Carré de Soie : un projet menacé

Carré de Soie : un projet menacé

Aménager un nouveau quartier de 500 ha entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin, c’est le projet ambitieux de Gérard Collomb. Mais les problèmes s’accumulent.

“Notre objectif, c’est de recréer une ville à vivre dans ce secteur désindustrialisé du Carré de Soie. Et nous irons jusqu’au bout.” Vice-président de la communauté urbaine chargé des grands projets, le centriste Roland Crimier affiche un discours très volontariste. Il faut dire que dix ans après les premières études, le projet du Carré de Soie entre enfin dans une phase décisive. Avec en janvier prochain, la construction d’un ensemble de bâtiments exemplaires en matière de développement durable pour abriter des bureaux et une grande surface bio. Alors qu’un pôle de loisirs et de commerces va ouvrir en avril suivant. Mais cette première tranche de 40 000 m2, qui représente à peine 5% de la surface totale, est menacée car la cour administrative d’appel vient d’annuler une autorisation d’exploitation commerciale. Et ce n’est pas le premier obstacle qui se dresse sur la route du Carré de Soie.
Or quand le promoteur Altarea et la financière Euris avait remporté l’appel d’offres en 2003 pour construire ce pôle de loisirs, le lancement des travaux était annoncé pour 2005, avec une ouverture en 2007. Mais cela va prendre deux ans de plus.

Premier problème : l’avenue de Böhlen, qui est la voie d’accès à ce pôle de loisirs, est trop étroite. Pourtant, c’est une deux fois deux voies. Mais toute sa surface est consacrée aux voitures, alors qu’il est nécessaire de prévoir des espaces pour les piétons et des stationnements paysagers de chaque côté. Or, les terrains nécessaires à cet élargissement n’ont pas tous été achetés avant le lancement du projet. De plus, l’intégration de l’hippodrome dans ce projet va s’avérer plus compliqué que prévu. Finalement, grâce à un montage financier et juridique assez complexe, la communauté urbaine en a cèdé une partie à Altarea pour lui louer le reste. Du coup, ce n’est qu’en octobre 2007 que ces contraintes ont été levées et que les travaux débuteront. “Après, tout est allé très vite. On a parfaitement respecté nos engagements puisqu’on a même investi 140 millions d’euros, soit 10 de plus que prévu”, insiste Florence Delgove, responsable communication d’Altarea, qui promet aujourd’hui une ouverture pour le printemps 2009.

Deuxième problème : il n’est pas certain que les magasins du centre commercial obtiennent l’autorisation d’ouvrir. Car Jean-Marc Cravarezza, le patron d’ADS, une grande surface de bricolage située à Villeurbanne, a déposé un recours. Son argument : Altarea aurait minoré l’impact économique de son pôle commercial pour obtenir cette autorisation. Selon ce commerçant, les grandes surfaces, qui s’installeront au Carré de Soie, vont attirer des clients dans un rayon beaucoup plus large. Ce qui pourrait déstabiliser les commerces du centre de Décines, Vaulx-en-Velin, Villeurbanne et même au-delà. Et la cour administrative d’appel de Lyon vient de lui donner raison.

Bref, ce recours pose un problème de fond.
Le Carré de Soie va-t-il redynamiser cette banlieue ou concurrencer ses commerces ? Alors que les commerçants du centre-ville de Lyon se plaignent des difficultés d’accès qui dissuaderaient leurs clients, ce nouveau pôle ne va-t-il pas accélérer le phénomène ? Quel sera son impact sur les multiples pôles commerciaux de l’agglomération ?
Entre-temps, Altarea a obtenu une nouvelle autorisation d’exploitation commerciale. Mais le patron d’ADS a aussitôt déposé un second recours au tribunal administratif. “On nous ressert le même dossier, mais en pire ! Car il démontre désormais clairement que le Carré de Soie est totalement surdimensionné”, affirme Me Jérôme Mailhé, l’avocat d’Ads qui soupçonne d’Altarea de vouloir “passer en force” en ouvrant ses surfaces commerciales pour obtenir ensuite une régularisation. Même si le patron d’ADS gagne au tribunal administratif. “A une époque, cela marchait. Mais il y a eu trop d’abus et la nouvelle loi du 4 août 2008 permet d’exiger du préfet qu’il ferme des magasins ouverts dans ces conditions”, affirme cet avocat. Une bataille qui est loin d’être finie.

Dernier problème : le Carré de Soie va-t-il résister à la crise ? Car Gérard Collomb espère lancer trois autres opérations immobilières dans ce nouveau quartier : les îlots Tase, Touly et Yoplait. Un promoteur s’est déjà lancé. Il s’agit de Marignan qui a un droit à construire de 73 000m2. Mais pas sûr qu’il est encore envie d’investir.
L’élu responsable du projet, Roland Crimier, affiche son optimisme. “L’agglomération lyonnaise est à l’abri de la crise immobilière vu son dynamisme économique. De plus, le Carré de Soie va rééquilibrer l’agglomération car les pôles commerciaux actuels sont surfréquentés.” Et pour cet élu centriste, même s’il y a un ralentissement “pendant deux ou trois ans”, cela n'aura pas vraiment d’impact sur un projet programmé sur 20 ans.

Lionel Favrot
l.favrot@lyonmag.com



10 ans déjà
Le projet Carré de Soie remonte à 1999, quand Raymond Barre, alors maire de Lyon, est saisi de plusieurs demandes d’installations de cinémas multiplexes. Or, il a justement lancé l’opération Millénaire 3 pour réunir des patrons, des experts et des élus afin qu’ils réfléchissent à l’avenir de l’agglomération. Et ils proposent de se servir de ces multiplexes comme des leviers pour mener des opérations de grande envergure. Deux projets émergent : un pôle numérique dans le quartier de l’industrie à Vaise où se sont installés, depuis, un multiplexe Pathé, l’Ouest Express de Bocuse, des entreprises high tech.... Et le Carré de Soie, autour de l’hippodrome de Vaulx-en-Velin. Un projet que Gérard Collomb va relancer après son élection à la communauté urbaine  en 2001. Il va même décider de desservir le Carré de Soie avec la nouvelle ligne de tramway T3 qui vient d’être inaugurée.

500 hectares
Le Carré de Soie est un des grands projets du second mandat Collomb, avec 1,5 millions de m2 à construire ou réhabiliter, sur ce site de 500 ha, soit presque deux fois la Presqu’île, où vivent aujourd’hui 15 000 habitants et  où travaillent 10 000 salariés. Avec des friches industrielles, des petites cités HLM vieillissantes... Objectif : créer une nouvelle zone de bureaux et d’activités dans l’est lyonnais, mais aussi construire un grand pôle de loisirs. Avec une série de grandes enseignes comme Castorama, Jardiland, King Jouet, Saturn, Go Sport, la Maison de la décoration, les librairies Gibert, des grandes marques de prêt-à-porter... Côté restauration, on trouvera Hippopotamus, le Bistrot Romain ou encore Villa Plancha, les glaces Amorino et les chocolats Jeff de Bruges. Sans oublier un multiplexe Pathé et l’hippodrome qui a été rénové.

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