a tout de même obtenu de Collomb, le président du Grand Lyon, le prolongement du métro jusqu’à Oullins. Bref, il semble préférer que l’UMP continue à gérer en douceur les rapports droite-gauche à la communauté urbaine avec Perben plutôt que Cochet relance les hostilités. Même s’il refuse d’être complaisant avec Collomb, il préfère jouer la carte de la modération plutôt que laisser le maire de Caluire lui faire de l’ombre.
D’ailleurs, un certain nombre d’autres quadras de l’UMP aimeraient tout autant ralentir l’ascension de Cochet. Alors que leur ralliement lui permettrait pourtant à coup sûr de l’emporter. Et visiblement, ils préfèrent risquer le statut quo plutôt que le reconnaître comme leur “patron”. Ce sont aujourd’hui des partisans du ni-ni. Impossible de leur faire prendre parti pour l’un ou l’autre candidat. Leur argument : le dépôt officiel des candidatures n’étant pas encore ouvert, la question ne se pose donc pas. Et au final, ils estiment qu’il n’y aura même qu’un seul candidat, car Perben et Cochet vont réussir à s’entendre pour éviter justement une nouvelle bagarre interne qui relancerait les divisions. C’est le cas de Philippe Meunier, le nouveau député UMP de Saint-Priest. “Cochet est un candidat légitime mais Perben n’a pas démérité et il ne faut pas qu’il sorte du jeu politique lyonnais”, explique cet élu de 42 ans. Et il se permet d’estimer Cochet un peu vantard : “Sa victoire à Caluire n’a rien d’un exploit ! Car c’est toujours plus facile de garder une ville à droite, comme il l’a fait avec Caluire, que reprendre une ville à la gauche comme l’a essayé Perben !” Bref, il ne croit pas que Cochet fasse des miracles. Et il critique même sa stratégie : “On ne doit pas faire la guerre aux Lyonnais ! Si on passait les élus à la trappe chaque fois qu’ils perdent, il n’y aurait plus grand monde.”
Enfin, la gauche n’a non plus rien à gagner d’une ascension trop rapide de Cochet. “S’il est élu président de l’UMP, il ne va pas nous lâcher et l’opposition sera ingérable”, avoue un élu PS. Et même si Collomb n’a aucun pouvoir sur l’UMP, les subventions de la communauté urbaine jouent un rôle déterminant dans tous les grands projets. Il peut donc choisir d’accélérer ou de ralentir les aménagements urbains dans une commune, permettant ainsi à un maire d’afficher ou non un bon bilan aux prochaines élections municipales. En privilégiant les élus de droite prêts à cogérer le Grand Lyon avec lui. Cochet a d’ailleurs beaucoup reproché à certains maires du val de Saône de s’être ainsi laissé “acheter”. Une stratégie dure qui lui vaut aujourd’hui un certain nombre d’ennemis chez les “petits” élus de l’agglomération, d’autant plus qu’elle s’est soldée par un échec.
“Si Perben ne s’efface pas, la bataille va être sanglante”, promet un vieux briscard de la droite lyonnaise. D’ailleurs, Michel Havard, le nouveau président du groupe UMP au conseil municipal de Lyon, tient à éviter un tel affrontement. Car Cochet ne lâchera pas.
Mais Cochet peut emporter ce bras de fer, car sa circonscription représente près de 860 adhérents sur les 7 000 du Rhône. Et trois autres circonscriptions de poids pencheraient plutôt de son côté. A savoir celle de Saint-Genis-Laval dans l’Ouest lyonnais, tenue par le député Christophe Guilloteau, et celle de Givors où le nouveau centre Raymond Durand a succédé à Georges Fenech. De plus, la nouvelle défaite de la droite lyonnaise face à Collomb a marqué les esprits. D’ailleurs, en juin dernier, le Lyonnais Michel Havard, alors secrétaire départemental de l’UMP, a dû laisser sa place à Michel Forissier, réélu maire de Meyzieu, une ville qu’il a reprise à la gauche après 30 ans de pouvoir sans partage. Ce qui était déjà une manière de reconnaître que les élus UMP de l’agglomération méritaient davantage de place dans la structure compte tenu de leur réussite électorale.
“S’il doit y avoir une primaire, je jouerai le jeu”, insiste Cochet en précisant : “Et si je la perds, je ne vais pas en mourir. C’est la démocratie”, lance le député-maire UMP de Caluire qui ajoute : “Le pire, c’est l’absence de compétition. Car on finit par s’endormir.” D’ailleurs, son élection à la tête de l’UMP pourrait aussi redynamiser le débat politique lyonnais un peu écrasé par la victoire magistrale de Gérard Collomb aux dernières municipales.
Lionel Favrot