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Livre : une Lyonnaise énarque mais toujours rebelle

Livre : une Lyonnaise énarque mais toujours rebelle

Fille d’un cadre de la Lyonnaise de banque, Anne Joubert a rompu avec ses parents pour devenir zonarde. Avant de réussir l’ENA. Un parcours étonnant qu’elle raconte dans un livre.

Votre parcours ?
Anne Joubert : Je suis originaire d’un milieu aisé. Mon père était cadre à la Lyonnaise de banque et on habitait un quartier bourgeois de Lyon, le 6e arrondissement. D’ailleurs, au lycée du Parc, les profs nous répétaient qu’on faisait partie de l’élite. C’est cet itinéraire tout tracé que j’ai refusé.
Vos parents étaient durs avec vous ?
Ils m’ont donné une éducation très traditionnelle. Et moi, j’avais vraiment la rage. J’ai insulté mes parents, je leur ai piqué du fric... Du coup, ils m’ont emmenée voir des psys, ce qui n’a servi à rien, sauf à me procurer des médicaments pour faire plusieurs tentatives de suicide.
Vos idées politiques à l’époque ?
Je militais dans un groupuscule anarchiste, le CRI, Création Révolution Imagination. Et on a mené quelques actions spectaculaires. Exemple : on a lancé du PQ dans le Palais de la Bourse pour montrer à tous ces agents de change que leur fric, c’était de la merde. On s’est aussi introduit de nuit dans le métro qui venait d’être inauguré, pour tagger les murs de slogans anticapitalistes. Ce qui a fait à l’époque la une du Progrès.
Comment vous avez quitté vos parents ?
Le jour où on m’a fait redoubler ma terminale pour que j’obtienne un bac avec une mention. Là, je me suis mise à sécher les cours. Et j’ai commencé à vivre dans des squats à Saint-Jean car je me suis dit que j’apprendrais plus de choses qu’au lycée ! C’était en 1979. J’avais alors 17 ans.
Comment vous viviez dans ces squats ?
Ça a été très difficile car je n’étais pas habituée à des conditions de vie aussi dures. J’ai même failli mourir d’une pneumonie. Et puis beaucoup de zonards avaient perdu leurs illusions libertaires dans l’alcool et la drogue. En plus, il y avait très peu de femmes. Mais j’ai réussi à m’imposer car pour faire la manche, j’étais terrible. Je ramenais dix fois plus de fric que les autres !
Vous n’avez jamais été agressée ?
Si, un jour, un automobiliste qui nous avait ramenés chez lui avec mon ami Pierre, soi-disant pour nous offrir à manger, nous a brutalement sautés dessus. Pierre n’arrivait pas à le maîtriser et son chien, Cocaïne, s’est enfui ! Mais on a finalement réussi à s’en sortir.
A l’époque, les zonards étaient tolérés ?
Oui, on a même rencontré des gens qui nous ont nourris, parfois logés. Notamment un prêtre qui avait une communauté en Ardèche. En revanche, les policiers étaient très violents. Tabassage, viol, voire pire... Car si un zonard disparaissait, personne ne s’inquiétait !
Vous avez essayé de vous en sortir ?
Non, car c’était pour moi la liberté totale. On faisait du stop, on prenait le train sans payer, et on s’est aussi pas mal drogué. Mais le jour où j’ai eu ma première fille, à 19 ans, j’ai repris mes études car je ne voulais pas qu’elle finisse à la DASS.
Quel genre d’études ?
Comme je rêvais d’être journaliste, mon père m’a aidée à entrer à l’Efap, une école lyonnaise d’attachés de presse. Un diplôme qui ne vaut pas grand chose mais c’était mieux que rien ! Du coup, j’ai fait un deal avec les zonards. Je continuais la manche mais tous les soirs, ils me laissaient bosser. Puis j’ai trouvé un travail à Politis, un hebdo tiers-mondiste. J’ai aussi beaucoup manifesté avec la LCR mais sans prendre ma carte. Mais après le dépôt de bilan de Politis, j’ai eu du mal à retrouver un travail. Car j’étais étiquetée gauchiste ! En plus, j’avais deux filles. Du coup, j’ai passé mon Capes en 1993. Et j’ai demandé à être nommée prof de lycée dans une zone d’éducation prioritaire.
Vos souvenirs de prof ?
Les ados étaient dépolitisés, individualistes, parfois violents... Et ils étaient persuadés qu’ils n’avaient que deux options pour s’en sortir : passer à la star academy ou devenir footballeur. Bref, ils étaient obsédés par le fric. Mais j’y croyais. Alors j’ai essayé de leur montrer d’autres horizons, de monter des projets culture... C’était une période difficile mais passionnante. Mais le jour où j’ai senti que je tombais dans la routine comme mes collègues, je me suis lancé un nouveau défi. Et j’ai préparé le concours d’entrée à l’Ena que j’ai réussi en 2005. J’avais alors 43 ans.
Vous avez été bien accueillie à l’ENA ?
Oui. J’ai retrouvé des jeunes gens aisés mais ouverts. Et puis j’ai eu la chance de revenir à Lyon pour faire mon stage à la mairie où on m’a confié la direction par intérim du secteur enfance. En plus, j’ai pu m’occuper de mes parents malades dont je me suis alors rapprochée.
Comment s’est passé ce stage à la mairie de Lyon ?
J’ai constaté que les ségrégations sociales se sont accentuées à Lyon depuis la fin des années 70. Mais j’ai senti que la mairie avait une réelle volonté de réduire ces ghettos. Exemple : ils n’ont pas hésité à construire des logements sociaux dans le 6e arrondissement.
Votre boulot aujourd’hui ?
Je suis chargée de la lutte contre l’exclusion, sous la responsabilité du ministre du logement Christine Boutin et de Martin Hirsch, haut commissaire chargé de la lutte contre la pauvreté. Un poste où mon expérience de la vie m’est très utile ! On travaille sur le micro-crédit, l’insertion, l’aide alimentaire...
Ça ne vous gêne pas de travailler pour Sarkozy ?
Non, car ce gouvernement fait aussi des efforts sur le plan social, par exemple avec le RSA. Mais j’ai de la sympathie pour Olivier Besancenot qui dénonce ce système. D’ailleurs, la crise financière actuelle lui donne raison.
Au fond, vous n’êtes pas qu’une petite bourgeoise révoltée qui a fait un peu de tourisme chez les exclus ?
C’est vrai qu’à la différence des gens que je côtoyais à l’époque, je savais que je pouvais en sortir. Mais je suis restée fidèle à mes valeurs libertaires. Des valeurs que je crois avoir transmises à mes deux fi

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