Fils de paysans, Jacky Darne est né en décembre 1944 à Rosières, un petit village de Haute-Loire. Plutôt bon à l’école, il poursuit ses études supérieures à Lyon où il entre à l’institut d’administration des entreprises et décroche un diplôme d’expert-comptable. Au départ, c’est plutôt la deuxième gauche qui l’attire. Il va donc adhérer au PSU de Michel Rocard et attendre le ralliement de son leader au PS pour rejoindre ce parti en 1976. Installé pour des raisons professionnelles à Rillieux-la-Pape, il se présente sur la liste PS aux élections municipales de 1983. Mais le maire de l’époque, Marcel André, un ancien résistant, paraît indétrônable. Darne va cependant conquérir cette ville de banlieue divisée entre son vieux village et ses grands ensembles. En 1989, il rate de 80 voix la victoire. A l’époque, il passe pour un dur, proche de Poperen. Le visage rond, des petites lunettes d’intello, toujours un petit sourire au coin des lèvres, il est également réputé pour ses coups de gueule. Mais à Rillieux, Marcel André, son adversaire, ne tarit pas d’éloges sur lui. En 1995, Darne est élu maire grâce à une triangulaire provoquée par le FN. Deux ans plus tard, il remplace Jean-Jack Queyranne à l’Assemblée nationale quand il est nommé ministre de Jospin. Réélu maire en 2001, il accepte la proposition d’ouverture de Raymond Barre dont il devient vice-président à la communauté urbaine. Là encore, il a droit à des compliments de Barre qui apprécie ses compétences. A partir de 2001, il sera un des éléments clés du dispositif Collomb pour tenir la communauté urbaine. Aujourd’hui vice-président chargé des finances, il a entre-temps laissé sa mairie à son premier adjoint, Renaud Gauquelin. A la fois intransigeant et habile, Darne a réussi à s’imposer comme le candidat du clan Royal au poste de premier secrétaire fédéral. Et il a été largement élu grâce à un accord avec les partisans d’Aubry et de Delanoë.
Les trois autres candidats au poste de secrétaire fédéral du PS
Aubry : Farida Boudaoud
“Le PS doit faire rêver dans ses discours en promettant plus de justice sociale. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne doit pas tenir compte des réalités locales quand on est élu !” A 42 ans, Farida Boudaoud assume tout à fait son positionnement très à gauche au sein du PS et son pragmatisme comme vice-présidente du conseil régional où Queyranne l’a chargée de l’apprentissage. “Ce n’est pas un grand écart. C’est le fonctionnement normal d’une démocratie.” De même qu’elle assume son opposition aux adhésions à 20 euros lancées par Royal. “Adhérer à un parti, cela doit être une démarche réfléchie. Normal que ça coûte cher. Ce qui n’empêche pas d’avoir des tarifs pour les chômeurs ou les RMistes.”
Entrée au PS en 1993 à Décines où elle a été pendant dix ans secrétaire de section, conseillère municipale puis adjointe aux associations du maire PS Pierre Credoz, elle fait partie de cette vague de jeunes militants sensibilisés à la politique par les manifestations lycéennes de 1986. “C’est mon père, ouvrier chez Rhône-Poulenc, qui m’a ouvert l’esprit sur le monde. Même s’il sait à peine lire le français, il a toujours suivi l’actualité. A la maison, on devait tous se taire quand c’était l’heure d’écouter 7 sur 7 !” Candidate du courant Aubry au poste de premier secrétaire fédéral, elle a accepté de signer un accord avec Darne. “C’était logique. La motion Royal était arrivée en tête. Et c’est une façon de sortir du congrès de Reims.” Agacée qu’on traite Aubry d’archaïque, elle l’estime “tout aussi moderne” que Royal qu’elle trouve en revanche “trop démago”.
Delanoë : Philippe Zittoun
Né en 1970 à Paris d’un père professeur de physique, mitterrandiste convaincu, sa mère étant laborantine, ce matheux participe aux manifestations lycéennes de 1986, et à 18 ans, il entre au PS où il rejoint le courant rocardien. Trois ans plus tard, il débarque à Vaulx-en-Velin pour passer un diplôme d’ingénieur à l’ENTPE et un DEA de sciences politiques. Avant de devenir professeur dans cette grande école de travaux publics. Secrétaire de la section socialiste de Vaulx-en-Velin, il va être élu à 23 ans au conseil fédéral du PS du Rhône où il restera dix ans avant d’être nommé directeur de campagne de Michel Rocard aux élections européennes pour la région Rhône-Alpes. Tout en étant délégué national du PS chargé des banlieues, il sera adjoint aux sports du maire de Vaulx-en-Velin Maurice Charrier jusqu’en 2008 où il tentera sans succès de s’opposer à la décision du PS de présenter une liste indépendante aux élections municipales. Redevenu simple conseiller municipal, ce rocardien rejoint Strauss-Kahn avant de le lâcher. “Il a refusé d’affronter Hollande pour prendre en main le PS et préparer la présidentielle de 2007. Une erreur qu’il a payée cher.” Du coup, il va soutenir Royal. Avant d’être à nouveau déçu. “J’ai été choqué de la manière dont elle a géré sa défaite face à Sarkozy en accusant le PS.” Du coup, il rejoint Delanoë qui le choisira pour le représenter face à Jacky Darne, le candidat de Royal, avant de signer un accord avec lui. “Delanoë est clairement à gauche mais il est décentralisateur et il ose se revendiquer du libéralisme politique. Ce qui n’a rien à voir avec le capitalisme sauvage.” Un choix qu’il ne regrette pas, convaincu que Royal fait une erreur en voulant s’allier avec le Modem. “Ce n’est pas un électorat captif. Le PS peut récupérer les voix centristes sans s’allier avec Bayrou.”
Hamon : Jules Joassard
Né à Lyon en 1975, Jules Joassard est plongé très jeune dans une ambiance militante. Fils d’instituteurs engagés à gauche, il passe son enfance à Sérezin-du-Rhône dans la vallée de la Chimie avant de poursuivre ses études à Lyon, au lycée Saint-Just. Mais il va attendre de décrocher son DEA d’histoire et d’entrer à Science Po Lyon pour s’engager au MJS, le mouvement des jeunes socialistes. C’est là qu’il fait la connaissance des fidèles de Benoit Hamon dont la chef de file lyonnaise est Barbara Romagnan. “On ne voulait pas se soumettre aux vieux caciques du PS et on tenait à rester aux côtés des syndicats et des associations.” Il va donc logiquement rejoindre le NPS, le nouveau parti socialiste, un courant créé par Benoit Hamon avec Arnaud Montebourg qui prendra finalement ses distances. Hamon va alors s’allier avec Henri Emmanuelli, l’intransigeant député des Landes. Grâce à une forte implantation militante, ils vont décrocher de nombreux postes de secrétaire de section. “On reconnaît notre engagement.” Dans l’Est lyonnais mais aussi, de plus en plus, dans l’Ouest. Saint-Priest, Vénissieux, Décines, Saint-Laurent-de-Mure, Vaugneray, l’Arbresle... Du coup, il n’est pas surpris de son score de 30% face à Jacky Darne, soit 10 points de plus que la moyenne nationale de cette mouvance. “Les 420 militants qui ont voté pour moi, on les connaît tous !” Mais il est prêt à travailler avec le courant majoritaire. Les lignes de fracture sont pourtant nombreuses. Ainsi, il conteste l’ouverture de Collomb vers le Modem, mais il l’accuse aussi de ne pas mener “une vraie politique de logements sociaux”.