Portrait : Claude Puel l'intransigeant

Portrait : Claude Puel l'intransigeant

A 47 ans, l’entraîneur Claude Puel est le nouvel homme fort de l’OL, avec des pouvoirs élargis et un contrat longue durée. Une première sous le règne d’Aulas. Portrait.

Mercredi 13 août, 12h, centre d’entraînement de l’OL à Gerland. Après deux heures de travail intense en plein soleil, la séance s’achève. Epuisés, les joueurs rentrent au vestiaire. Seul un homme reste sur le terrain pour se lancer dans une série de pompes frénétiques : Claude Puel, le nouvel entraîneur de l’OL qui vient d’avoir 47 ans.

“Bourreau de travail”, “ultra-perfectionniste”, “intransigeant”... Tous ceux qui le connaissent sont unanimes : après une saison de laisser-aller avec Alain Perrin, l’ancien entraîneur de Lille va remettre de l’ordre à l’Olympique lyonnais. Sec, le visage anguleux et un regard perçant, cet ancien joueur impose naturellement le respect. “Il va combler certains manques qui sont apparus à l’OL l’an dernier, en apportant beaucoup de rigueur à Lyon”, explique à Lyon Mag Laurent Blanc, le coach des Girondins de Bordeaux, principal rival de l’OL cette saison.

Et c’est vrai que le parcours de Puel est à son image : net et sans bavure. Il naît à Castres en 1961, dans une famille de la classe moyenne, son père est ouvrier et sa mère fonctionnaire. Dans cette région où le rugby est roi, le petit Claude devient rapidement un passionné de foot. Après des débuts à l’Etoile sportive castraise, cet enfant sage, qui s’ennuie à l’école, intègre en 1977 le centre de formation de l’AS Monaco, où il passera professionnel au début des années 1980. Il fera toute sa carrière dans ce club en défense puis en milieu de terrain avant d’arrêter en 1996, à 34 ans. Avec un joli palmarès dont deux titres de champion de France en 1982 et 1988. Réputé pour sa combativité, il devient alors entraîneur adjoint de Jean Tigana, en charge de la préparation physique du club monégasque.

Mais en janvier 1999, Tigana est licencié. Un tournant dans la carrière de Claude Puel, qui prend en main l’équipe. Il ne faudra qu’un an au nouvel entraîneur pour faire ses preuves, puisqu’il remporte le titre de champion de France en 2000. En dirigeant Barthez, Sagnol, Trezeguet... Des stars qui vont quitter le club en fin de saison. Résultat, l’année suivante se passe moins bien, avec une décevante 12e place en championnat de France. Du coup, Puel est viré sans ménagement. Après 24 ans au club !

“Le futur Arsène Wenger”
Mais il rebondit au bout d’un an à Lille en 2002 en s’inscrivant, là encore, dans la durée, puisqu’il restera six ans dans le Nord. Et avec des moyens plus limités qu’à Monaco, il obtient des résultats exceptionnels. Dont deux qualifications en Ligue des champions. Elu meilleur entraîneur de Ligue 1 en 2000 et 2006, il fait partie de la short list de Jean-Michel Aulas pour remplacer Paul Le Guen en 2005. Mais finalement, Puel refuse de venir. Cependant en juin dernier, les dirigeants lyonnais reviennent à la charge. Et cette fois, Claude Puel cède, avec l’accord de son président. Il est nommé entraîneur général de l’OL pour quatre ans avec des pouvoirs élargis : équipe première, recrutement, formation... “C’est pour moi le futur Arsène Wenger”, assure alors Jean-Michel Aulas.

Il faut dire que Puel a deux qualités indispensables pour réussir à l’OL : un esprit de compétiteur exacerbé et une personnalité discrète, très “lyonnaise” au fond. D’abord, Puel ne supporte pas la défaite et il est d’une grande rigueur. Ce milieu de terrain défensif au talent limité, annoncé systématiquement remplaçant en début de saison, a d’ailleurs réussi une carrière exemplaire avec près de 500 matchs disputés en Première Division. Car ce joueur agressif ne baisse jamais les bras. “Une année en début de saison, il avait lancé à son coach, Arsène Wenger : “Je ne suis pas dans l’équipe mais vous serez obligé de m’y mettre” ! Et il a eu raison !” raconte Jean Petit, entraîneur adjoint de l’AS Monaco qui l’a côtoyé pendant 25 ans. Et sur le terrain, Puel deviendra même capitaine car c’est un vrai leader. “Une défaite le rend malade. C’est le genre à ne pas dormir de la nuit et à regarder quatre ou cinq fois le match d’affilée !” ajoute Jean Petit.

“Pas un dictateur”
Devenu entraîneur, Puel a gardé la même rage de vaincre, participant très souvent aux séances d’entraînements. D’ailleurs depuis juillet, les joueurs lyonnais ont pu goûter aux tacles agressifs de leur nouveau coach. “Une fois à Monaco, il a failli se battre avec le défenseur ivoirien Salif Diao, un colosse qui devait mesurer 1,90 m !” raconte Christophe Pignol, coaché par Claude Puel pendant un an et demi à Monaco. “J’ai un besoin viscéral de compétition, d’adrénaline... C’est indispensable pour mon équilibre. Sinon je deviens paresseux”, se justifie Claude Puel.

Mais le nouvel entraîneur de l’OL, qui est père de trois enfants, est aussi un boulimique de travail. “A Lille, il était le premier arrivé le matin et le dernier à repartir le soir”, se souvient Antoine Placer, journaliste à La Voix du Nord. Et après chaque match à l’extérieur, Puel visionne le DVD de la rencontre dans l’avion du retour ! Et le lendemain, il peut aller voir jouer l’équipe réserve. Forcément, Puel exige le même engagement de ses joueurs. Quitte à froisser leurs ego. D’ailleurs il lui est déjà arrivé de remplacer un joueur qui ne lui donne pas satisfaction au bout de quelques minutes de jeu seulement.

Une intransigeance qui a aussi ses limites. “Depuis que Puel est parti, tous les joueurs de Lille disent qu’ils dialoguent davantage avec leur nouveau coach, Rudi Garcia”, souligne Antoine Placer. “C’est vrai que s’il doit changer quelque chose, c’est peut-être de devenir plus souple. Parfois, il est un peu trop directif et trop frontal”, analyse Jean Petit. “Mais ce n’est pas du tout un dictateur”, nuance Christophe Pignol. “A Monaco, j’étais en conflit avec lui parce qu’il ne me faisait pas jouer. Et même s’il m’a envoyé en équipe réserve, il m’a toujours témoigné du respect.”
“Mais j’ai évolué”, se défend Claude Puel. “Quand j’étais joueur, j’étais intolérant vis-à-vis de mes partenaires : je ne comprenais pas qu’une défaite ne les rende pas malades. Aujourd’hui, j’ai mûri et j’ai compris que tout le monde n’est pas comme moi.”

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