Le président de la IVe chambre du Tribunal a douché d’un coup les espoirs de Cathy. "Je pleure un peu", confirme-t-elle par sms ce jeidi, quelques heures après l’ordonnance du Tribunal Administratif obligeant "tous occupants" de l’amphithéâtre C de l’Université Lyon 2 à le quitter avant le lundi 18 décembre.
Ses trois avocates, Maitre Cadoux, Messaoud et Vidourel, trouvées in extremis par Cathy et ses collègues étudiants (Mathieu et Bérénice), ont soldé leur regrets par un communiqué sec qui estime que "l’évacuation des lieux va avoir pour conséquence de placer ces personnes, au nombre desquelles figurent de nombreux enfants isolés et des personnes malades, dans une situation de précarité encore plus grande en les renvoyant à la rue". Des personnes malades ? L’avocate de l’Université Lyon 2 présente à l’audience du Tribunal a effectivement souligné que la présence d’un migrant atteint de tuberculose légitimait un séjour en hôpital plutôt qu’un hébergement de fortune dans un amphi qui n’a pas été conçu pour cela.
Le lendemain du jugement, vendredi, Cathy est avec ce migrant, à l’hôpital, qui attend l’opération d’un ganglion rendu complexe par la présence simultanée d’une carie très avancée qui le fait beaucoup souffrir. Les yeux de Cathy lancent des éclairs quand elle évoque l’attitude - qu’elle trouve désinvolte - de l’infirmière qui ne donne pas d’anti-douleur : "Le pauvre m’a dit qu’il n’a jamais eu aussi mal de sa vie, alors qu’il a traversé la Libye".
La vie (de l’amphi) continue
A peine une heure plus tard Cathy est de retour à Lyon 2 et le processus de "délégation de service public hors-cadre" (dixit Maître Messaoud) reprend son cours, simplement rendu plus difficile par la décision du TA de Lyon d’autoriser une expulsion que la Présidence de Lyon 2 envisage pour mercredi 21 décembre. Cathy, Mathieu et Bérénice, gèrent la vie des migrants pour le compte de la puissance publique défaillante.
Mathieu, une liasse de feuille à la main, passe de salle en salle pour distribuer les décisions de logements en foyer que les services de la Métropole lui ont envoyé. "On a 9 mineurs qui vont dormir en foyer ce soir, je leur donne la feuille puis on organisera leur transfert", raconte-t-il simplement. Cette bonne nouvelle est-elle la conséquence de la décision du Tribunal ? "Ah non, je ne pense pas, c’est juste qu’ils ont une très bonne avocate".
La décision du tribunal a pourtant apporté quelques nouveautés dans la faune des individus qui squattent le hall de l’amphi C : "Tiens, celui-là il a carrément les lunettes officielles des policiers de la BAC", sourit tranquillement Oberto, étudiant en M1 de sociologie. Des policiers il est question par ailleurs car des vols ont eu lieu dans des bureaux situés pas loin de l’amphi C. "Une barre chocolatée, deux vieux vidéo projecteurs à l’ampoule fatiguée et un ordinateur portable flambant neuf", énumère une agent des services de la faculté.
Dans les couloirs, malgré des hypothèses diverses sur le mode opératoire de l’auteur de ces larcins commis sans effraction, personne ne pense à mettre en cause les jeunes migrants. Il est vrai qu’ils sont là depuis un mois et que du passage il y en a en permanence.
Reste à gérer la presse (une équipe calme et efficace de TLM négocie avec Aube les plans de caméras possible), les AG où les avis les plus définitifs sont souvent le fait de ceux que Mathieu, Cathy ou Bérénice ne voient jamais, les cours : "J’ai un partiel à 10h sur un texte de Caroline Guillot "Les nouvelles formes de temporalité, de réflexivité et de connaissance de soi liées à l’expérience de la maladie chronique"", se frappe le front soudainement Cathy, et la suite…
La suite ? Si expulsion il y a, comment loger chez soi les migrants en situation irrégulière sans s’exposer au fameux "délit de solidarité" ? Responsabilité supplémentaire à gérer pour Cathy, Bérénice et Mathieu, agents involontaires d’un service public un peu débordé.