“Laissez-moi parler !” Avant de rencontrer Waldemar Kita, le ton est donné. Puisque dans la salle d’attente de ses superbes bureaux du XVIe arrondissement à Paris, le patron du FC Nantes s’énerve au téléphone. Et tout le monde peut en profiter. Et quand il nous accueille, il reste assez distant. Un peu méfiant, sourire forcé... Mais dès qu’il parle de foot, il s’enflamme. Yeux bleus perçants, voix forte, accent polonais prononcé... Un sacré personnage qui passe du coup de gueule aux éclats de rire, sans transition. Agressif et tout à coup complice, chaleureux... Mais toujours surprenant : Fan de Gabin, des Stones, de Zola, de Freud... Et qui vous lâche sans rire : “Je n’ai jamais connu l’échec.”
Tout à fait dans le style de ce personnage que les passionnés de foot découvrent depuis que son club est monté en Ligue 1 : un coach viré au bout de trois matchs, des supporters en colère, des déclarations fracassantes... Car ce self-made-man qui a tout réussi veut aussi s’imposer dans cet univers impitoyable du football.
Waldemar Kita naît en Pologne en 1954 dans une famille de la nomenklatura, la bourgeoisie version communiste. Son père, qui est colonel dans l’armée, est un proche du général Jaruzelski. A l’âge de cinq ans, il découvre le foot qui devient sa grande passion. “Dans une dictature comme la Pologne de l’époque, le foot, c’était la seule façon de s’exprimer librement” explique Kita. Après la mort de son père d’une crise cardiaque en 1967, il s’installe en France à 15 ans avec sa mère, à La Mûre, près de Grenoble. Après un diplôme d’opticien-optométriste, il travaille dans plusieurs entreprises qui fabriquent des lentilles de contact, avant de se lancer en 1987 en créant Cornéal, près d’Annecy. Qu’il revendra 20 ans plus tard au groupe américain Allergan pour 170 millions d’euros. Une sacrée réussite pour ce fils d’immigrés parti de rien. Il faut dire que Cornéal, qui emploie alors 350 salariés, réalise 64 millions d’euros de chiffre d’affaires. Un bosseur, ce Waldemar. Têtu, inflexible, charismatique, il a la réputation d’être un patron ambitieux. Rien ne l’arrête.
Mais il est toujours fasciné par le foot. D’ailleurs en 1998, il va vivre une première expérience à la tête d’un club en devenant président du FC Lausanne en Suisse où il reste trois ans. Avec un bilan flatteur : deux Coupes de Suisse, un titre de vice-champion mais également une faillite après son départ. “C’est scandaleux de dire que j’aurais touché de l’argent sur des transferts, alors que je n’ai pas touché un centime de ce club” s’énerve Kita, qui récidive en août 2007 en rachetant le FC Nantes à Serge Dassault, après avoir engagé des discussions avec les propriétaires du PSG. Car ce quinqua millionnaire ne veut pas d’une retraite tranquille. Et il affiche un objectif : réussir à la tête d’un club de foot. D’ailleurs aujourd’hui, il consacre 100 % de son temps au FC Nantes.
Mais à peine débarqué dans cette ville, il va faire des vagues. Le nouveau président annonce un plan social avec le licenciement de près de 25 salariés. “C’est archi-faux ! Quand j’ai pris en main le club, j’ai constaté qu’un plan social avait été préparé par l’ancienne direction qui m’a laissé me démerder. Et après une réunion avec le Comité d’Entreprise, certains ont dit que je voulais virer tout le monde. Alors qu’au final, il y a eu simplement six départs à l’amiable. En tenant compte des problèmes personnels de chacun. Exemple, j’ai refusé de licencier un mec qui gagnait 2 200 euros par mois, car sa femme ne travaillait pas et il avait deux enfants malades”.
Humain, le fils de colonel ?
En tout cas, son management sportif est très critiqué car il va également virer en août son entraîneur Michel Der Zakarian, au bout de trois matchs seulement, alors que ce coach avait fait monter le club en L1 ! “C’était le travail de toute une équipe” corrige le président nantais, expliquant qu’il a recruté lui-même une demi-douzaine de joueurs l’année dernière. Car à l’inverse d’un Jean-Michel Aulas qui n’intervient pratiquement jamais en direct dans les choix de ses coachs, Kita est très interventionniste. Et il l’affiche sans complexe. Il a d’ailleurs passé un diplôme d’entraîneur en Pologne il y a cinq ans. “Quand j’étais président à Lausanne, on me disait que je n’étais pas entraîneur, que je n’y connaissais rien... Du coup, j’ai passé mon diplôme.”
Résultat : Kita s’énerve contre les journalistes qui, selon lui, ne reconnaissent pas tout ce qu’il a fait à Nantes depuis un an en avançant : “Quand je suis arrivé, j’ai construit une boutique de 300 m2 pour vendre les produits du club, j’ai aussi créé de nouvelles loges... Mais j’ai aussi fait refaire les bureaux avec un restaurant pour les joueurs, j’ai signé avec de nouveaux sponsors, comme Synergie et Paprec... Et moi-même, j’ai investi beaucoup d’argent personnellement dans le club, ce qui a notamment permis de faire passer le budget du club de 25 à 45 millions d’euros...”
Mais à Nantes, ce patron carré et tranchant passe mal. “Il n’a aucun état d’âme. Pour lui, ce club est une danseuse et je crains vraiment qu’il se casse dès que ça ira mal” lâche un notable nantais.
D’ailleurs, malgré sa promotion en Ligue 1, un successeur pour reprendre le club s’est déjà déclaré : l’écrivain François Bégaudeau. “Je ne sais pas d’où sort ce monsieur que je ne connais pas. S’il a de l’argent, qu’il nous dise quel est son projet pour le club. Au lieu de faire des grandes déclarations” balance Waldemar Kita en insistant : “Je me demande si ce type ne veut pas tout simplement faire un coup médiatique pour vendre son livre.” En attendant, il annonce un plan de cinq ans pour redresser le FC Nantes. Un club mythique qui a collectionné les titres de champion de France avant de sombrer au début des années 2000. Au moment où l’OL sortait de l’ombre.
Au final, on se demande si ce patron de la région ne fait pas une fixation sur Jean-Michel Aulas. Même s’il répète que ce n’est pas son modèle, sans vraiment convaincre. Car Waldemar Kita rêve de faire du FC Nantes, un grand club, comme l’OL. D’ailleurs, les deux patrons se ressemblent
Lundi 24 Novembre 2008 à 14h39
Kita : Un petit Aulas à Nantes
Le club de foot nantais a trouvé son Jean-Michel Aulas. Et en plus, c’est un ancien patron de la région. Fasciné par la réussite de l’OL. Très contesté, bien sûr, mais déterminé. Portrait.
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